DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 123

12 jan 1870 Rome CHABERT Louise

La souffrance, réponse de Dieu à votre désir de sainteté – Trois conditions de la sainteté : énergie, humilité et amour du Christ, de la Vierge et de l’Eglise – Gardez votre indépendance – Le concile marche bien.

Informations générales
  • DR08_123
  • 3834
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 123
  • Orig.ms. ACR, AM 313; D'A., T.D.38, n.9, pp.14-16.
Informations détaillées
  • 1 ADVENIAT REGNUM TUUM
    1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR DE LA SAINTE VIERGE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 AMOUR DU CHRIST A L'ASSOMPTION
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 ENERGIE
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 RENONCEMENT
    1 REPOS
    1 SAINTETE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
  • A MADEMOISELLE LOUISE CHABERT
  • CHABERT Louise
  • Rome, 12 janvier 1870.
  • 12 jan 1870
  • Rome
La lettre

Ma chère enfant,

Je reçois votre lettre du 7 et je suis presque tenté de me réjouir de vos mauvais moments, puisqu’ils me valent vos lettres. Non, ma fille, votre croix n’est pas trop lourde. Dieu proportionne toujours le courage à l’épreuve et vous aidera à porter votre croix, pour peu que vous le veuillez. Mais il s’agit d’une révolution réelle dans le plus profond de votre être. Dieu vous visite. Il vous fait passer par le feu de la souffrance. Il veut que vous en sortiez pure, transparente, embrasée. Il veut que vous mouriez à vous-même pour vivre de sa vie. Il vous place dans une solitude de coeur absolue, afin de revendiquer tout, oui tout ce que le vôtre peut donner. Il ne l’exige pas. Il vous laisse une plus grande liberté, afin que votre don soit plus méritoire. Vous voilà, Louise, à l’époque la plus solennelle de votre vie. Dieu vous a prise en quelque sorte au mot. Souvenez-vous de toutes les protestations que vous m’avez faites. Vous ne vouliez pas seulement être une fille chrétienne, vous vouliez être une sainte. Dieu en vous prenant votre père vous dit: »Eh! bien, commence ».

Il s’agit donc pour vous de commencer. Mais comment? Voyez, trois conditions sont nécessaires: l’énergie, l’humilité, l’amour.

L’énergie, c’est ce qui fait le plus défaut aujourd’hui. Elle rend, par son absence, vulgaires bien des natures, en qui d’immenses trésors étaient enfouis. Or, l’énergie implique la résolution de sacrifier tout ce dont Dieu vous demande le sacrifice. Voyez, étendez votre pensée, rendez-vous compte de tout ce qui peut vous être demandé, et donnez-le.

L’humilité. Ah! quand on a fait quelques chose de bien, qu’il est facile de s’y accrocher! Que le mérite s’en perd aisément par la propriété qu’on veut en retenir! L’humilité doit vous empêcher de poser vos pieds sur la terre et de ployer un seul instant vos ailes. Vous devez toujours regarder du côté de Dieu et lui tout rapporter.

L’amour, enfin. Votre coeur doit aimer, selon notre devise, Jésus-Christ, la Sainte Vierge et l’Eglise. Eh! bien, il faut que toutes vos pensées, vos aspirations, vos flammes aillent là. Ma fille, ma fille, écoutez ce que veut dire en vous le Seigneur votre Dieu. Marchez selon sa parole et donnez-vous, encore une fois, sans réserve dans le plus immense amour.

Je vous remercie des détails que vous me donnez sur votre position. Vous faites bien de vous reposer; mais dites-moi bien tout. Il me semble que vous devez avoir quelque consolation à me tout dire. Vous avez voulu que je vous adopte; j’ai le droit de tout savoir. Tout ce qui vous touche m’intéresse le plus paternellement possible. J’ai le droit et surtout le désir de tout connaître par le menu. Vous me répondrez donc, et sur les dispositions de votre âme, et sur ce qui touche votre situation, sans aucune crainte. Je n’ai, du reste, qu’un mot à vous dire: « Gardez toute votre indépendance« , et, si vous en avez laissé échapper quelque chose, sachez la reprendre tout entière. C’est un point capital.

Le concile marche bien. La définition de l’infaillibilité se prépare lentement, mais immanquablement. Adieu, mon enfant. Je ne puis vous dire combien je me sens votre père.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Ceci est ma huitième lettre depuis mon départ (1). J'en ai trois de vous.1. Sept sur huit sont conservées.