DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 57

8 dec 1869 Rome COLLEGE de l'Assomption

L’ouverture du concile vécue en imagination.

Informations générales
  • DR08_057
  • 3775
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 57
  • Orig.ms. ACR, AK 415; D'A., T.D. 33, n. 5, pp. 312-313.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 ARMEE PONTIFICALE
    1 ASSEMBLEES ECCLESIASTIQUES
    1 AUBE
    1 CARDINAL
    1 CELLULE
    1 CHAPE
    1 COLERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 EVEQUE
    1 FATIGUE
    1 GALLICANISME
    1 IMAGINATION
    1 INTEMPERIES
    1 ITALIENS
    1 PAPE
    1 POLEMIQUE
    1 PROCESSION LITURGIQUE
    1 REPAS
    1 REPOS
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SATAN
    1 TRANSPORTS
    1 VETEMENT
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BARRIO Y FERNANDEZ, MARIANO
    2 BONNECHOSE, HENRI-M.-GASTON DE
    2 CULLEN, PAUL
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GRANDERATH, THEODORE
    2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 MARET, HENRI
    2 PIE IX
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SPALDING, JOHN-MARTIN
    2 THIBON, LOUIS
    3 BALTIMORE
    3 DUBLIN
    3 ROME, BASILIQUE SAINT-PIERRE
    3 ROME, CHAPELLE PAULINE
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
    3 ROUEN
    3 TOURS
    3 VALENCE, ESPAGNE
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION DE NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • Rome, 8 décembre 1869.
  • 8 dec 1869
  • Rome
La lettre

Mes chers enfants,

Vous croyez peut-être que je vais vous parler de la première session du concile, qui a été tenue aujourd’hui et qui peut-être se tient encore. Détrompez-vous. Il pleuvait depuis quatre heures du matin. J’ai vu partir une foule de personnes du séminaire français. Il pleuvait, le temps était sombre. Les derniers nuages gallicans cachaient le soleil ou du moins l’obscurcissaient. J’ai pris mon parti, je suis monté chez moi, [j’ai] retiré la clé de ma porte, je me suis enveloppé le corps de mon manteau, les pieds de ma couverture. J’aurais fait du feu si j’avais eu du bois, (jusqu’à aujourd’hui j’ai oublié d’en acheter). Enfin, dans un bon fauteuil, j’ai fait appel à mon imagination; je me suis représenté le Pape allant prendre l’aube et la chappe à la chapelle Pauline, porté sur la sedia gestatoria, (cela je l’ai vu); les évêques descendant le grand escalier, M. Thibon accompagnant Monseigneur, comme je l’accompagnais moi-même, il y a sept ans(1); le Pape entrant à Saint-Pierre, (j’ai vu cela), entrant dans la salle du concile. Je l’en ai vu sortir; j’ai vu la salle, j’ai vu une autre fois 300 évêques; aujourd’hui, je m’en suis figuré 600. Sur ce, je me suis endormi. Quel homme prosaïque vous avez pour père! Mais écoutez. De midi à 2 heures, j’ai vu une foule de gens qui revenaient avec une mine longue, longue, longue: « Eh bien! vous avez vu? – Oh! rien du tout, il y avait tant de monde ». A d’autres: »Eh bien! vous avez vu? – Que voulez-vous qu’on vît? » Enfin, l’abbé Thibon arrive, mouillé, désappointé, fatigué, scandalisé de ce que les soldats l’avaient poussé, de ce qu’il y avait des dames aux tribunes et qu’il n’avait pas pu y monter. Ce pauvre abbé Thibon, à qui j’avais magnanimement cédé ma place dans la voiture de Monseigneur, parce que je prévoyais comme les choses se passeraient.

Pourtant, j’avais une place au concile. J’aurais pu la prendre, on m’y poussait. Mais, mes enfants, une cérémonie de huit heures, c’est un peu long, n’est-ce pas? Avec mon mauvais caractère, si j’avais rencontré Mgr de…, qui, selon Mgr Maret, écrit de si singulières choses sur mon évêque, j’aurais été homme à lui dire qu’il n’était guère un bon et loyal ami. Mieux valait ne pas m’exposer à faire de mauvais compliments à des gens incapables d’en profiter.

Que le Pape a raison, dans la première allocution, de dire qu’il s’attend à des disputes préparées par l’homme ennemi! Hélas! qui est l’homme ennemi dans cette circonstance? A présent que le concile va commencer, je ne puis rien vous dire, quoique déjà j’en sache long, mais le Pape ne veut pas qu’on parle. Je compte bien pourtant ne pas me taire tout à fait, sinon sur ce qui se passera [de] dans, au moins sur ce qui se dira hors du concile.

Les évêques sont revenus, Monseigneur ne se sent pas fatigué; les autres évêques sont, la plupart, moulus, plusieurs au lit. Moi, après avoir bien dîné vers 4 h., je me trouve gai comme [un] pinson. Il pleut toujours. Laissons pleuvoir.

J’apprends à l’instant que, parmi les cardinaux ou évêques nommés par le Pape pour examiner les propositions des évêques, se trouvent Antonelli, Pitra, Bonnechose, Cullen, Tours, l’archevêque de Valence, Baltimore, Manning, Dechamps(2), etc. En congédiant les évêques italiens, (ils étaient 100), le Pape leur a dit: « Le Saint-Esprit sera dans l’assemblée au concile, mais souvenez-vous que le diable pourrait bien se trouver dans les assemblées particulières ».

Notes et post-scriptum
1. A l'occasion de la canonisation des martyrs japonais, le P. d'Alzon fit le pèlerinage de Rome avec son évêque et toute une "caravane" nîmoise (19 mai-16 juin 1862). Ce fut alors que Pie IX aiguilla la congrégation vers l'Orient.
2. Card. de Bonnechose de Rouen, Card. Cullen de Dublin, Guibert de Tours, Barrio y Fernandez de Valence, Spalding de Baltimore. - La liste des membres de cette congrégation "de postulatis" fut officiellement communiquée aux Pères du concile à la première congrégation générale le 10 décembre. Elle comprenait 12 cardinaux et 14 évêques (liste dans GRANDERATH, II-1, p.96). Dans les noms cités par le P. d'Alzon celui du cardinal Pitra est de trop.