DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 352

19 jul 1869 Nîmes CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Voeux d’anniversaire – Deux ans déjà depuis ce fameux 27 juin – Asseoir votre vie dans la sainteté – Nouvelles.

Informations générales
  • DR07_352
  • 3636
  • DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 352
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 411; D'A., T.D. 29, n. 204, pp. 235-237; QUENARD, pp. 129-131.
Informations détaillées
  • 1 BACCALAUREAT
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CURES D'EAUX
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 EFFORT
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 MALADES
    1 MORT
    1 OBLATES
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SYMPATHIE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VERTUS THEOLOGALES
    2 BOISROBERT, HUGUES DE
    2 BROUSSE, VICTORINE
    2 CORRENSON, AUGUSTINE
    2 CORRENSON, HENRI
    2 GENIES, DELPHINE
    2 GOUBIER
    2 MARCILLAT, ETIENNE
    2 MELANIE, OBLATE
    2 NICOLAS, DOCTEUR
    2 NOEL, CECILE
    3 NIMES
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 VICHY
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Nîmes, 19 juillet 1869.
  • 19 jul 1869
  • Nîmes
La lettre

Encore quelques jours, ma bien chère enfant, et vous aurez 27 ans. Il y a déjà deux ans que vous êtes à Notre-Seigneur. Ne trouvez-vous pas que la solitude de Vichy peut vous être utile pour vous faire rentrer en vous-même et vous aider à étudier ce que vous êtes devant Dieu, ce que vous devez chercher à devenir? Evidemment, si vous jetez les yeux sur le passé, depuis ce fameux 27 juin(1), vous avez souffert, vous avez fait des projets évanouis, vous avez formé de plus intimes relations avec Notre-Seigneur, vous avez acquis un peu plus d’expérience, vous avez envisagé vos devoirs par de nouveaux côtés, et peut-être par moments avez-vous pris la vie avec une certaine tristesse; vous avez formé des projets de perfection; vous avez eu des heures d’un découragement profond. Eh! bien, au milieu de toutes ces dispositions qui vous ont successivement dominée, au travers de toute cette science pratique que vous avez acquise, en quelles dispositions êtes-vous devant Dieu? L’amour est-il le fond de votre nature? Cette puissance d’aimer, si immense dans votre coeur, voulez-vous la diriger tout entière du côté de Notre-Seigneur? Vous allez entrer dans une période bien précieuse. De 20 à 27 ans, vous avez traversé bien des émotions et bien des orages; de 27 à 33 ans jusqu’à l’âge de Notre-Seigneur, vous devez asseoir votre vie dans la sainteté. Cette vie doit se partager en deux: celle que vous donnerez aux autres et celle que dans le plus intime de l’être vous réserverez pour votre époux. C’est de celle-là que je veux vous dire un mot. Quelle que soit votre vie extérieure, il m’est évident que, si vous le voulez, l’action de votre divin époux sur votre âme peut être développée au-delà de ce que peut exprimer la parole humaine. Il vous attend, il vous demande de vous donner à lui. Ce sont de nouveaux liens à former. C’est un abandon au-delà de toute limite; le besoin de le faire aimer et servir et servir la cause de tous ses intérêts à défendre; la perte de votre être dans son être, de votre amour dans son a amour. C’est le renoncement à tout ce qui n’est pas lui et pour lui. C’est la vie en lui, une vie nouvelle une vie divine; l’amour dans le sacrifice, la perte de tout sentiment humain d’amour-propre, d’orgueil, de satisfaction ou de jouissance personnelle. C’est la domination du roi, de l’ami jaloux. C’est la perte totale de vous-même en celui qui veut être votre tout.

Voilà, mon enfant, comment votre vie se présente à moi, si je l’envisage du côté de Dieu. Ajoutez-y la perfection des vertus chrétiennes et religieuses; la foi qui vous fera résister à toutes les idées humaines; l’espérance qui vous montre le sang de Jésus-Christ coulant sans cesse pour vous, et le ciel au-delà; l’amour qui veut faire de votre coeur un volcan, et cette pauvreté, cette chasteté, cette obéissance, qui, pratiquées par vous doivent être la perpétuelle prédication faite par une mère à ses filles. Je ne sais pourquoi, j’ai le coeur plein de choses pour vous. Revenez-moi transformée, Marie. Il faut que je vous retrouve une sainte. Je prie bien pour vous, mon enfant. Ne voulez-vous pas que nous ayons là-haut une belle place?

Adieu. Je vous bénis et je vous conjure de prendre dans cette bénédiction tous les souhaits que j’y mets pour que vous vous éleviez dans toutes les profondeurs des exigences de Notre-Seigneur sur votre âme.

E.D’ALZON.

Je suis en train, voici quelques nouvelles.

1° M. Goubier est mort avant-hier d’une attaque, qui a duré un quart d’heure; il avait déjeûné de bon appétit une heure auparavant.

2° Votre frère(2), vous le savez, passe en ce moment ses examens. La première épreuve écrite a été assez bonne, mais depuis trois mois il ne travaillait plus.

3° Dans une série précédente nous avions présenté trois élèves, ils ont passé tous les trois. Dieu fasse que Bois-Robert, Marcillat(3) et un autre aient cette fois la même chance!

4° Soeur Victorine est un peu fatiguée de l’estomac. Qui ne l’est pas? Soeur Delphine a mal au doigt, Soeur Cécile va mieux. Si Soeur Mélanie passe par Nîmes, je l’arrêterai au passage, mais de grâce soignez-vous, prenez des douches, prenez des bains, buvez de l’eau, restez autant qu’il sera nécessaire, mais ne partez que quand M. Nicolas vous aura mise à la porte et ne voudra absolument plus de vous.

Je félicite Soeur Jacqueline et je la bénis ainsi que ma bien chère enfant, sur qui j’appelle toutes les grâces de sainteté et de perfection.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le 27 juin 1867, mettant fin à son noviciat secret, Mère Emmanuel-Marie gagna ouvertement Rochebelle pour y partager la vie des Oblates et en prendre la direction.
2. Henri Correnson. Ses parents l'avaient retiré du collège de l'Assomption en 1867 quand sa soeur avait pris le parti de se consacrer à l'oeuvre des Oblates.
3. Hugues de Guéroult de Boisrobert, d'Alais et Etienne Marcillat, de Marseille, élèves de philosophie en 1868-1869.