DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 91

21 jun 1868 Nîmes CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Votre voyage au Vigan aura été très opportun. – Souffrir c’est le noviciat d’une supérieure. – Nouvelles des Oblates de Nîmes. – Samedi nous célébrerons votre prise d’habit définitive. – Elargissez votre coeur et vos bras.

Informations générales
  • DR07_091
  • 3329
  • DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 91
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 406; D'A., T.D. 29, n. 120, pp. 140-142; QUENARD, pp. 88-90.
Informations détaillées
  • 1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EPREUVES
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 NOVICIAT
    1 OBLATES
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SURVEILLANCE PAR LE SUPERIEUR
    1 VISITE DES MALADES
    2 ARNAL DU CUREL, MADAME
    2 BOURRIER, MARIE DE LA PRESENTATION
    2 BRESSON, JUSTINE
    2 BRUN, AUGUSTINE
    2 BRUN-VILLARET, FELICITE
    2 DURAND, MADELEINE
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 FABRE, ROSALIE
    2 SALZE, THERESE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 XAVIER, SOEUR
    3 AUTEUIL
    3 EMS
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Nîmes, 21 juin [18]68.
  • 21 jun 1868
  • Nîmes
La lettre

Ma bien chère enfant,

Je m’attendais un peu à toutes les misères que vous me racontez, et je crois qu’il faut que vous les connaissiez dans le détail. Le parfait consolateur avait conjuré Soeur Augustine de mettre tout son zèle à empêcher sa tante et Soeur Madeleine de vous parler. Je crois, au contraire, qu’il faut que vous sachiez tout. Vous aurez beaucoup à pardonner, vous souffrirez passablement, mais vous saurez où est la racine du mal. Cela vaut bien mieux.

La conséquence est très pratique pour moi, c’est qu’il faut peu à peu n’avoir qu’un noviciat. Seulement si l’on veut avoir des Soeurs pour visiter les malades, on peut les laisser se former au Vigan. Vous êtes sur les lieux, mon conseil peut ne pas être le meilleur, mais voici à votre place ce que je ferais. La première fois que viendra le P. Hippolyte, je lui dirais: « Mon Père, je suis venue ici pour savoir où en sont les choses, c’est à vous de me renseigner ». Si le P. Hippolyte vous parle avec ouverture et sincérité, tant mieux! sinon, vous aurez bien l’occasion de lui dire: « Puisque vous ne me dites rien, mon Père, vous ne trouverez pas étonnant que je prenne certaines décisions qui ne seront pas dans vos idées, mais c’est vous qui l’aurez voulu en ne me parlant pas ». Annoncez d’avance votre départ pour jeudi soir, afin que l’on voie bien que le temps de votre séjour était chose combinée. D’après ce que m’assure le « parfait consolateur », Soeur Augustine a été un très bon choix, parce que pour le quart d’heure elle vous est très profondément dévouée et qu’elle est parfaitement à même de répondre à une foule de stupidités répandues par Soeur Thérèse.

A ce point de vue, votre voyage a été on ne peut plus opportun. Vous devez souffrir, mais c’est là le vrai noviciat d’une supérieure. Ici, tout va bien. Soeur Félicité est aimable en récréation, Soeur Xavier a reçu ce matin une lettre de sa tante qui lui parle en dix pages que je n’ai pas le courage de lire, Soeur M.-Joséphine a assisté au chapitre en costume, Soeur Rosalie est au lit, Soeur Marie de la Prés[entation] va mieux, Soeur Justine remplace Soeur Rosalie à la cuisine. Du reste, on vous désire énormément, et je vous assure que toutes, même Soeur Félicité, sont absolument entre vos mains. Si vous croyez devoir faire quelques expulsions, ne vous gênez pas; si vous préférez attendre votre retour pour faire connaître votre décision, ce sera peut-être encore mieux. Vous serez censée m’avoir consulté et vous n’exposerez pas le P. Hip[polyte] à se plaindre de ce que vous ne lui avez rien dit. Toutefois, si Soeur Thérèse lui a répété certaines paroles de vous, peut-être est-il un peu froissé. Alors un peu d’air de confiance arrangera tout. Quant à moi, je ne puis que prier beaucoup.

Quand cette lettre vous sera remise, j’aurai dit la messe à votre intention. Je la dirai encore jeudi. Vous serez ici vendredi matin. Si ma messe n’est pas retenue, elle sera encore pour ma fille, et samedi nous célébrerons ensemble la prise d’habit définitive de ma bien chère enfant(1).

Oui, pauvre petite Mère, vous avez de durs moments à passer. Vous êtes bien la Mère Emmanuel-Marie de la Compassion. Je vois dans vos épreuves l’indice d’une grande fécondité. Elargissez votre coeur et vos bras, croyez bien que vous aurez plus besoin que vous ne pensez, pour y recevoir la famille dont Dieu veut que vous soyez la mère. Tenez-vous sur le Calvaire, entre la Sainte Vierge, votre modèle, et Notre-Seigneur, votre époux. Il y a dix mois, vous aviez à souffrir à Auteuil et à Ems. Cette année, vous souffrez au Vigan; l’an prochain ce sera ailleurs, et ainsi jusqu’à la fin de votre vie. Il est bien cruel à moi de vous conduire ainsi à la croix. Pourtant, je me persuade que vous m’en remercierez un jour. Offrez quelque chose de ce qui vous torture pour moi, car j’offre à votre intention tout ce que je puis.

Adieu, bien chère enfant. Midi sonne et je veux faire partir cette lettre. Comprenez-vous assez combien j’entre dans toutes vos angoisses? Je suis capable de ne pas savoir vous l’expliquer, comme mon coeur le ressent. Mille tendresses à nos filles, et mes souvenirs à Mme Arnal. Encore une fois, tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le vendredi 26 juin est l'anniversaire de la première visite de Mère Emmanuel-Marie à Rochebelle en habit religieux (v. *Lettres* 3024, 3025 et 3026).