DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 395

28 oct 1867 Nîmes SAUGRAIN Hippolyte aa

Mes ordres sont que vous continuiez d’en donner à Montmau. – Mme Arnal. – Les Oblates. – Mon incompétence dans le gouvernement des maisons. – Retour sur Mme Arnal. – Le P. Vincent de Paul accompagnera probablement à Rome les zouaves qui partent la semaine prochaine.

Informations générales
  • DR06_395
  • 3155
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 395
  • Orig.ms. ACR, AK 162; D'A., T.D. 33, n. 172, pp. 104-107.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 BAVARDAGES
    1 CHOIX
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONFESSEUR
    1 CONSPIRATION
    1 CONSTITUTIONS DES OBLATES
    1 CREANCES A PAYER
    1 CRITIQUES
    1 ECONOMAT
    1 ECONOMAT GENERAL
    1 ELEVES
    1 FRANCHISE
    1 GESTION DES BIENS
    1 GOUVERNEMENT DE LA CONGREGATION DES ASSOMPTIONNISTES
    1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
    1 OBLATES
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    1 SUPERIEUR GENERAL
    1 SUPERIEURE GENERALE
    1 VETURE RELIGIEUSE
    1 VIN
    1 ZOUAVES PONTIFICAUX
    2 ARNAL DU CUREL, ERNEST
    2 ARNAL DU CUREL, MADAME
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BRUN, AUGUSTINE
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 DALMIER, NATHALIE
    2 DURAND, MADELEINE
    2 DURAND, MARIE DE L'ANNONCIATION
    2 FERRET, JULES
    2 LAMPRE, BARTHELEMY
    2 MALASSIGNE, ATHANASE
    2 MAUBON, JOSEPH
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 RIGAL, MADAME
    2 SAGNIER, INTENDANT
    3 MONTMAU
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 ROME
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE HIPPOLYTE SAUGRAIN
  • SAUGRAIN Hippolyte aa
  • Nîmes, 28 oct[obre 18]67.
  • 28 oct 1867
  • Nîmes
La lettre

Cher ami,

Décidément le titre de Normand vous offusque(1), mais permettez-moi de vous dire que, quand vous me dites un chiffre et que Sagnier, sans s’en douter, m’en dit un autre, je suis un peu embarrassé. Maintenant mes ordres sont que vous continuiez à en donner à Montmau. Je croyais avoir très catégoriquement dit à Sagnier, devant vous, de faire ce que vous lui diriez. Si vous trouvez que cela ne suffit pas, vous aurez la lettre de créance.

J’avais cru que quand on vend 15 francs au-dessus de ce que vous aviez compté, d’après votre lettre, on aurait pu offrir q[uel]q[ue] chose au Saint-Père. Vous ne voulez pas. Ainsi soit-il! Notez que je vous avais consulté. Je croyais vous avoir autorisé à recevoir à l’habit Maubon et à la profession [le] Fr. Barthélemy. Je n’ai pas encore l’approbation pour Ferret.

Quant à Mme XXX(2), évidemment il y a des tripotages, dont je ne suis pas responsable. Mais, très franchement, croiriez-vous que je me persuade tous les jours qu’elle est surtout mécontente de l’insuccès de son fils, quoique je le lui eusse annoncé au mois de février dernier. Il me semble que sur le reste je suis tout à fait innocent. Mais si je ne sais administrer les affaires d’argent ni gouverner les gens, que fais-je, comme supérieur général, que la première buse ne fasse aussi bien que moi? Tant vaut donner sa démission. Toutefois le grand motif, qu’on a mis en avant depuis les vacances pour ourdir la conspiration contre la maison, était, outre la faiblesse des études, que je ne m’occupais plus de rien. Voulez-vous que je ne m’occupe plus de rien? J’y suis prêt. Seulement si le public est d’un autre avis que vous, c’est votre affaire.

Pour en revenir à Mme XXX, notez que si elle a su quelque chose, c’est par Soeur Nathalie qui n’a cessé, depuis la fameuse visite à la lingerie où Mme XXX se fâcha si fort contre les Oblates, de me dire des choses peu aimables sur son compte, sans que j’aie jamais approuvé ni directement ni indirectement. Il me semble que Mme XXX ferait mieux de s’en rapporter à moi.

Puisque je suis sur les Oblates, il me semble que Soeur Madeleine ne doit pas lire les lettres des Oblates à la supérieure g[énéra]le, ni de la supérieure g[énéra]le aux Oblates. C’est positivement défendu par les constitutions. Voudriez-vous le lui rappeler? Soeur Augustine craint la Mère Emm[anuel], me craint, moi, et se jette du côté du P. V[incent] de P[aul], qui n’en est nullement épris. Elle a le P. Athanase, que j’ai donné pour confesseur et qui dit tous les matins la messe à leur chapelle.

Je vous relis et je vois que je suis une bien grosse bête, qui ne comprend rien au gouvernement des maisons. Tenez pourtant pour sûr que les reproches que vous me faites pour trop parler, d’autres vous les font pour votre silence. Quand le pouvoir du P. Picard a-t-il été combattu? Et le vôtre, comme maître des novices, quand l’a-t-il été? Quant à Rochebelle, je vous y ai donné de pouvoir, autant que je puis en garder, mais je vous avoue que je crois pouvoir y garder mon avis.

Troisième retour sur Mme XXX. En plein chemin de fer, elle a parlé sur l’Assomption (le collège) de la façon la moins aimable, et pourtant Dieu sait si ce n’avait pas été à cause d’elle si Ernest n’en eût pas été chassé(3). Qu’y a-t-il d’ambigu et d’indéfini aux Oblates? Est-ce que vous n’en êtes pas le supérieur pour Le Vigan? Est-ce que je n’avais pas, en vous prévenant, offert à Mme Arnal d’y être tout ce qu’elle pourrait? Est-ce que cela n’a pas duré ainsi deux ans? N’a-t-elle pas appelé de ses voeux Mlle Corr[enson]? A moins qu’elle ne fût pas sincère dans la manifestation de ses désirs? Fallait- il qu’après m’avoir donné à entendre qu’elle viendrait, ayant reculé, (et je ne le lui reproche pas), je laisse sous elle une personne qui se donnait entièrement? Le fond est cela. L’insuccès de son fils l’a irritée. Dès lors, elle n’a plus eu les mêmes dispositions, elle s’est réfugiée dans quelques cancans de Soeur Nathalie ou de Soeur M[arie] de l’Annonciation.

Voilà ce qui l’a irritée. Eh bien, la preuve que je pensais toujours à elle, je vous la dirai, c’est que quand Mlle Correnson accepta que la surprise que les Oblates voulaient me faire de me la présenter en habit religieux se changeât en vraie prise d’habit, je m’étais procuré deux voiles. J’en donnai un à Mlle Corr[enson] et je donnai l’autre, à ma première visite au Vigan, à Mme XXX, et ce ne fut qu’à mon retour du Vigan que je parlai, comme je fis, à Mlle Correnson pour l’engager à venir. Quant à la maladie qui a suivi la mort de Mme R[igal], quoi qu’elle dise, elle a été causée: 1° par la fatigue des soins donnés à sa mère; 2° surtout non par ce que je lui avais dit, – à cette époque rien n’était fait – mais par la vue claire qu’elle avait de la nécessité de se décider. Elle a reculé, je ne l’en blâme pas, mais ce n’est pas ma faute. Elle a pris pour mes paroles celles de sa conscience. Ainsi je nie absolument que je crée des positions qui n’en sont pas, et, quand on donne aux gens des preuves de confiance, comme je vous en ai données, j’admire qu’ils puissent me dire que je les mets dans des positions fausses. Du reste, si vous le préférez, je cesserai de penser tout haut avec vous, de vous dire mes idées. Cela vous ira mieux probablement et vous ne m’accuserez plus de changer d’avis. Au lieu de vous consulter, je déciderai. Ce sera le meilleur moyen de ne plus vous créer des positions impossibles, et vous ne verrez plus, vous ne toucherez plus du doigt des choses impossibles et dépourvues de sens. Je désire que vous n’ayez plus d’impossibilités de cette espèce.

Il y aura, la semaine prochaine, un départ de zouaves pour Rome. Si vous le pouvez, dites à ceux du Vigan qui doivent partir de s’arranger pour être ici un jour que leur fixera le P. V[incent] de P[aul], qui les accompagnera probablement à Rome(4); ce dont il m’a assuré être enchanté. Peut-être cela le met-il dans une position impossible. Il m’a assuré être convaincu du contraire. Je suis trop franc pour ne pas vous dire, comme résumé de ma lettre, qu’ayant pour vous l’immense confiance que j’ai, j’éprouve une profonde peine à voir comme vous prenez les choses(5).

Notes et post-scriptum
1. Le 27 octobre, le P. Hippolyte a répondu 9 pages à la lettre du 25 du P. d'Alzon. L'histoire du prix des foudres l'a vraiment vexé. Il se justifie longuement et demande s'il doit informer son supérieur des moindres détails. Puis il l'invite, avant de faire de nouvelles dépenses, à honorer les engagements pris: Sagnier, le régisseur de Montmau, par exemple attend toujours ses gages de l'année précédente... "vous allez toujours trop vite. Laissez-nous, s'il vous plaît, faire face à des engagements de conscience et permettez-moi, comme économe général d'y tenir la main, même contre vos entraînements". Et la lettre continue sur ce ton.
2. Mme Arnal du Curel.
3. Sans doute: "Dieu sait si ce n'est pas à cause d'elle qu'Ernest n'en a pas été chassé".
4. Le même jour, le P. Vincent de Paul a écrit au P. Picard: "Hier le P. d'Alzon est entré dans la salle d'ordre du jour et sans vouloir monter dans la chaire, où par hasard je faisais du savon en quantité, il a annoncé aux élèves que plusieurs zouaves allaient partir et demandaient à être accompagnés par quelqu'un connaissant les lieux, et qu'en conséquence, s'ils promettaient, eux élèves, d'être sages, très sages en mon absence, il me chargerait de cette mission. J'ai dit aux élèves en manifestant ma joie que, si je n'étais pas si intéressé dans la question, je leur demanderais de faire la promesse par acclamation. [...] Quoique je ne me rende pas compte du rôle et du service de mon personnage dans ce voyage, je trouve le plan remarquable. Qui pourra dire que je suis éloigné pour année insuffisante..."
5. Dans sa lettre du lendemain, Hippolyte écrivit: "... si je ne vous écris pas ces choses, personne ne vous les dira, personne ne vous écrira, je puis avoir le courage de les écrire, je ne l'aurais pas de les dire parce que vous n'auriez pas la patience de les entendre."