DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 17

17 nov 1869 Rome BAILLY_EMMANUEL aa

Dans l’exemplaire du *Syllabus* qui se trouve dans mon bureau, y a-t-il 80 ou 82 propositions ?

Informations générales
  • DR08_017
  • 3744
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 17
  • Orig.ms. ACR, AI 71; D'A., T.D. 31, n. 71, p. 45.
Informations détaillées
  • 1 CELLULE
    1 CHEMIN DE FER
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DIPLOMATIE
    1 ENCYCLIQUE
    1 EVECHES
    1 GOUVERNEMENT
    1 POLITIQUE
    1 RUSE
    1 VICAIRE GENERAL
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BERARDI, GIUSEPPE
    2 BILIO, LUIGI
    2 CLASTRON, JULES
    2 DONEY, JEAN-MARIE
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 LEGAIN, THEODORE
    2 PELLETIER, VICTOR
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SENESTREY, IGNATIUS VON
    3 ITALIE
    3 MONTAUBAN
    3 NIMES
    3 ORLEANS
    3 RATISBONNE
  • AU PERE EMMANUEL BAILLY
  • BAILLY_EMMANUEL aa
  • [Rome, le 17 novembre 1869] (1).
  • 17 nov 1869
  • Rome
  • *Au Rd Père Emmanuel Bailly*
    *supérieur de l'Assomption*
    *Nîmes.*
La lettre

(Confidentielle)

Cher ami,

Voici une commission importante. Il importe que l’on ne s’en doute pas. C’est pourquoi je vous la fais parvenir par voie indirecte mais sûre, je l’espère. Il y a dans le tiroir à gauche de ma table, près de la cheminée de mon cabinet, une enveloppe avec l’adresse de l’évêque de Nîmes. Cette enveloppe contient l’encyclique Quanta cura et le Syllabus. Arrangez-vous pour que j’aie cette pièce d’une manière sûre. Si vous n’avez pas d’autre moyen, télégraphiez à Montauban à l’abbé Legain, vicaire général, à l’évêché, pour demander le jour et l’heure où l’évêque de Montauban traversera Nîmes. Si vous avez une réponse, vous irez au convoi indiqué et vous remettrez en mains propres cet exemplaire à l’évêque, à son passage, pour me le remettre; mais avant qu’il ne me parvienne, vous pouvez me faire savoir si cet exemplaire du Syllabus a 80 ou bien 82 propositions. Il y a là-dessous une énorme affaire sous roche, et qui met aux champs certains personnages qui auraient abusé de la confiance du Pape. J’espère que tout s’éclaircira, mais je ne suis pas fâché de voir certains diplomates dans le plus magnifique pétrin(2).

Le mouvement catholique s’accentue de plus en plus, et je crois qu’en ce moment les gallicans ont l’oreille très basse.

Addio, carissimo. Lo prego di credermi tutto suo.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Date donnée par les T.D. Ce billet était peut-être joint à la lettre précédente. La réponse est du 22 novembre.
2. Le 7 novembre 1869, le chanoine Victor Pelletier d'Orléans avait envoyé à l'*Univers* un article intitulé "Importante particularité concernant le Syllabus". Ce texte et la lettre d'accompagnement (orig.ms. ACR, EA 146 et 147) étaient aux mains du P. d'Alzon (transmis sans doute par Du Lac au vicaire général de l'évêque de Nîmes). L'auteur signalait l'absence dans l'édition officielle du *Syllabus* de deux propositions qui figuraient dans l'exemplaire remis par Pie IX lui-même à Mgr Plantier le 20 décembre 1864. Le chanoine d'Orléans avait découvert la chose en lisant la lettre pastorale de l'évêque de Nîmes "Pie IX défenseur et vengeur de la vraie civilisation" du 29 janvier 1866. Mgr Plantier y citait et y commentait même une de ces propositions.
Cependant, du moins selon le biographe de l'évêque de Nîmes, l'affaire n'était pas neuve. En effet dès 1867 Mgr Plantier alerté par Pelletier se serait permis de demander des explications au pape et il aurait appris de la bouche de Pie IX que la suppression des deux propositions avait été opérée par égard pour les gouvernements constitutionnels qui auraient pu en prendre ombrage (CLASTRON, *Plantier*, II, pp.27-28). Mgr Plantier aurait donc gardé la plus entière discrétion sur cette affaire dont le P. d'Alzon notamment ignorait tout.
Mais voici maintenant la version du P. d'Alzon d'après son journal du concile. A la date du 10 novembre il écrit: "Le soir, nous sommes allés à l'audience du Pape. Celle de l'évêque a duré trois quarts d'heure; ce qui s'est dit ne se répètera pas. Il résulte pourtant que le pape ne savait absolument rien de la suppression de deux propositions du *Syllabus*, le 77e et la 82e. La 77e porte que c'est une erreur de croire que le mouvement italien soit autre chose qu'un mouvement politique, et la 82e que c'est une erreur de croire que, dans les gouvernements modernes, il n'y ait rien contre les principes de l'Eglise. (Je ne cite que le sens). Ces deux propositions auraient été supprimées à l'insu de Pie IX." Le 13 il ajoute: "C'est aujourd'hui que Mgr de Nîmes a mis Berardi sur le gril à propos des propositions supprimées dans le Syllabus sans que le Pape s'en doutât." - En 1864, Mgr Giuseppe Berardi était substitut du cardinal Antonelli, secrétaire d'Etat; il sera cardinal en 1868. - Le 17 novembre, toujours dans le journal du P. d'Alzon: "L'affaire du *Syllabus* s'explique. C'est Bilio, qui aurait supprimé deux propositions sans prévenir le Saint-Père. Enfin, c'est une explication."
E. Bailly suivit les indications de son supérieur et lui envoya "par une voie sûre" l'exemplaire désiré du *Syllabus* qui n'avait d'ailleurs, lui, que 80 propositions. - Dans un article de l'*Assomption* du 15 novembre 1878, le P. d'Alzon évoquera brièvement cette affaire : "La seconde partie du *Syllabus* sera proclamée à la reprise du concile, et alors peut-être ajoutera-t-on aussi une proposition, que Pie IX avait remise à Mgr l'évêque de Nîmes et qui fut supprimée dans des conditions que je dirai peut-être un jour. L'original du récit, écrit de la main de Mgr Plantier, se trouve entre les mains de l'évêque de Ratisbonne, qui me l'enleva des mains très aimablement."
Cependant copie avait été prise du récit de Mgr Plantier. Cette copie subsiste (ACR, DY 18) avec cette note autographe du P. d'Alzon : "L'Evêque de Ratisbonne Mgr Senestrey eut à se plaindre du card. Bilio, il me parla de son mécontentement. Je lui racontai ce qui s'était passé avec mon Evêque, il me demanda les propositions supprimées à l'insu de Pie IX, je m'adressai à Mgr Plantier qui me répondit par la lettre ci-jointe dont l'original est entre les mains de Mgr de Senestrey."
Le récit de Mgr Plantier confirme ce que nous a appris le journal du P. d'Alzon. Extrayons-en cependant le passage suivant : "... le *Syllabus* resta entre les mains du secrétaire de la commission, rédacteur présumé du *Syllabus* lui-même; c'était le jeune père Bilio. Tout à coup un ordre inattendu lui commande, un soir, de livrer, dans la nuit, le bon à tirer du *Syllabus*. Inquiet de l'effet que pourront produire certaines propositions maintenues non seulement par le St Père, mais par la commission même, Bilio se recueille, s'agenouille, implore les lumières du St-Esprit et de son chef supprime les deux propositions..."