DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 70

14 dec 1869 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Soeurs converses – Laisser les formes aristocratiques – Le concile se tient pour les amis de Dieu, les petits et les pauvres, ceux que les Oblates, grâce à leur esprit, sont aptes à atteindre – Relevez les Oblates par plus d’exigence dans le choix mais surtout par l’esprit de sainteté – Dites à vos filles qu’elles doivent se préparer à de grands travaux.

Informations générales
  • DR08_070
  • 3784
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 70
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 412; D'A., T.D. 30, n. 232, pp. 15-17; QUENARD, pp. 147-149.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOSTOLAT
    1 ARISTOCRATIE DE L'ASSOMPTION
    1 BONHEUR
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONNAISSANCE
    1 DECRETS
    1 DEMOCRATIE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DROIT CANON
    1 EVANGELISATION DES PAUVRES
    1 EVEQUE
    1 HUMILITE
    1 MISSIONNAIRES
    1 NOBLESSE
    1 OBLATES
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAQUES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PAUVRE
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 RENONCEMENT
    1 REPAS
    1 SAINTETE
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SANTE
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SUFFISANCE
    1 TRANSPORTS
    1 TRISTESSE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    2 BARNOUIN, HENRI
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 EUROPE
    3 HONGRIE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 14 décembre 1869.
  • 14 dec 1869
  • Rome
La lettre

Voilà donc six grandes semaines que nous nous sommes quittés, mon enfant bien aimée. Combien la séparation durera-t-elle encore? Dieu seul le sait. On prétend que nous serons libres à Pâques, je ne puis l’espérer, je croirais plutôt qu’à Pâques nous serons congédiés, mais pour revenir plus tard.

Je reviens sur ce que vous m’avez dit des Soeurs converses. Un des motifs qui font que je les écarte, c’est que, si c’était à recommencer, peut-être les écarterais-je de l’Assomption. Ne vous faites pas illusion, le temps des Soeurs converses s’en va. Ma très profonde conviction, c’est que, pour la conversion des peuples, il faut aujourd’hui par-dessus tout laisser les formes aristocratiques. Nous avançons vers une démocratie dont les exigences seront terribles, et, à ce point de vue, vous ne sauriez vous faire une idée de tout ce que j’observe ici. La grande place n’appartient certes pas aux évêques Hongrois, qui sont les derniers grands seigneurs de l’Europe; elle appartient aux évêques missionnaires qui se rendent au concile à pied, parce qu’ils n’ont pas de voiture. Elle n’appartient pas même aux savants qui aideront à faire les décrets et les canons. On sent que ceux-là travaillent pour d’autres, et que ceux pour qui le concile se tient, ce sont les amis de Dieu, les petits et les pauvres. Croyez-moi, la puissance de l’avenir est là. C’est par la pauvreté et l’abaissement que le monde sera sauvé, s’il peut l’être.

Si quelque chose pouvait m’attrister, ce serait de voir l’oeuvre des Oblates dévier, et si je puis chercher une des raisons de mon faible pour elles, c’est bien cet esprit plus humble et plus apte, ce me semble, à atteindre une portion du monde que Notre-Seigneur aime tout spécialement et dont il est urgent de s’occuper avant tout. Ce que vous pourriez faire désormais, c’est d’apporter une plus grande difficulté dans le choix. Relevez-le, mais surtout par l’esprit de très grande sainteté que l’on sentira chez vos filles, parce qu’il sera chez la mère.

J’ai dîné avant-hier chez Veuillot avec des évêques missionnaires. Je ne puis vous dire combien ces hommes me paraissent au-dessus de tout, parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont dévoués et que, n’ayant rien à donner, ils se donnent eux-mêmes. Croyez-moi, bien chère enfant, abondez dans le sens du don le plus complet de vous; aimez Notre-Seigneur, dont toute la vie a été si petite, si rien du tout.

Pour moi, je crois en voyant bien des misères dans le concile, que Dieu bénit les pauvres et frappe ceux qui se complaisent dans tout ce qui ne tend pas à l’anéantissement.

Donnez-moi des nouvelles de votre santé. Vous ne sauriez croire ce que vous me devenez tous les jours, mais je ne veux rien vous en écrire. Si vous pouviez lire quelque part(1), vous diriez: « Pauvre Père d’Alzon, bon gré mal gré, il faut que je sois contente de lui ».

Parlez-moi de vos filles, dites-leur qu’elles me sont toujours présentes et qu’elles doivent se préparer à de grands travaux. Si nous en avions dix mille, elles seraient bien vite placées. L’essentiel pour moi, c’est non pas qu’elles soient nombreuses, mais que par leur sainteté, chacune travaille comme cent. Voici une petite liste d’objets que je prie Joséphine Fabre de m’envoyer par M. Barnouin. Adieu, encore une fois. Je ne me relis pas. Au fait, j’enverrai une liste un peu plus tard.

Je vous envoie une vraie bénédiction de vieux père. Je viens de tacher mon papier, veuillez me pardonner.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Nous ne comprenons pas.