DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 140

19 aug 1868 Bagnères de Bigorre CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Saint Jean de la Croix. – Les religieux et la vie apostolique. – Son sermon à Lourdes. – Tout ce à quoi vous engage votre nom. – Auriez-vous parfois l’air méchant?

Informations générales
  • DR07_140
  • 3378
  • DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 140
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 407; D'A., T.D. 29, n. 130, pp. 157-158; QUENARD, pp. 96-98.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 ASSOMPTION
    1 CHAPITRE GENERAL DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 CURES D'EAUX
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPRIT APOSTOLIQUE DE L'ASSOMPTION
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 JANSENISME
    1 RELIGIEUX
    1 SERMONS
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 BERNADETTE SOUBIROUS, SAINTE
    2 CORRENSON, AUGUSTINE
    2 CORRENSON, MADAME CHARLES-LOUIS
    2 DAMENNE, LOUISE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 URBAIN II
    3 BAGNERES-DE-BIGORRE
    3 LOURDES
    3 NIMES
    3 VICHY
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Bagnères de Bigorre, 19 août [18]68.
  • 19 aug 1868
  • Bagnères de Bigorre
La lettre

Ma chère fille,

Lisez et relisez saint Jean de la Croix; c’est dur, mais c’est utile, c’est même excellent. Toutefois, il me semble qu’il n’est pas précisément nécessaire de le prendre comme une Carmélite. Par exemple, les Jansénistes ont prétendu que les religieux étant destinés à la vie pénitente et solitaire ne devaient point se mêler de concourir au salut des âmes. On leur répondit par divers textes des conciles et des Papes, et entre autres par un canon du concile tenu à Nîmes en 1096, sous la présidence d’Urbain II, où assistèrent 10 archevêques et 86 évêques ou abbés; lequel canon a pour titre que les religieux sont plus aptes que les autres prêtres à administrer les sacrements. Donc, sans doute, il faut qu’il y ait des Trappistes, des Chartreux, des Carmes, avec leurs moeurs; et il peut y avoir des Jésuites, des Franciscains, des Dominicains, des Assomptionistes avec les leurs. Il faut que le même principe soit partout: la liberté du coeur et l’amour de Dieu le plus pur; mais, en même temps, tandis que les uns resteront dans le silence et la solitude, les autres obligés à vivre dans le monde devront se soutenir réciproquement: « Le frère, qui est soutenu par son frère, est comme une citadelle fortifiée », dit le Saint-Esprit.

A Lourdes, on m’a fait prêcher quelques minutes. Or je ne crois pas vous avoir dit mon sujet, qui me semble vous être très applicable. Notez que l’Apparition avait dit à Bernadette: « Je suis l’Immaculée Conception », et je prêchais le jour de l’Assomption. Ecoutez bien.

Le mystère qui ouvre la vie de Marie, c’est sa Conception immaculée; le mystère qui la consomme dans la gloire, c’est son Assomption. Entre les deux mystères et pour les unir, je trouve sa douloureuse Compassion. Car la naissance de J.-C. et tout le reste de sa vie se rapportent au salut des hommes qui s’est opéré sur la croix, et Marie n’a été la plus pure des créatures que pour être la plus parfaite coopératrice de J.-C. dans le mystère de la Rédemption par sa Compassion, et sa gloire dans le ciel n’a été si grande qu’à cause de cette coopération même. L’enseignement qui ressort pour nous, c’est qu’il faut nous purifier tous les jours davantage, afin d’être moins indignes de souffrir, et que plus nous aurons souffert, plus notre gloire sera grande(1).

Croyez-vous que cela m’a fait penser à la Mère Emmanuel-Marie de la Compassion, et qu’il m’a semblé voir quelle gloire lui était réservée, si elle était bien pure, bien aimante et bien victime, en union avec N.-S.? Pauvre enfant, pensez-vous à tout ce à quoi vous engage votre nom, si vous devez être réellement digne de le porter, et si vous voulez vous offrir pour tout ce que la Sainte Vierge, au pied de la Croix, vous demandera de donner à son Fils qui est votre époux?

On veut que je prolonge mon séjour à Bagnères. Peut-être en effet resterai-je un peu plus que je ne l’avais résolu d’abord, mais s’il fait le temps dont nous jouissons, je ne sais pas bien si les eaux me feront le bien qu’elles avaient commencé à me faire. Et vous, quels sont vos projets?

Remerciez Augustine de sa lettre, tout en lui disant que je ne sais pas comment elle pourra reprendre le chemin de fer avec une conscience dans l’état de la sienne. Adieu, ma bien chère enfant. Croyez bien qu’en vous prêchant la dilatation de coeur pour vos filles, je ne vous en prêche pas le rétrécissement pour votre père.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Mme votre mère vous a reproché, m'avez-vous dit, d'avoir quelquefois l'air méchant. Peut-être est-ce cet air qui a fait peur à vos filles? Laissez-le alors dans les eaux de Vichy. Supposé que je retarde mon départ, j'espère être à Nîmes le 1er ou le 2 septembre. Quoi qu'en dise le P. Galabert, je sais par le P. Hippolyte qu'il y a eu plus que de la plaisanterie. Soeur Louise a été coupable, mais n'a pas été la seule à l'être.1. Le P. d'Alzon reprendra un mois plus tard les idées de ce sermon de Lourdes dans son allocution de clôture du chapitre général (E.S., p. 134-135).