DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 76

20 dec 1869 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

En ce moment faites la morte – Les gouvernements – Le concile marche un peu péniblement – Une soixantaine de voix au plus contre l’infaillibilité.

Informations générales
  • DR08_076
  • 3789
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 76
  • Orig.ms. ACR, AD 1534; D'A., T.D. 24, n. 1041, pp. 80-81.
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 ANGLAIS
    1 ASSEMBLEES ECCLESIASTIQUES
    1 BELGES
    1 CARDINAL
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONTRARIETES
    1 DISCIPLINE ECCLESIASTIQUE
    1 ELECTION
    1 ESPAGNOLS
    1 FOI
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 GOUVERNEMENT
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 IRLANDAIS
    1 ITALIENS
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 MORT
    1 PARESSE
    1 PARLEMENT
    1 VICAIRE APOSTOLIQUE
    1 VIE DE SILENCE
    2 BERARDI, GIUSEPPE
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DEPLACE, CHARLES
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 LOYSON, HYACINTHE
    2 LOYSON, MARIE-COLOMBE
    2 PIE, LOUIS
    3 AMERIQUES
    3 ORLEANS
    3 PARIS
    3 POITIERS
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 20 décembre 1869.
  • 20 dec 1869
  • Rome
La lettre

J’entre bien dans tous vos ennuis, ma bien chère fille, mais pour Dieu, en ce moment, faites la morte(1). Je crois que nous touchons à une crise. L’archevêque a été battu une première fois, quand on l’a exclu de la Congrégation de la foi. Il s’est présenté à la Commission de la discipline et ne le sera pas moins. Cela fera réfléchir le gouvernement et je sais qu’il réfléchit déjà. On veut qu’il soit cardinal, mais on sent la nécessité de faire des conditions bien plus considérables que s’il eût passé. Figurez-vous qu’Orléans n’a eu que 30 à 40 voix pour la Congrégation de la foi et Poitiers plus de 600; Paris n’en a pas eu beaucoup plus que Dupanloup. Si Paris ne l’emporte pas, il filera doux. Or il filera doux, car il a annoncé qu’il étonnerait le monde par son silence.

On craignait que les gouvernements ne pesassent sur le concile par des communications secrètes. Aujourd’hui, si je ne me trompe, Berardi(2) a dit à quelqu’un, de qui je le tiens, qu’on n’avait encore rien reçu. Je suis très convaincu que l’on ne recevra rien. Dans cette situation, si Paris veut le chapeau, parmi les conditions qu’on lui fera, on pourra fort bien lui parler des Congrégations religieuses. Et sous ce rapport je puis vous rendre quelques services, non pas en parlant, mais en faisant parler. Seulement il faut agir à propos. Restez donc tranquille et morte, autant que vous le pourrez.

Le concile marche un peu péniblement. Les gens placés à la tête ne sont pas accoutumés à la vie parlementaire, qui est un peu celle du concile. Les Italiens qui ne sont jamais pressés sont surpris de notre hâte. L’archevêque dit qu’il est venu à Rome pour apprendre à ne rien faire. Sur ce chapitre un très grand nombre lui donne raison, et moi tout le premier, mais je crois que cela se débrouillera et qu’au fond on peut aller très vite, si on le veut bien. L’important était de se connaître. Or cela est fait. Vous avez pour l’infaillibilité 40 Français, les Belges, les Suisses, les Irlandais, les Anglais moins un ou deux, presque toutes les deux Amériques, tous les Espagnols, 240 Vicaires apostoliques, tous les Italiens moins 2 ou 3, tous les Orientaux sauf une dizaine et encore, une bonne partie des Allemands. Que reste-t-il au gallicanisme? Une soixantaine de voix au plus. Je suis convaincu que sur ces 60, 50 sont pour l’infaillibilité et se réfugient dans l’inopportunité.

Adieu, ma chère fille. Merci de vos souhaits de bonne fête. J’espère vous écrire avant le 1er janvier, mais je veux vous souhaiter à temps une bonne année à vous et toutes vos filles. Il est plus de 11 heures, je vais me coucher.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon répond déjà à la lettre de Mère M.-Eugénie du 17 décembre. M. Deplace vient de lui parler de sa démission "de la Supériorité de votre maison". La raison décisive en est son absence de Paris qui peut se prolonger mais "il ajoute qu'il ne pourrait d'ailleurs plus rien pour nous près de l'autorité, qu'il sait qu'on l'accuse de ne pas prendre sa charge au sérieux et de n'être *qu'un Supérieur de nom, derrière lequel se trouve la Supériorité réelle de Mr d'Alzon et de ses Pères.* Il ajoute l'inquiétude de conscience qui peut nous rester au sujet de la soeur du P. Hyacinthe.[...] Vous comprenez, mon cher Père, toutes les préoccupations que cette lettre m'a données. Sur le point qui vous regarde, je vois une nouvelle campagne qui commence et vous savez c'est celle qui peut m'être le plus sensible. Pour le moment mon avis est *de ne rien faire et de ne rien dire*."
2. Le cardinal Giuseppe Berardi est pro-ministre du commerce, des beaux-arts, de l'industrie, de l'agriculture et des travaux publics...