DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 454

1 jul 1870 Rome PROPAGANDE Congrégation

Des moyens de travailler à la conversion des schismatiques slaves.

Informations générales
  • DR08_454
  • 4121
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 454
  • Brouillon de la main du P. d'Alzon ACR, AP 9; D'A., T.D.40, n.7, pp.121-124.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ASCESE
    1 BULGARES
    1 CATHOLICISME
    1 CHRISTIANISME
    1 CLERGE SECULIER
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 COUVENT
    1 CURE
    1 ECOLES ASSOMPTIONNISTES D'ORIENT
    1 EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ETUDIANTS
    1 GOUVERNEMENT
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 INSTITUTEURS
    1 INTOLERANCE
    1 LABOUREUR
    1 LIBERTE
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 MISSION DE RUSSIE
    1 MISSIONNAIRES
    1 MOINES
    1 NATIONALITE
    1 OBLATES
    1 PAPE
    1 PERSECUTIONS
    1 POLITIQUE
    1 POLONAIS
    1 PRODUITS AGRICOLES
    1 PROVIDENCE
    1 RELIGIEUSES
    1 RELIGIEUX
    1 RESSOURCES MATERIELLES
    1 REVOLTE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 RUSSES
    1 SALUT DES AMES
    1 SCEPTICISME
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SCHISME SLAVE
    1 TOLERANCE
    1 TRAVAUX AGRICOLES
    1 TURCS
    2 CHABERT, LOUISE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 PIE IX
    3 ANDRINOPLE
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 FRANCE
    3 OCCIDENT
    3 ORIENT
    3 PHILIPPOPOLI
    3 POLOGNE
    3 RUSSIE
    3 SAINT-PETERSBOURG
    3 TURQUIE
  • A LA SACREE CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
  • PROPAGANDE Congrégation
  • [Rome, juin ou juillet 1870](1).
  • 1 jul 1870
  • Rome
La lettre

Des moyens de travailler à la conversion des schismatiques slaves.£$

Ces moyens sont très simples: faire ce qu’ont fait les moines après l’invasion des barbares, fonder des couvents, où d’abord on se livrerait à la culture des champs et, avec les produits de leurs travaux, préparer des missionnaires, des prêtres de paroisse et des maîtres d’école; puis, prenant Andrinople pour point de départ, s’avancer, à mesure que les circonstances le permettraient, du côté de la Russie. L’oeuvre serait commencée par des religieux d’Occident qui prendraient le rite oriental, comme Pie IX leur en a suggéré l’idée; ils s’adjoindraient des Orientaux. L’essai va commencer aussitôt après le concile par des religieux établis depuis six à sept ans dans la Bulgarie.

Une première expérience a été tentée par des religieuses françaises, qui, à Andrinople, seront chargées de former des religieuses bulgares soit à la vie ascétique, soit à l’enseignement, soit à la visite des pauvres. L’essai, jusqu’à présent, réussit et donne lieu d’espérer, avec la même direction, un même succès pour les hommes.

Les hommes se partageraient en deux catégories: les laboureurs, dont les travaux feraient vivre la communauté; les étudiants, dont on ferait plus tard des maîtres d’école, des curés, des missionnaires. Tant qu’il serait nécessaire, des religieux d’Occident seraient envoyés pour donner l’impulsion. Plus tard, si le Saint-Siège le jugeait convenable, on laisserait les religieux orientaux livrés à eux-mêmes. L’important serait d’avoir toujours les yeux fixés sur ce but, la conversion des schismatiques slaves.

Ajoutons [que] le centre de leur schisme est la Russie. On dira: « Mais quelle apparence que la Russie permette jamais à des missionnaires catholiques de pénétrer chez elle, quand on la voit étouffer, comme elle fait, la foi catholique en Pologne? ». L’objection n’en est pas une. La Pologne ayant fait avant tout de l’Eglise catholique le boulevard de sa nationalité, est-il étonnant que la Russie, pour détruire cette nationalité toujours en insurrection, renverse le boulevard? La seule conséquence à en tirer est que, de quelque temps, les Polonais ne pourront être les instruments de la Providence pour convertir la Russie.

Mais ce qui, pour le moment, ne peut se faire à l’ouest de la Russie, ne peut-il pas être tenté au sud de cet immense empire? Voici le motif qui semble faire espérer quelque chance de succès. La Russie est agitée par ce qu’on appelle les idées révolutionnaires. Les personnes les plus graves affirment qu’une loi sur la liberté des cultes a été discutée par les ministres du gouvernement russe, qu’elle est décidée en principe, qu’elle sera promulguée, quand les esprits seront prêts à la recevoir, et qu’en attendant on laissera une plus grande liberté aux communions séparées du culte officiel. Des faits très significatifs justifient cette supposition. Pourquoi, tout en travaillant à la conversion de la Bulgarie, faible partie du schisme slave, ne préparerait-on pas des ouvriers apostoliques, préoccupés de cette idée et prêts à s’élancer, dès que le Saint-Siège leur en donnerait le signal?

Une objection, plus forte en apparence, est celle-ci: « Mais ne voyez-vous pas que l’empire turc tombe en dissolution? Le point de mire de la Russie est Constantinople. Tout ce qu’on trouve entre la frontière russe actuelle et Constantinople sera subjugué ». -Je réponds. Rien ne saurait être plus heureux; car, si les catholiques ainsi absorbés se soumettent sincèrement aux Russes, quels motifs de persécution pourraient avoir ceux-ci contre des hommes, qui, avertis par l’exemple de la Pologne, ne demanderaient que le respect de leur foi, surtout si les idées de tolérance avaient fait leur chemin en Russie? Les catholiques ainsi englobés et se trouvant, par le fait, au sein de l’empire russe auraient bien plus de droits au respect, et même à une certaine protection, que s’ils devaient tenter de pénétrer après l’absorption faite. La seule conséquence pratique est qu’il faut, à cause de cela même, commencer au plus tôt.

Enfin, l’on dira: « Quoi! vous espérez donc que la Russie consente à laisser saper dans son propre sein ce schisme, qui est son plus puissant moyen de conquérir l’Orient et de se le soumettre? ». Evidemment, si le fanatisme russe était sincère, on pourrait craindre beaucoup. Mais n’oublions pas le fait de l’invasion des idées révolutionnaires en Russie. Ces idées sont la mort de toute propagande religieuse. Hélas! La France protégeait jadis l’Orient catholique. Pourquoi abdique-t-elle un protectorat qui, au seul point de vue matériel, lui serait si profitable? Parce que les principes de 89 la forcent à une sorte de scepticisme. Espérons que ce scepticisme qui paralyse la France, quand il s’agit de la vraie foi, pénétrant le gouvernement russe produira un effet semblable et la paralysera dans ses projets de protection pour le schisme oriental.

Après tout, la conquête des âmes ne se fait jamais sans quelque péril. La seule question est de savoir si le péril peut être tenté sans imprudence et s’il y a de grandes chances de succès. Celui qui écrit ces lignes en est profondément convaincu.

Déjà quelques religieux sont en Bulgarie depuis sept ans. Ils ont des écoles à Philippopoli et à Andrinople. Quelques jeunes Bulgares se sont déjà donnés à eux et sont élevés en France. On sait le bien que font les religieuses missionnaires. Une Congrégation a été fondée dans le but d’avoir des Soeurs de cette vocation. Dieu a béni leur développement. A proprement parler, il ne s’agit que de continuer.

On ne traite pas la question matérielle. Ce que la Propagation de la foi et l’oeuvre des Ecoles d’Orient ont alloué, joint aux ressources des deux Congrégations, semble suffisant. On n’ose pas même demander un encouragement. On désire seulement savoir qu’en suivant une pareille idée, on n’est pas taxé d’imprudence(2).

Notes et post-scriptum
1. T.D.: *fin 1869 ou 1870*. Ecrit avant la fin du concile (il y est question d'un essai d'évangélisation qui commencera *aussitôt après le concile*), ce mémoire est postérieur à la rencontre que le P. d'Alzon fit d'un prince russe à la mi-juin, comme l'indique la parenté entre les idées émises ici et celles qu'il a exposées à Louise Chabert après cette rencontre (*Lettres* 4094 et 4102).
2. Le 26 juin, le P. Galabert signe un *Rapport sur la Mission Bulgare* adressé au P. d'Alzon. Les observations que je soumets à votre examen, écrit-il, "semblent être le résumé de nos conversations et, si vous les approuvez, elles devront servir de règle de conduite dans notre mission de Bulgarie".
Or le premier point de ce rapport, qui en compte douze, définit comme suit le but de la mission (nous résumons): Notre but est de nous occuper du schisme slave dont le centre est maintenant à Saint-Petersbourg. En attendant l'heure marquée par la Providence il faut nous préparer à pénétrer en Russie et profiter pour cela des avantages que nous offre la mission de Bulgarie qui pendant de longues années encore suffira à occuper un grand nombre de religieux. On le voit, la mission de Bulgarie devient dans la pensée du P. Galabert et surtout du P. d'Alzon un tremplin pour la pénétration en Russie.
Des autres points de ce rapport ne relevons ici qu'un passage relatif à "l'expérience tentée par des religieuses françaises" dont parle le P. d'Alzon. A ce sujet Galabert écrit : "...nous avons ouvert une école où se trouvent deux Soeurs Oblates avec trois religieuses bulgares. C'est un essai. [...] une oeuvre très importante et digne de toute notre attention et de tous nos soins. De sa réussite dépend en grande partie l'avenir de notre mission en Bulgarie."