DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 60

12 dec 1869 Rome BAILLY_EMMANUEL aa

Pie IX affirme de plus en plus la vérité sur le pape – La modération – Réunions d’évêques – Protestation de Mgr d’Orléans contre le règlement du concile.

Informations générales
  • DR08_060
  • 3778
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 60
  • Orig.ms. ACR, AI 82; D'A., T.D. 31, n. 82, pp. 64-66.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 ASSEMBLEES ECCLESIASTIQUES
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BAVARDAGES
    1 CARDINAL
    1 COLERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CONSTITUTION CONCILIAIRE DE VATICAN I
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ELECTION
    1 EMOTIONS
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EVEQUE
    1 FRANCAIS
    1 INDEX
    1 INDULGENCES
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 JESUS-CHRIST
    1 LANGUE
    1 LATIN LITURGIQUE
    1 LIVRES
    1 MAUX PRESENTS
    1 MODERES
    1 MORT
    1 PAPE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PRETRE
    1 REGLEMENTS
    1 RHETORIQUE
    1 RUSE
    1 SCEPTICISME
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL
    1 ULTRAMONTANISME
    2 AUBERT, ROGER
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BOSSUET
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 DOELLINGER, IGNAZ VON
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GERIN, CHARLES
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 PIE IX
    2 RICHECOURT, DE
    2 SENESTREY, IGNATIUS VON
    3 ORLEANS
    3 PARIS
  • AU PERE EMMANUEL BAILLY
  • BAILLY_EMMANUEL aa
  • Rome, le 12 décembre 1869.
  • 12 dec 1869
  • Rome
La lettre

Mon cher ami,

Le concile est commencé. Ce qui s’y passe, qui le dira? Pourtant, il y a tout autour des faits très significatifs; c’est une série d’actes, par lesquels Pie IX affirme de plus en plus la vérité sur le Pape. Un jour, il fait mettre Janus à l’index; le lendemain, il accorde des indulgences à une prière où l’on prie pour le Pape infaillible; puis, lui qui ne lit jamais certains livres, écrit un bref de louanges à l’auteur de Bossuet ultramontain(1), parce que la lecture de cet ouvrage l’a intéressé. Dans son allocution d’ouverture, il déclare qu’il eût pu fort bien décider toutes choses à lui seul, mais que pourtant il est bien aise de consulter ses frères. Hier encore, pour couper court à certaines intrigues, il a fait promulguer au concile une constitution(2), par laquelle il déclare que s’il meurt,

1° le concile est dissous jusqu’à l’élection de son successeur;

2° que son successeur doit être exclusivement nommé par le Sacré Collège, sans que le concile ait rien à y voir.

On dit que les évêques ont été très émus de la manière dont Pie IX prévoit la possibilité de mourir bientôt. J’en sais qui en ont pleuré. Enfin Pie IX parle avec un pouvoir très catégoriquement suprême.

Le Pape a nommé une commission de 12 cardinaux et de 14 évêques, pour examiner les propositions que pourront présenter les évêques(3). Le choix de cette commission est extrêmement significatif pour qui connaît les membres du concile. On fait courir le bruit que Monseigneur d’Orléans ne veut être d’aucune des quatre commissions de 24 évêques que le concile devra nommer mardi(4). Sauf des évêques français, je crois bien que l’on était tout disposé à lui éviter la peine de manifester son refus. Les modérés prêchent la modération. Pourtant, il faudrait bien se souvenir que Notre-Seigneur a dit de certains modérés: « Parce que vous n’êtes ni chauds ni froids, je vais vous rejeter de ma bouche ». J’adore la modération, mais j’ai peu d’attrait pour celle qui fait à Jésus-Christ l’effet d’un vomitif.

On a distribué hier aux Pères du concile un petit volume infolio de 140 pages, comme une portion du travail préparatoire. Maintenant, ce travail pourra-t-il être discuté? Je doute fort que ce soit possible dans la salle actuelle. Mais peut-être y gagnera-t-on que, si les évêques ne parlent pas beaucoup, ils pourront écrire des opinions motivées qu’on pourra lire au coin du feu et à tête reposée. Quant aux discours, quel évêque pourra se faire, non pas entendre, mais comprendre en latin, avec les variétés de prononciation de la langue latine? Il faut absolument y renoncer. Les effets oratoires ne peuvent donc être produits. Si l’on parle la langue maternelle, qui vous suivra?

Il y a eu plusieurs réunions d’évêques. Je ne me permets pas d’examiner si elles ont abouti, je me permets d’en douter. Et, en dehors des réunions du concile et des réunions des congrégations nommées par le concile, Pie IX paraît très peu tenir à voir se former des groupes que les ennemis de l’Eglise pourraient être tentés de qualifier du nom de coteries. Ce sont les évêques de l’Eglise catholique qui doivent traiter de concert avec les évêques de l’Eglise catholique, et non pas les nationalités à part, comme le voulaient quelques-uns.

Demain le Pape donne, à 2 h., audience aux prêtres français. Je crois qu’il leur parlera et si je puis savoir ce qu’il aura dit, je vous en rendrai compte.

A l’appui de ce que je vous disais sur les modérés, Mgr Manning me disait tout à l’heure: « Les deux grands périls du temps présent, c’est le péché originel et la modération. En fait de vérité, dit-il, il n’y a pas d’exagération; c’est oui ou c’est non. Si celui qui dit oui est exagéré, celui qui dit non ne l’est pas moins, puisque ce sont les deux extrêmes ». Je me permets, moi, d’ajouter: « Celui qui ne dit ni oui ni non est un sceptique, et celui qui ne dit ni oui ni non est un homme qui ne sait ce qu’il dit ».

Ceci pour Numa.

Orléans a protesté avec 17 contre le concile, à cause du règlement(5). Paris espère les empêcher de rendre la protestation publique. Orléans parle de décamper; il est furieux. Je lui ai fait donner ce conseil par Richecourt(6).

Je n’ai pas le temps de me relire.

Notes et post-scriptum
1. Voilà bien un titre fait pour intriguer. Nous n'avons pas trouvé l'auteur de cet écrit. Signalons cependant que, le 17 février 1869, Pie IX avait adressé un bref de louanges à Ch. Gérin, pour ses *Recherches historiques sur l'Assemblée de 1682* où, sur la foi de certains documents, il avançait que Bossuet était beaucoup plus favorable qu'on ne le prétendait à la suprématie pontificale.
2. "Cum Romanis pontificibus" du 4 décembre.
3. Voir *Lettre* 3775, n.2.
4. Le mardi 14 décembre, au cours de la deuxième congrégation générale, furent élus les 24 membres de la "députation de la foi" parmi lesquels NN.SS. Pie, Hassoun, Senestrey, Dechamps, Manning pour ne citer que les évêques auxquels le P. d'Alzon fait le plus souvent allusion.
5. Ils ne furent pas que 17 ou 18 à protester. Une centaine d'évêques signèrent des pétitions. D'autres intervinrent oralement auprès des présidents pour proposer des amendements à ce règlement (AUBERT, *Pie IX*, p. 323).
6. M. de Richecourt (d'autres écrivent *Richecour*) était le correspondant de l'*Union Nationale*.