DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 255

17 may 1867 Le Vigan CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Vous avez des embarras, tant mieux! car il faudra bien que vous y entriez. – Puisque vous voulez être ma novice, dites-moi vos répugnances et vos souffrances. – L’oeuvre sera aussi grande que votre coeur sera large. – Dans les défauts de ma nature je trouve les raisons qui ont empêché l’Assomption des hommes de prendre un plus grand développement. – Les Oblates. – Vos amies. – Exercez-vous à la présence de Dieu et rapprochez-vous de la Sainte Vierge.

Informations générales
  • DR06_255
  • 3004
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 255
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 402; D'A., T.D. 29, n. 34, pp. 36-38; QUENARD, pp. 62-64.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIE
    1 APOSTOLAT
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONTRARIETES
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 DEFAUTS
    1 DEGOUTS
    1 DESIR
    1 DIVIN MAITRE
    1 EPREUVES
    1 FRANCHISE
    1 MARIE NOTRE MERE
    1 NOVICE
    1 OBLATES
    1 REINE DES APOTRES
    1 RESIDENCES
    1 SANTE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 VIE DE FAMILLE
    1 VOIE UNITIVE
    2 CHAUDORDY, ANGELINA
    2 COULOMB, LOUISE
    2 DAMENNE, LOUISE
    2 DOUMET, BLANCHE
    2 DURAND, MADELEINE
    2 DURAND, MARIE DE L'ANNONCIATION
    2 FABRE, ROSALIE
    2 MERIGNARGUES, ISABELLE DE
    2 QUENARD, GERVAIS
    2 SARRAN, VALERIE
    2 THERESE, SAINTE
    2 VESINET, MARIE DU SACRE-COEUR
    3 AUTEUIL
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Le Vigan, 17 mai [1867](1).
  • 17 may 1867
  • Le Vigan
La lettre

Vous avez donc des embarras(2), bien chère petite Mère, mais je suis tenté de dire tant mieux! Il faudra bien que, tôt ou tard, vous y entriez et que vous en souffriez. Ainsi il n’y a pas tant à se préoccuper de vous y mettre tout de suite. Que l’on ne soit pas content de vous, il n’y a à cela rien d’extraordinaire. L’essentiel est que vous n’y donniez pas une véritable prise, et je ne pense pas que vous ayez à ce sujet de reproches à vous faire.

Vous voilà bien résolue à ne plus penser à Auteuil(3). Moi-même, je ne vous en ai parlé que parce que vous m’aviez, la première, proposé cette idée, mais il paraît, en effet, que vous ferez bien mieux de n’y plus penser. Mais puisque vous voulez être ma novice, je vous conjure de me dire vos répugnances et vos souffrances. Quelquefois je n’en tiendrai pas compte, mais quelquefois aussi, il sera préférable de ne pas aller au-delà. Il ne faut pas vous dissimuler que l’oeuvre que vous entreprenez sera aussi grande que votre coeur sera large. Profitez de mon expérience. Nous causions après dîner des raisons qui ont empêché l’Assomption des hommes de prendre un plus grand développement; je les laissais disserter, mais je vous avouerai, pour que vous en tiriez votre instruction, que toutes ces causes, je les trouvais en moi, dans les défauts de ma nature. Certes il faut quelquefois savoir repousser, mais il est très bon aussi d’avoir de l’attrait et quand c’est par vertu, on est presque toujours béni même en ce monde.

Vous ne me parlez pas de votre santé, ce n’est pas bien. Faut-il donc que l’on vous force à parler?

Je vais renvoyer à Rochebelle Soeur Marie de l’Annonciation pour la consolation de sa soeur et l’éducation de sa nièce(4). Je prendrai Soeur Valérie, une petite boiteuse bien laide et bien bonne, Soeur Rosalie, et puis probablement Soeur Louise, mais celle-ci probablement au mois d’octobre seulement ou bien à son retour des eaux, si elle y va. Je ferai faire la neuvaine que vous désirez. Vous avez bien raison d’aimer sainte Thérèse; c’est une sainte admirable par sa confiance en Dieu et la perfection de son amour. Les Oblates sont appelées à tout ce que le bon Dieu voudra d’elles. Je me persuade qu’il nous en faudra de toute qualité. Prions Dieu de nous apprendre à les diriger, selon qu’il le jugera à propos.

Si je vous ai parlé de dire quelque chose à Isabelle, Angélina et Louise(5), c’est que je souhaite que tout doucement on sente que vous tenez les rênes de l’oeuvre et qu’en même temps vous exerciez votre attrait sur les gens. Quant à Louise Coulomb, vous la tenez, je crois. Elle m’a écrit ce matin sur votre compte, et d’elle-même, une lettre qui prouve que vous en ferez au moment voulu ce que vous voudrez. Allez doucement, soyez ouverte et sérieuse avec elle; c’est ce qu’il lui faut. Je prie seulement Dieu qu’il ne nous la prenne pas trop tôt pour le ciel. J’ai un peu peur qu’elle ne soit épuisée et je ne sais, si je ne dois pas en faire mon mea culpa. Ne nous tracassons pas de Mlle Doumet, elle fera ce qu’elle voudra; pour mon compte, cela ne m’embarrassera plus guère. Il n’y a qu’à être très bon, mais rien que très bon. Quant à Louise, c’est une tout autre affaire, et qu’elle nous vienne un jour ou qu’elle reste dans le monde, c’est une fille sur laquelle vous pouvez entièrement compter. Il y a, à présent, dix ans que je la connais, je ne l’ai pas vue se démentir, excepté dans une affaire, où il y avait seulement chez elle erreur de jugement. Veuillez dire à votre soeur que je pense bien à elle et que je prie bien pour elle.

Pour vous, mon enfant, vous devez vous exercer beaucoup à la présence de Dieu. Toutes vos imaginations, de quelque nature qu’elles soient, ne doivent plus être qu’un aiguillon pour vous ramener à cette divine présence. Pensez sans cesse que c’est sous l’oeil de notre divin Maître que vous devez agir; c’est dans son être que vous devez vous absorber. Vous êtes son instrument, mais un instrument qui, un jour, doit en mettre beaucoup d’autres en branle. Vous devez être mère. C’est encore ce titre qui doit vous rapprocher de la Sainte Vierge. Soyez mère de la petite famille apostolique qui vous est confiée, comme la Sainte Vierge a été la mère des Apôtres, avant d’en être la Reine.

Adieu, ma chère enfant. Que Notre-Seigneur et sa Mère vous inondent de leurs lumières, de leurs dons et de leur amour!

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte *1865* mais, par son contenu, cette lettre est à dater de 1867. Une copie d'un extrait portait d'ailleurs la date du 17 mai 1867 et les compilateurs des T.D. le reproduisirent à sa place chronologique normale (D'A., T.D. 29, n. 73, pp. 84-85) sans s'apercevoir que la lettre entière avait déjà été reproduite d'après l'original, à la date du 17 mai 1865. Dans son édition (1932), le P. Quénard a déjà remis cette lettre à sa place.
2. L'attitude de sa famille.
3. "Je préfère de beaucoup être votre novice" (16 mai).
4. Sa soeur est Soeur Madeleine, sa nièce est sans doute la future Soeur M. du Sacré-Coeur Vésinet.
5. Mlles de Mérignargues, Chaudordy, Coulomb.