DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 367

• DR06_367
• 3124
• DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 367
• Orig.ms. ACR, AL 370; D'A., T.D. 36, n. 29, pp. 97-99.

• 1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
  2 BARDOU, THERESE DE LA CONCEPTION
  2 BERTHE, MARIE-JULIE
  2 BURE, MARIE-JULIENNE DE
  2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
  2 DUPANLOUP, FELIX
  2 HUGUES, MARIE DES ANGES
  2 HUMMEL, MARIE-PAUL
  2 JOULE, JEAN-MARIE
  3 VIGAN, LE
• A SOEUR MARIE DES ANGES HUGUES
• HUGUES Marie des Anges ra
• Le Vigan, 10 sept[embre 18]67.
• 10 sep 1867
• Le Vigan

Mes bien chères filles,

J’aurais à répondre à cinq d’entre vous, je préfère vous adresser une épître collective. J’invite celles qui veulent venir au Vigan à venir. Personne ne vient. Merci. Et l’on dira que je suis susceptible! Mais il faut s’attendre à être calomnié. Un point. A la ligne.

En ce moment, une Soeur demande à sa voisine quelle est donc la cinquième à qui le P. d’Alzon doit une réponse. On n’a pu [en] compter que quatre. Je réponds: Cela dépend. Style du P. Jean-Marie.

Une autre dit: « Mais voilà bien des alinéas ». C’est le style Dupanloup.

En voulez-vous un autre? Tout ainsi comme l’on voit les avettes se répandre au soleil levant dans les prairies empourprées de fleurs et butiner le doux miel, dont elles forment leur cher trésor pour les temps de froidure; tout ainsi mes filles, pour qui ma dilection paternelle se dilate sans cesse, j’espère que vous allez vous répandre sous peu dans le beau parterre, dont le prédicateur de la retraite va étaler à vos regards et à votre odorat mystique les plates-bandes parfumées (sans allusion à Soeur M.-Julie)(1), vous allez… Ouf! Le genre me suffoque. Et vous?

Essayons d’un autre. Dans le temps de progrès que parcourt l’humanité affranchie par les principes de 89, on ne peut concevoir une religieuse rebroussant au moyen âge au point de se faire religieuse. La civilisation qui fait faire les chemins vicinaux et les emprunts, sous le prétexte des dits chemins, exige tout au moins que si le siècle est condamné à voir des religieuses, ces religieuses soient à la hauteur des idées modernes et que le tribun sacré, qui va vous montrer vers quels sommets doit s’élever votre intelligence, dans quels abîmes doit plonger votre coeur, pousse en même temps ces pauvres victimes d’une obéissance arriérée à la conception de toutes les merveilles dont l’époque présente est grosse, et à qui l’Exposition générale a commencé de servir de berceau.

Voilà trois styles, choisissez. Je pourrais en avoir bien d’autres. Il y a le style Soeur Marie-Paul, mais il y a le style Soeur Marie des Anges. Vous avez encore le style Soeur Marie-Julie. Et que dire du style S.-Marie Julienne? Voyez que de styles et quels styles.

Donc nous n’en manquerons pas, sans compter que je vous écris avec un porte-plume, façon de style, que m’a donné ce matin Soeur Thérèse de la Conception. Je ne prétends pas pourtant atteindre à la perfection du style de cette chère Soeur. Mais voyez pourtant comme cette sainte fille m’a inspiré. Je ne prétends pas le moins du monde qu’elle m’ait donné son esprit, ma prétention ne va pas jusque là, mais enfin il faut bien rendre à chacun ce qui lui appartient et vous dire comment, à propos d’un porte-plume, j’ai essayé de divers styles sans réussir dans aucun. Aussi je reviens au mien, si j’en ai un, pour vous engager à être bien sages, à ne pas mettre vos voiles de travers, à ne pas vous marcher sur le pied, à ne pas vous pincer le nez trop fort, à bien finir les vacances sans mettre le feu au couvent, à vous convertir pendant la retraite, à ne pas trop faire enrager la chère Mère Gabrielle à son retour, à manger les oeufs par le gros bout, et, quand il pleut, à laisser pleuvoir.

Sur ce, mes chères filles, je vous remercie de vos lettres et vous souhaite bien le bonjour.