DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 409

22 nov 1867 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Cette excursion au Vigan était-elle donc si dangereuse? – Cancans. – Sauf une certaine absence de sens commun, je suis content des Soeurs. – Le chemin de fer du Vigan aboutira-t-il dans mes prairies? – Une lettre de Louis Veuillot aux élèves du prieuré. – Le clergé me revient. – Donnez-moi une réponse décisive pour le voyage du Vigan. – Mes dispositions: un abandon toujours plus absolu à la volonté de Dieu et un plus grand désir de prier.

Informations générales
  • DR06_409
  • 3172
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 409
  • Orig.ms. ACR, AD 1455; D'A., T.D. 23, n. 954, pp. 282-284.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 APOSTOLAT
    1 BAVARDAGES
    1 BETISE
    1 CLERGE NIMOIS
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 COLERE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DILIGENCE
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 ENERGIE
    1 ENVIE
    1 ESPRIT ETROIT
    1 FOI
    1 FRANCHISE
    1 GARES
    1 INDEMNITES D'EXPROPRIATION
    1 PENSEE
    1 PREDICATION DE RETRAITES
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 PUBLICATIONS
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SANTE
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOYAGES
    2 BARDOU, THERESE DE LA CONCEPTION
    2 BERTHE, MARIE-JULIE
    2 BURE, MARIE-JULIENNE DE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 COURCY, MARIE-GABRIELLE DE
    2 HUGUES, MARIE DES ANGES
    2 HUMMEL, MARIE-PAUL
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 ROCHER, THERESE-AUGUSTINE DE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 NIMES
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 22 novembre 1867.
  • 22 nov 1867
  • Nîmes
La lettre

Ma bien chère fille,

Je vous avoue que je n’eusse jamais supposé que quelques heures de diligence en plein jour pussent faire un tel mal à Soeur M.-Gabrielle. Vos filles du prieuré sont un peu absurdes. Elles viennent me trouver pour me dire: La Mère M.-G[abrielle] est frappée, il faut la distraire. Quand je lui cherche une distraction qui la ravit, – car elle revient sans cesse à l’idée d’aller au Vigan, – elles vous écrivent pour l’en empêcher. Elles trouvent qu’on la fait trop parler, et, du matin au soir, elles viennent successivement se plaindre à moi de ce qu’on l’épuise, dans sa cellule, de paroles et de direction. Je vous avoue que je tenais peu à ce qu’elle vînt, malgré le plaisir qu’elle manifestait de cette course. Mais ma vraie pensée était, dans cette petite excursion combinée avec la petite supérieure des Oblates, de faire tomber par cette bonne entente extérieure, les cancans stupides d’un certain monde dévot et jaloux, qui se nourrit avec bonheur de ces divisions qu’il suppose, qu’il envenime, qu’il aurait fini par créer, avec un esprit moins bien fait que celui de la Mère M.-Gabrielle.

Votre lettre m’est arrivée vers 8 heures du soir, après une journée où j’étais allé deux fois au prieuré, et où je croyais avoir fait d’excellentes affaires pour en finir avec des tripotages qui me sont odieux et où j’ai bien de la peine à ne pas m’impatienter, devant certaines étroitesses trempées dans un fiel mystique qui m’a toujours révolté. J’avais implanté M. de Cabrières à Saint-Maur, de façon à le distraire du prieuré. Comme vous semblez le désirer, je vous avais cultivé deux ou trois bonnes vocations.

Je pensais avoir fait un chef-d’oeuvre par cette course, qui, dans les conditions où elle sera faite, offre positivement moins de danger que les promenades de la Mère M.-G[abrielle] dans le cloître du prieuré. Maintenant, il en sera comme vous le voudrez. Mais la chose annoncée, je verrais avec peine qu’elle ne s’exécutât pas, tout en tremblant des conséquences que vous prévoyez, mais que je considère tout autrement que vous. Une personne qui ne peut passer quelques heures pendant le jour en diligence est bien malade. Quand je ne veux pas être enrhumé en diligence, je ne le suis pas. La paresse ou la distraction m’empêchent quelquefois de prendre certaines précautions, mais en les prenant je sais fort bien me mettre à l’abri des rhumes(1).

Franchement je crois que les retraites du mois(2) sont plus utiles aux enfants que des retraites de trois jours.

Sauf une certaine absence de sens commun, je suis réellement content des Soeurs. J’excepte toujours la Mère M.-G[abrielle], qui avec son esprit de foi, son énergie, cette loyauté qui vous ressemble, me fait toujours plus l’effet d’être un sujet essentiel. Gardez pour vous mon observation sur l’absence de sens commun; mais Soeur M.-Julienne, M.-Julie, Thérèse de la Conception, Thérèse-Augustine, Marie des Anges en sont bien un peu dépourvues.

On m’assure de tout côté que le chemin de fer du Vigan aboutira dans mes prairies. Ce serait en quelques années une affaire de quelques centaines de mille francs de bénéfice pour moi. Si donc vous pouviez en savoir quelque chose, sans faire aucune démarche pour que cela fût, vous me feriez un grand plaisir.

J’ai fait mettre dans la Semaine religieuse une lettre de Louis Veuillot aux élèves du prieuré(3). Elle est si jolie que Soeur M.-Paul la porte sur son coeur. J’ai pensé qu’elle serait un excellent prospectus. Quant aux embarras financiers, mes religieux qui ne veulent pas que je me mêle de finances, à la condition que je leur trouverai de l’argent quand ils n’en auront pas, trouveraient très mauvais probablement que je fisse quoi que ce soit pour entrer dans vos ennuis du prieuré(4). Ce qui m’apparaît, c’est que votre maison de Nîmes se pose toujours plus comme une maison considérable.

Je vous dirai naïvement que le clergé, qui s’était un moment éloigné de moi, me revient admirablement, que je viens d’avoir une telle victoire sur Monseigneur et l’abbé de C[abrières] à propos de prêtres jugés trop favorablement par eux et qui leur ont fait des tours inouïs, que j’ai une belle position pour vous envoyer des élèves et pour en faire revenir chez nous; ce qui a lieu, en effet.

Un mot décisif pour le voyage du Vigan, car je me permets d’insister.

Je voulais vous parler de vous et de moi. Mes dispositions sont bien simples: un abandon tous les jours plus absolu à la volonté et à l’action de Dieu, et un plus grand désir de prier, malgré mon énorme besoin de sommeil.

Mille fois vôtre en Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum
1. Mère M.-Eugénie avait reçu du prieuré de Nîmes des lettres alarmées: la santé de Mère M.-Gabrielle lui permettait-elle de faire le voyage du Vigan auquel la conviait le P. d'Alzon? Mère M.-Eugénie partage ces craintes et souhaite que ce voyage soit remis au printemps (lettre du 20 novembre).
2. "Tout le monde en est enchanté", avait écrit Mère M.-Eugénie.
3. Dans le numéro du 24 novembre 1867.
4. Tout a doublé ou triplé de prix, écrivait Mère M.-Eugénie, mais les pensions sont restées les mêmes. D'où embarras financier de la maison de Nîmes et des autres maisons d'éducation.