DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 256

13 feb 1869 Paris BAILLY_VINCENT de Paul aa

La fortune de Jean – L’infaillibilité du pape et le nomination des évêques dans les projets des gallicans – Je ne désire pas être consulteur – Son avis sur les questions que traitera sans doute le concile.

Informations générales
  • DR07_256
  • 3515
  • DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 256
  • Orig.ms. ACR, AG 236; D'A., T.D. 27, n. 232, pp. 182-183.
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE PAPALE
    1 BUDGETS
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCORDATS
    1 EVEQUE
    1 EXEMPTION
    1 GALLICANISME
    1 HERITAGES
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 MISSIONNAIRES
    1 PAPE
    1 PROTESTANTISME
    1 VOEUX SOLENNELS
    2 DAVIN, VINCENT
    2 FREPPEL, CHARLES-EMILE
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 JEAN, CUISINIER
    2 KELLER, EMILE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PIE IX
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 STIERNON, DANIEL
    2 THOMAS, LEON-BENOIT
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ANGERS
    3 ANGLETERRE
    3 ARRAS
    3 BELGIQUE
    3 ETATS-UNIS
    3 FRANCE
    3 MANS, LE
    3 PARIS
    3 ROCHELLE, LA
    3 ROME, EGLISE SAINTE-BRIGITTE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Paris, 13 [février 18]69(1).
  • 13 feb 1869
  • Paris
La lettre

Cher ami,

Je pars après-demain pour Arras, et avant je veux vous dire un petit bonjour. Merci de tous les détails que vous m’envoyez, ils sont on ne peut plus intéressants; moi, je n’ai rien à vous dire. Je ne sais rien, sinon que le P. Hippolyte est arrivé à Paris sur quelques petits malentendus, qui se sont expliqués dans la conversation. Gardez ceci pour vous(2), mais nous avons un cuisinier faisant la cuisine, lavant la vaisselle du noviciat et propriétaire de 15 millions de fortune, qui veut les dépenser pour la Congrégation, au moins en grande partie. Nos dettes seront payées, le noviciat fondé, peut-être la maison des Hautes-Etudes bâtie. A ce sujet on m’offre Sainte-Brigitte. Sachez ce que cela peut valoir, mais ne parlez pas de l’offre de vente(3).

Dites au P. Freyd, qui en fera tel usage qu’il voudra, que j’ai le projet des Gallicans. L’abbé Freppel est chargé avant tout d’empêcher la définition de l’infaillibilité du Pape(4). Or, je crois que rien n’est plus important que cette définition. La seconde chose est d’empêcher que le Pape ne se décide à nommer les évêques, comme en Belgique, en Amérique et en Angleterre. La personne très au courant, très gouvernementale, que je faisais parler, a été terrifiée quand je lui ai dit que les évêques missionnaires pèseraient d’un poids terrible au concile. Comme ils n’ont pas de budget, il leur importe très peu que le nôtre soit supprimé. « Ah! je l’avais bien dit », s’est-elle écriée. Soufflez au P. Freyd cette formule pour la question du Concordat: « Le saint et sacré concile, sans prétendre gêner en rien les droits du Pape sur la nomination des évêques, croit devoir désirer qu’ils soient le plus possible nommés d’une façon analogue à celle dont ils le sont en Angleterre, en Belgique et aux Etats-Unis ». Mon interlocuteur de ce soir s’est écrié: »Mais c’est la ruine du budget! ». Je lui ai répondu: « Vous savez bien qu’à la première révolution on nous supprimera le budget, et quant aux concordats, en fait, où en voit-on actuellement, excepté en France? ». A quoi l’on n’a eu rien à répondre.

Très sincèrement, je ne désire pas être consulteur. Quant à moi, je le déclare, je suis pour la déclaration de l’infaillibilité du Pape, pour la suppression de la nomination des évêques par l’Etat. J’accepte la suppression du budget comme conséquence de la suppression de la nomination des évêques par le souverain, parce que le contre-coup est la ruine du protestantisme, en France du moins, par la suppression du budget des ministres protestants. Je suis pour la diminution de certaines exemptions. Je suis pour que les voeux simples, restant simples à cause de la situation actuelle des sociétés civiles, soient admis à jouir de tous les privilèges des voeux solennels. Voilà le résumé de mes opinions sur les questions que l’on prévoit devoir être traitées. Et si elles me font considérer comme un homme terrible(5), j’en suis très fâché, mais je ne changerai que devant la décision du Pape ou du concile.

Du reste, puisque l’on fait de si grands travaux préparatoires, je ne vois pas précisément le motif d’avoir un consulteur aussi ignorant que moi, qui n’apporterai sur la question de l’infaillibilité du Pape qu’une raison d’urgence, et sur les questions canoniques que des motifs de convenance.

Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte 13 *janvier*. C'est le 15 février que le P. d'Alzon se rendit à Arras.
2. Ce n'est pas la première fois que le P.d'Alzon parle au P. Bailly de cet héritage (v. *Lettre* 3500).
3. Les étudiants assomptionistes avaient résidé à Ste-Brigitte chez les Pères de Sainte-Croix en 1856-1857 (D.STIERNON, dans *Pages d'Archives*, 3, pp. 591-594). - La réponse de Vincent de Paul marque peu d'enthousiasme pour ce projet. Ste-Brigitte, dit-il le 18 février, est une ancienne pension ecclésiastique bien dépréciée à Rome et, il y a un an, les Pères du Mans ne voulaient céder la fin de leur bail de 99 ans qu'à raison de cent mille francs. - C'est sans doute pendant son séjour au Mans que la proposition a été faite au P. d'Alzon.
4. Charles Freppel (1827-1899), doyen des chapelains de Ste-Geneviève, chanoine honoraire de Paris, avait été nommé consulteur au concile. Il deviendra évêque d'Angers le 27 décembre 1869 et sera au concile un défenseur de l'infaillibilité.
5. Réputation qu'on a faite à Rome au P. d'Alzon. Mais il n'y a pas qu'à Rome que la réputation du P. d'Alzon a besoin d'être corrigée. Voici ce que deux mois plus tard lui écrit Mère M.-Eugénie : "L'évêque de la Rochelle m'a beaucoup remercié de lui avoir fait faire votre connaissance; il était tout charmé de vous avoir vu si peu semblable au portrait que l'on fait de vous, excessif, exalté, que sais-je! [...] Je sais que vous vous êtes tenu sur la réserve ce jour-là, mais il y a aussi du vrai dans son observation. La position que vous êtes le plus disposé à prendre, celle de catholique tout court comme vous me disiez à votre dernière visite en parlant de M. Keller, est tout autre chose que ce que l'on vous prête, chez vos adversaires surtout. Pour ces gens-là Eugène V[euillot] dans ses plus mauvaises querelles, l'Abbé Davin voilà votre type et sous ce rapport vos séjours ici détromperont plus d'un esprit." - L'évêque de La Rochelle fut de 1867 à 1883, Mgr Thomas. Eugène Veuillot et l'abbé Davin, pourfendeur de Bossuet, étaient des ultramontains particulièrement virulents.