DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 60

30 nov 1869 Rome BAILLY_VINCENT de Paul aa

Bénédiction du Saint-Père – Il fallait des contradicteurs – Furia francese – Réguliers et congrégations modernes – Cancans.

Informations générales
  • DR08_060
  • 3755
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 60
  • Orig.ms. ACR, AG 252; D'A., T.D. 27, n. 248, pp. 198-199.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 ANGOISSE
    1 ANIMAUX
    1 APOSTOLAT
    1 BAVARDAGES
    1 CLERGE REGULIER
    1 COLERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EMOTIONS
    1 EVEQUE
    1 FRANCAIS
    1 INDULGENCES
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LIVRES
    1 MAUX PRESENTS
    1 SAINTETE
    1 SUFFISANCE
    1 ULTRAMONTANISME
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BAILLY, MADAME EMMANUEL
    2 DECHAMPS, ADOLPHE
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 MATHIEU, JACQUES-MARIE
    2 MOREL, JULES
    2 PACIFICI, LUCA
    2 PIE IX
    2 PIE, LOUIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 ROBIANO, MATHILDE DE
    2 SIMON, ALOIS
    2 VEUILLOT, LOUIS
    2 VITTE, PIERRE-FERDINAND
    3 BESANCON
    3 FRANCE
    3 MALINES
    3 ORLEANS
    3 POITIERS
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Rome, le 30 nov[embre] 1869.
  • 30 nov 1869
  • Rome
La lettre

Mon bien cher ami,

Madame votre mère a du Saint-Père tout ce qu’elle peut souhaiter en fait de bénédictions et d’indulgences. Je les ai fait demander par Mgr Pacifici(1), un ami particulier de Pie IX, chez qui m’a conduit le P. Freyd. Je joins bien souvent mes prières aux vôtres, cher ami, pour que N.-S. vous donne courage et force dans les angoisses que traverse votre pauvre coeur(2).

Somme toute, les imprudences d’Orléans lui ont fait ici un mal horrible. On dira ce que l’on voudra, la question de l’infaillibilité ne pouvait être tranchée qu’à l’aide d’une certaine opposition. Il fallait des contradicteurs pour que l’on comprît ici la nécessité d’une forte et énergique affirmation. Les évêques arrivent en masse. Rien de curieux comme la stupeur de la prélature; ils nous prennent pour des loups enragés. Mais c’est égal, nous allons en avant et rien ne les démonte, ces braves Romains, comme notre initiative.

Je viens d’être interrompu par le P. Vitte, avec qui j’ai eu une conversation interminable sur les Réguliers et sur les Congrégations modernes. Il est étonnant de voir combien nous nous rencontrons dans la conviction profonde que les vieux Ordres sont horriblement vieux. Hélas! je le deviens. Nous le deviendrons aussi, mais pendant que nous avons encore de la vie et de la sève, il faut agir, il faut se donner, il faut chercher ce qui pourra fortifier notre action au point de vue de la sainteté personnelle et de l’apostolat.

Que vous dirai-je comme cancan? Voulez-vous savoir pourquoi la brochure Dupanloup a paru en allemand et en anglais, trois mois avant de paraître en français(3)? C’est que la France devait en jouir à la même époque, mais le cardinal Mathieu(4) a persuadé à l’auteur d’attendre quelques jours avant le concile, afin d’empêcher qu’on ne lui répondît au moins épiscopalement. Enfin, voilà où nous allons, à une grande émotion. L’évêque de Poitiers me disait: « L’évêque d’Orléans accuse Veuillot de faire l’émeute à la porte du concile, mais lui la fait dedans ». Que le bon Dieu les éclaire! Voilà surtout ce qu’il faut demander. Ici, tous ont été très contents de la réponse de Veuillot(5).

Adieu, et tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Allez voir Dulac. Dites-lui que je ne serais pas étonné que le Pape fît quelque chose contre Orléans, ou du moins pour Veuillot. L'évêque de Poitiers croit que de Rome les évêques ne peuvent rien faire, mais peut-être leur fera-t-on donner par le Pape la permission de faire quelque chose.1. Mgr Luca Pacifici, prélat domestique et consulteur de la Propagande pour les affaires orientales.
2. Les inquiétudes qu'inspire à Vincent de Paul la santé de sa mère.
3. Voir *Lettre* 3753, n.1.
4. Archevêque de Besançon depuis 1834, cardinal depuis 1850.
5. Après la publication de ses *Observations* (v. *Lettre* 3749,n.4), l'évêque d'Orléans avait été pris à partie par Veuillot dans l'*Univers* du 18 novembre. Mgr Dupanloup riposta, le 21, par un *Avertissement à M. Louis Veuillot* qui aggrava encore l'effet produit à Rome par sa lettre.
Parlant de cet *Avertissement*, le ministre d'Etat Adolphe Dechamps, frère de l'archevêque de Malines, écrivait le 17 décembre à la comtesse Mathilde de Robiano: "J'avoue que je partage, en grande partie, ses appréciations sur Veuillot, mais ce n'était pas le moment de les exprimer. [...]. Veuillot est un poète et un écrivain admirable; c'est avant tout *une plume*; mais il ne sait rien ou du moins peu de chose en théologie, en philosophie, en histoire, en science; il est outré en tout, [...], il est rogue, dur, sans charité, non seulement envers les ennemis de l'Eglise, mais envers des catholiques aussi pieux que lui et qui ne partagent pas toutes ses opinions. J'appelle cette école *l'école des infaillibles*. Comme ils se croient les organes privilégiés du Saint-Siège et qu'ils ont été plus près que d'autres de la vérité, dans la question du Syllabus, ils sont convaincus que toutes les idées qui leur passent par le cerveau, sont des dogmes et qu'ils parlent ex cathedra. Il y a dans leur ton une morgue orgueilleuse qui me déplaît souverainement.[...]. Aux yeux de M. Veuillot, presque tous les grands noms catholiques de ce siècle, dont nous étions si fiers [...] doivent être rejetés comme suspects : [...] tout cela est entaché de libéralisme et sur la pente de l'hérésie!! Il nous resterait M. Veuillot, M. Dulac, l'abbé Morel, Mgr Plantier et quelques autres, j'avoue que cela ne me paraît pas suffire." (A. SIMON,* Catholicisme et politique, Documents inédits (1832-1909)*, pp. 102-104, Wetteren, 1955).