- DR06_284
- 3040
- DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 284
- Orig.ms. ACR, AD 1440; D'A., T.D. 23, n. 931, pp. 256-259.
- 1 ARCHEVEQUE
1 ASSOMPTION
1 CONCILE DU VATICAN
1 CONGREGATIONS DE FEMMES DE L'ASSOMPTION
1 D'ALZON FONDATEUR DES OBLATES
1 DIRECTION SPIRITUELLE
1 EMPLOI DU TEMPS
1 FRANCHISE
1 INSTITUTS RELIGIEUX
1 MESSE DE REQUIEM
1 MISSIONS ETRANGERES
1 NOTRE-DAME DE BULGARIE
1 NOVICIAT
1 OBLATES
1 PREDICATION DE RETRAITES
1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
1 SAINT-ESPRIT
1 SERVICE DE L'EGLISE
1 SOEURS CONVERSES
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 ALTENHEIM, MARIE-ANTOINETTE D'
2 BAILLY, EMMANUEL
2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 COMBALOT, THEODORE
2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
2 DARBOY, GEORGES
2 DUMAZER, ALEXIS
2 MALBOSC, FRANCOISE-EUGENIE DE
2 MILLERET, MADAME JACQUES
2 PETER, MARIE-MADELEINE DE
2 PICARD, FRANCOIS
2 PIE IX
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
3 NIMES
3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Le Vigan, 10 juillet [18]67.
- 10 jul 1867
- Le Vigan
Ma chère fille,
Comme il m’arrive toujours quand une affaire me préoccupe, je me suis réveillé cette nuit, vers 2 heures, et la solution la plus nette par rapport à ce dont vous me parlez dans votre dernière lettre(1) s’est présentée à moi. D’abord je vous remercie de la franchise avec laquelle vous m’avez parlé, ensuite laissez-moi établir que je n’admets pas que l’idée soit de vous, et que vous ayez pu admettre que je ferais jamais quoi que ce soit pour vous enlever des vocations. Marie Correnson, il y a très peu de temps encore, me reprochait de ne l’avoir pas assez poussée vers les Oblates, tant j’avais respecté l’idée qu’elle avait eue de vous venir. Et notez que le 24 mai 1865, le lendemain de la fondation de Rochebelle, elle avait versé toutes les larmes de ses yeux pour n’avoir pu y entrer avec les sept premières. Notez encore qu’elle ne m’a fait cet aveu qu’il y a un mois à peine, mais voici ce qui m’est venu à l’idée.
Depuis quelque temps, je cherchais à me retirer de bien des affaires; j’ai annoncé que je ne prêcherais plus de retraites à Saint-Maur ni au prieuré. Je comptais, l’an prochain, céder Saint-Maur à M. de Cabrières. Je comptais, il est vrai, me donner un peu plus au prieuré et surtout aux religieuses, afin que M. de Cabrières ne pût pas trop se plaindre que je le faisais remplacer par quelqu’un moins capable que lui. Mais je ne vais pas profiter de la situation d’esprit de quelques-unes de vos filles et j’ai un bon prétexte, qui est aussi une raison, puisque j’y avais réfléchi avant de recevoir votre lettre.
Je vais me faire ermite pour étudier la matière du futur concile, surtout au point de vue des Ordres religieux et des modifications à leur faire subir. Cette idée m’était venue, il y a quelques jours, à propos d’une lettre de mon évêque(2) sur cette question-là, qui sera une des plus importantes après celle de l’infaillibilité du Pape. Je vous donnerai, pour me remplacer, le P. Vincent de Paul, dont vous m’avez dit aimer le genre et dont l’enthousiasme pour les Oblates est considérablement modéré. Je ne puis vous parler du P. Emmanuel, qui prend tous les jours un peu plus en effroi les dames, demoiselles et religieuses. Quant au P. Alexis, il plaît beaucoup au prieuré, mais je doute qu’il procure beaucoup de vocations à quelque couvent que ce soit, sauf peut-être chez nous. Toutefois s’il réussit avec vos filles, il sera à vos ordres. Je pense seulement que les Oblates n’ont son coeur en aucune façon.
Vous voyez pourquoi je tiens à avoir au Vigan la maison du premier noviciat. C’est précisément afin de pouvoir au moins alimenter les Oblates avec une classe de personnes qui ne fassent pas ombrage à vos filles. Et permettez-moi de vous faire observer en même temps que probablement vous avez eu rarement plus de vocations de Soeurs converses que depuis le départ de Soeur Françoise- Eugénie au moins au prieuré, puisque la Mère M.-Gabrielle me parlait de dix-huit à vingt qu’elle avait reçues. Pourtant c’était dans la même catégorie que les Oblates avaient été prises et dans le temps de leur formation jusqu’à présent. La petite Congrégation, qui a maintenant la Mère Emmanuel-Marie de la Compassion pour supérieure, est tellement sui generis, pour employer l’expression de Mgr Darboy à propos de vous autres, qu’il est bon de ne pas trop s’en effrayer.
Je vous avouerai tout simplement que la première idée de la fonder me vint, il y a deux ou trois ans, je ne puis plus bien me le rappeler. L’année précédente, dans votre salle de communauté, quelques-unes de vos filles m’avaient promis de se donner aux missions étrangères. Lorsque, quelques mois après, ayant été les voir encore, je m’aperçus que pas une, sauf Soeur Marie-Antoinette, ne voulait se dévouer aux missions, j’eus un serrement de coeur que j’eus tort peut-être de garder pour moi, parce que j’eus une triste idée du dévouement des filles de l’Assomption(3); et ce fut un des signes où je crus saisir dans le noviciat un courant, qui certes n’est pas le vôtre et dont j’ai si souvent parlé au P. Picard. Je comprends qu’il peut y avoir des difficultés, car il sera impossible à moi ou aux miens de parler missions étrangères devant vos élèves sans qu’on croie que je veux ou que nous voulons en faire des Oblates.
Je viens de dire la messe en noir, et, comme je n’ai pas d’intention particulière, je suis bien aise d’en prendre tout ce que je puis appliquer rétrospectivement des mérites de Notre-Seigneur à l’âme de Madame votre mère, pour qui je dirai spécialement la messe au plus tôt(4).
Je reviens au sujet de ma lettre. Plus j’y songe, plus je suis convaincu que si nous prenons les choses par le côté où les envisagent certaines têtes un peu stupides, tout tournera à mal. Vous rappelez-vous qu’à l’époque de la fondation du prieuré, M. Combalot étant venu à Nîmes, quelques-unes des puissantes têtes de votre Conseil vous poussèrent à y accourir(5). Ce fut très bon sans doute que d’avoir le plaisir de vous voir, mais franchement, après dix à onze ans de distance, votre ou plutôt leur effroi avait-il le sens commun? J’en dis de même pour les Oblates. Je crois que dans cette circonstance le meilleur pour vous et pour moi serait d’envoyer promener les gens qui voudraient pêcher en eau trouble. Ne permettons pas que personne trouble l’eau, et les deux oeuvres, un peu plus tôt, un peu plus tard, n’en feront qu’une en deux branches.
Je pense qu’il peut y avoir quelque coup momentané à redouter de l’arch[evêque], mais cela ne peut pas être long. Le mouvement est donné, le Saint-Esprit souffle trop manifestement. Nous verrons de tristes choses, mais la tempête fortifie les racines de l’arbre. Vous ne pouvez plus compter sur des relations confiantes avec votre arch[evêque], mais les arch[evêques] passent et l’Eglise reste.
C’est le concile qui me préoccupe, je vous l’avoue, et pendant que je m’en occuperai, je laisserai tomber une foule de petites misères. Vous verrez qu’au terme bien de vos filles ouvriront de grands yeux. Pour le moment j’ai là, d’elles, des masses de lettres auxquelles je vais répondre; mais je comprends peu les gens, qui, après avoir crié sur mon despotisme à propos des confessions, viennent dans mon cabinet me prier de me charger plus spécialement de leur conscience. Cela me passe, et c’est ce qui a eu lieu au prieuré, la veille de mon départ pour le Vigan.
Adieu, chère fille. Croyez que je vous plains d’être environnée de certaines têtes. Tout vôtre. Au jeudi 1er août(6). Quant à Soeur M.-Madeleine, nous arrangerons le tout pour le mieux(7).
Mille fois vôtre encore une fois.
E.D'ALZON.2. Datée du 1er juillet.
3. Voici les réflexions que cette confidence inspira à Mère M.-Eugénie: "N'ayez pas de réticences [...] je regrette celle que vous avez eue sur l'impression que vous avait faite l'abstention des soeurs lorsque vous parliez de la Mission de Bulgarie. La vérité est qu'en pareil cas celles qui s'avancent le moins sont celles sur lesquelles on pourrait le plus compter. Mais la fondation des Oblates est une bonne chose, leur règle se prête mieux à la fondation des petites écoles. Il ne s'agit que de nous soutenir les unes les autres en écartant par la franchise et la vraie charité tout ce que le diable voudrait semer entre nous. Je vous supplie de ne former aucune résolution et de ne prendre aucun autre parti d'ici à ce que nous nous voyions." (12 juillet).
4. C'était le 25e anniversaire de la mort de Mme Milleret, emportée en quelques heures par le choléra le 8 juillet 1832, pendant un séjour à Paris (*Origines de l'Assomption*, I, p. 41).
5. Voir *Lettre* 573, n. 8. - Les premières Religieuses de l'Assomption arrivèrent à Nîmes le 24 octobre 1855.
6. Le P. d'Alzon comptait partir de Paris pour Ems ce jour-là, en compagnie de Mère M.-Eugénie et de Mère Emmanuel-Marie.
7. Mère M.-Eugénie ne voyait pas la possibilité de priver la communauté de Sedan de Soeur M.-Madeleine sinon pour la durée des vacances scolaires (lettre du 8 juillet).