DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 357

4 sep 1867 Le Vigan PICARD François aa

Opposition croissante entre les idées de la plupart des religieux du collège et celles du P. Vincent de Paul qui ne pourra tenir au collège. – Le collège normand ou Londres? – Envoyez-moi donc de l’argent. – La Soeur Raymond. – Je vais vous expédier le Fr. Arsène. – Ci-joint le résumé des conversations du P. Vincent de Paul avec les autres jeunes religieux.

Informations générales
  • DR06_357
  • 3113
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 357
  • Orig.ms. ACR, AE 252; D'A., T.D. 25, n. 252, pp. 202-203.
Informations détaillées
  • 1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGES
    1 CONVERSATIONS
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 EMPLOIS
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BONHOMME, ARSENE
    2 MARIE-RAYMOND, SOEUR
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 LONDRES
    3 PARIS
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Le Vigan, 4 sept[embre 18]67.
  • 4 sep 1867
  • Le Vigan
La lettre

Cher ami,

Je vous ai écrit ce matin, trop longuement et trop brièvement. Trop longuement, parce qu’il y avait peut-être des points bien simples à constater, l’opposition croissante entre les idées de la plupart des religieux du collège, d’une part, et celles du P. V[incent] de P[aul], de l’autre. Le P. V[incent] de Paul voulait que le supérieur s’annihile encore dans la direction des religieux; il accepte la suppression des traditions établies, vivantes dans le règlement et, en même temps que les religieux élevés avec le règlement réclament ces traditions qu’ils aiment, en fassent le sacrifice à ses idées à lui. Cette situation devient impossible. J’ai écrit très brièvement, car les détails où je suis entré impliquent des objections auxquelles il est très facile de répondre, pourvu qu’on ait la moindre intelligence du collège comme vous l’avez, mais dont il faut pourtant indiquer la solution, ce que je n’ai pas fait suffisamment.

Je crois inutile d’y revenir. J’arrive à cette solution. Le P. Vincent de Paul, d’ici à peu, ne pourra pas tenir au collège; car ayant d’un côté le P. Hippolyte et les principaux religieux du collège d’une part, et le P. V[incent] de Paul de l’autre, je penche naturellement pour les religieux qui sont de mon avis. Quand, il y a dix ou douze jours, le P. V[incent] de P[aul] me demanda de le débarrasser du collège, le P. Hippolyte me dit, avant de connaître mon opinion: « A votre place, j’accorderais ce qu’il demande, en prenant [un] peu de temps et lui laissant faire la rentrée pour éviter la secousse ». C’était juste ce que je venais de lui répondre.

Si vous préférez le collège normand(1) à la fondation de Londres, je vous laisse toute liberté; moi, je préfère Londres, mais dans cette circonstance je n’y tiens pas. Nous laisserions le P. V[incent] de P[aul] prendre là ses ébats. Un collège où il serait tout, mais ce serait parfait pour lui! Je n’y regarderais [pas]. Que pourrait-il souhaiter de plus? Londres me semble quelque chose de plus sérieux.

Mais je le répète, si vous ne voulez pas que je perde le peu de tête qui me reste, envoyez-moi un peu d’argent; sans quoi, je suis enterré avant la fin de l’année, dans la supposition où le P. V[incent] de P[aul] devra s’en aller. Il paraît du reste que nous avons une belle rentrée.

Adieu. Je vous laisse. Totus tibi.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Je vous avoue que j'ai été bien heureux, moi aussi, de votre séjour au Vigan. Je vous en donne une preuve par la confiance que je vous montre en ce moment.|J'attends la Soeur Raymond. Je vais vous expédier [le] Fr. Arsène(2). Votre dépêche arrive à l'instant, et à l'instant [le] Fr. Arsène reçoit 200 francs avec lesquels il fera le voyage. Je vous envoie le résumé des conversations du P. V[incent] de P[aul] avec son frère et les autres jeunes religieux. Vous verrez si c'est acceptable. Notez qu'il est de bonne foi. Il faudra bien soigner [le] Fr. Arsène. Je vous écris à bâtons rompus. Vous me renverrez la note ci-jointe. Vous pourrez la copier et en faire votre profit, si le P. V[incent] de P[aul] va à Paris.|Si la supérieure de l'Assomption trouve cette manière de procéder religieuse, je n'ai plus rien à dire. Notez que tout est à l'état de théorie dans sa cervelle, et qu'il agit dans la plus parfaite bonne foi, et me l'explique sans scrupule(3).1. Un collège situé entre Lisieux et Bayeux, qu'on venait d'offrir aux Assomptionistes (Picard, 2 septembre).
2. Le Frère Arsène Bonhomme, convers.
3. A cette lettre et à la précédente le P. Picard répond longuement dès le surlendemain. Il commence par constater qu'il est arrivé aux mêmes conclusions que le P. d'Alzon. "Le P. Vincent de Paul ferait la rentrée avec tous les pouvoirs de directeur, son frère serait sous-directeur et, une fois la rentrée effectuée, le P. V. de P. s'effacerait tout doucement en se déchargeant sur son frère et puis, vers le mois de décembre ou janvier, il serait obligé de faire un voyage que nous saurions rendre indéfini, c.à d. définitif. Il n'y aurait pas de commotion, puisque le sous-directeur serait déjà installé et remplacerait naturellement le directeur absent." Cela dit, il revient sur le P. Vincent de Paul et estime que ce dernier "n'est pas complètement compris et que le bon P. Emmanuel donne un caractère absolu à ce qui n'en a aucun". Pour sa part il a vu dans le P. Vincent de Paul "un excellent religieux, qui avait certaines idées et certaines manières de faire à lui, mais qui restait dans les principes de la vie religieuse... Seulement il avait toujours à lutter contre son frère et ne pouvait pas supporter que, sous prétexte de mieux obéir, on éludât son autorité en recourant sans cesse à la vôtre..." La lettre du P. Picard comporte encore plusieurs pages et le dossier de l'affaire est loin d'être fermé. Nous n'en dirons pas plus, nous contentant de renvoyer à l'excellent chapitre déjà signalé du P. Touveneraud dans la *Documentation biographique*.