DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 030

16 jan 1870 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Formez des filles de principe – L’éducation des femmes – L’infaillibilité base d’un monde nouveau – Pas de condamnation maintenant – Les ordres religieux – Des filles fortes pour le sacrifice et pour l’action.

Informations générales
  • DR08_030
  • 3842
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 030
  • Orig.ms. ACR, AD 1540; D'A., T.D.24, n.1047, pp.87-88.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 APOSTOLAT
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EDUCATION
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ENSEIGNEMENT DU DOGME
    1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
    1 FEMMES
    1 FORMATION A LA VIE RELIGIEUSE
    1 HOMMES
    1 IMPRESSION
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 INTELLIGENCE
    1 INTEMPERIES
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 DARBOY, GEORGES
    3 PARIS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 16 janvier [18]70.
  • 16 jan 1870
  • Rome
La lettre

Je viens de dire la messe pour vous, ma chère fille, et j’ai surtout demandé à Notre-Seigneur, avec votre sainteté, pour vous la grâce de pouvoir former des filles qui eussent des principes. C’est par un enseignement solide de la religion que vous en viendrez à bout. Il ne faut pas que les femmes soient pédantes, mais en me rendant compte de ce que l’on fourre dans leur mémoire, dans l’enseignement universitaire, on peut s’assurer qu’on peut y mettre bien plus qu’on n’y met dans l’enseignement catholique. Sur quoi je fais deux réflexions. La première que, même étant donnée l’infériorité de la femme par rapport à l’homme au point de vue des abstractions, peut-on dire que l’éducation des femmes leur fasse acquérir tout ce qu’elles sont capables de recevoir? La seconde est qu’étant donnée une certaine capacité de recevoir, n’est-il pas très important de la remplir de ce qu’il y a de meilleur? Cette capacité, je la compare à une bourse. Evidemment que je prenne des gros sous ou des pièces de vingt francs, quand elle sera pleine, on ne pourra y plus rien mettre, mais il n’en est pas moins vrai qu’une petite bourse remplie d’or est plus utile qu’une grosse bourse remplie de cuivre. De même une intelligence moindre, avec des idées supérieures, rend bien plus de services qu’une intelligence plus étendue, remplie de connaissances d’un moindre prix.

Je vous recommande ces réflexions au point de vue de la nécessité de donner les meilleures et les plus substantielles idées à vos filles. Cela veut une grande étude et une grande application. Nous y reviendrons.

Le concile n’est certainement pas ce que vous aviez soupçonné. Evidemment le temps manque à tout; plus évidemment encore les questions ne sont pas mûres, et plus évidemment encore le concile était indispensable pour commencer l’oeuvre de régénération. Il fallait, en présence de tout un monde aux trois quarts écroulé, poser cette grande base d’un monde tout nouveau, l’immutabilité de l’infaillibilité pontificale. Viennent après, d’une part, tous les bouleversements imaginables; viennent aussi tous les excès de développements nouveaux: on aura la force de triompher des ruines, on aura le moyen de discerner plus rapidement les développements légitimes de ceux qui ne le sont pas. Par ce côté le concile était comme indispensable, et en même temps il n’a que très peu à faire: jeter le gland qui deviendra le grand chêne avec le temps et les siècles. Il ne faut pas perdre ce point de vue, si l’on veut juger fructueusement ce qui va s’accomplir.

Voyez, je suis assez de ceux qui ne voudraient pas, étant posée l’infaillibilité pontificale, que l’on condamnât les doctrines libérales. Ne faut-il pas laisser à ces pauvres gens le temps de se retourner? Si le concile fait les condamnations, je n’y mettrai pas obstacle; mais [si] j’étais consulté, je dirais peut-être: »Un peu plus tard ».

Telles sont mes impressions; je les crois vraies. Quant aux Ordres religieux, laissez faire. Il y a là une foule d’arbres antiques, au tronc vermoulu, ne vivant que par l’écorce. Laissez le vent révolutionnaire les emporter. A la différence des premiers orages où l’on n’était pas prêt, voyez toutes ces jeunes familles qui se tiennent dans l’ombre ou commencent à percer le sol. La catastrophe qui emportera certaines antiquités leur sera bien moins redoutable. A des bataillons invalides succèderont des bataillons plus vaillants et fraîchement armés.

Demandez à Notre-Seigneur la grâce d’avoir des filles de sacrifice, fortes pour le sacrifice par l’amour, fortes pour l’action par la plus large possession de la vérité. Mille fois vôtre.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
En me relisant, je crois nécessaire d'ajouter que si l'on se hâtait trop, bien des gens ici croiraient nécessaire de calquer les nouvelles famillles religieuses sur les anciennes; ce qui serait très dangereux. Il faut un renouvellement. Le temps seul peut en montrer la nécessité et le faire accepter sans des oppositions trop invincibles. L'archevêque de Paris parlera mercredi prochain au concile.