DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 150

26 jan 1870 Rome PICARD François aa

Brest – La visite du pape à Monseigneur – Les signatures – Le temps du diable est passé – Varia – La dignité des gallicans – Monseigneur inquiète mais va mieux.

Informations générales
  • DR08_150
  • 3857
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 150
  • Orig.ms. ACR, AE 337; D'A., T.D.25, n.337, pp.278-280.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 BAVARDAGES
    1 CARDINAL
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CRITIQUES
    1 DIGNITES ECCLESIASTIQUES
    1 ELECTION
    1 ENERGIE
    1 EVECHES
    1 EVEQUE
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 HONNEURS
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 ITALIENS
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 MALADES
    1 MESSE BASSE
    1 MITRE
    1 NOMINATIONS
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRESSE
    1 PROVIDENCE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SANTE
    1 SATAN
    1 SEVERITE
    1 SOINS AUX MALADES
    1 SOUTANE
    1 TENUE SACERDOTALE
    1 TRONE EPISCOPAL
    1 TUNICELLE
    1 VETEMENT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VISITE DES MALADES
    2 AUBERT, ROGER
    2 BAILLY, MADAME EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 CHESNEL, FRANCOIS
    2 CLASTRON, JULES
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GRANDERATH, THEODORE
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 JACOBINI, LODOVICO
    2 LIMBERTI, GIOACCHINO
    2 MANSI, GIOVANNI-DOMENICO
    2 MARET, HENRI
    2 PACCA, BARTOLOMEO
    2 PATRIZI, COSTANTINO
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SCHWARTZENBERG, FRIEDRICH VON
    2 SERGENT, NICOLAS
    3 ALES
    3 BRESIL
    3 BREST
    3 FLORENCE
    3 MEYRUEIS
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE FRANCOIS Ier
    3 QUIMPER
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Rome, 26 janvier [18]70.
  • 26 jan 1870
  • Rome
La lettre

Mon bien cher ami,

Restez tranquille sur Brest. Si l’oeuvre se fait, elle se fera sans que l’on prenne rien à la maison de Paris. Ainsi, de ce côté, dormez sur vos deux oreilles. Je vous conjure de vous soigner. Si vous vous exténuez, que deviendra cette maison? Le P. V[incent] de P[aul] est pour longtemps à Paris(1).

L’Univers vous a appris que le Pape est venu voir Mgr de Nîmes. Il est resté vingt minutes avec lui et lui a beaucoup parlé du concile. Mon pauvre évêque va un peu mieux aujourd’hui, mais si vous saviez dans quel état de prostration il se trouve! Faites bien prier pour lui et pour le concile.

A moins d’obstacles imprévus, le grelot sera attaché lundi prochain. Il y aura à peu près 500 signatures, mais avec une forme très mitigée, avec une forme ferme, avec une forme très ferme, et même avec une forme extrêmement ferme. Les gallicans ont présenté la leur dimanche. Comme ils ont trois cardinaux, on les a priés d’aller au Saint-Père. Leur dignité les en a empêchés. Il en aurait été de même des archevêques. Alors deux ou trois évêques ont mis l’adresse sous un pli et l’ont portée à Mgr Pacca, qui a promis de la remettre sans être censé [savoir] ce qu’elle disait, quand le Pape serait de retour dans son cabinet d’une commission qu’il présidait(2).

La lettre du P. Gratry produit un excellent effet. Les Brésiliens, l’archevêque de Florence(3) et quatre autres au moins, qui n’avaient pas voulu signer pour l’infaillibilité, ont aussitôt donné leurs noms. On traque tant que l’on peut les Orientaux, mais je crois que d’ici à peu ce manège cessera. Les journaux italiens commencent à prendre leur parti de l’infaillibilité. Quant au Pape, il est à présent résolu d’aller de l’avant. Le sous-secrétaire du concile m’a engagé à presser la présentation de l’adresse des infaillibilistes. Je pense que ce sera pour demain(4). Mais l’essentiel est de beaucoup prier.

Je crois que le temps du diable est passé. Quant au temps du Saint-Esprit, je présume que ce sera bientôt. Lundi, nous saurons à quoi nous en tenir. On tiendra toujours l’adresse aux ordres de ceux qui voudront y joindre leur nom. Je présume que l’on prendra la même formule que pour l’Immaculée Conception(5). On ne sait que faire en présence de tous les journaux qui versent de si violentes injures contre le concile. Mgr Maret est venu porter sa carte chez Monseigneur de Nîmes, quand il l’a su malade(6). Je pense que tout ce qui se passe à Paris est une permission providentielle pour laisser sans trop de récriminations passer le Pape infaillible.

Adieu, mon cher ami. Vous auriez bien pu me faire adresser la lettre de Gratry et en général ce qui se publie d’un peu intéressant à Paris. Mille choses à tous les nôtres, et en particulier au P. V[incent] de P[aul]. Comment va sa mère?

E.D’ALZON.

Le 27.

A l’instant, arrive votre lettre du 24. Aujourd’hui, le postulatum pour l’infaillibilité est remis au card[inal] vicaire(7); dimanche, la Congrégation générale en sera saisie. On commence à agir avec vigueur.

Pour le P. Picard. Dernières nouvelles.

Le gallicanisme s’ébranle. Plusieurs parlent de se jeter dans les bras du Pape, pourvu qu’on les déclare pleins de dignité, de vrais juges de la foi; moyennant quoi, ils accorderont que le Pape est infaillible, qu’il a le pouvoir suprême, etc., etc. Mais il faut sauver leur dignité. De plusieurs côtés on s’occupe de sauver la dignité susdite. On ajoutera quelque chose à la queue de leur soutane, on leur donnera une tunicelle aux messes basses, un gland de plus au chapeau. On pourrait leur donner des souliers verts. Voyons si on les faisait coucher avec leurs mitres! Au lieu de la barette, la mitre pendant le jour; ou bien pour les évêques deux rabats, l’un par devant, l’autre derrière, et pour les archevêques trois rabats, dont deux en guise d’épaulettes. Le Pape va, dans les grandes occasions, porté sur son trône; si, les grands jours, les évêques allaient à travers de la cathédrale en chaise à porteurs! Si vous avez des idées, expédiez-les moi.

Hélas! hélas! Que l’homme est petit, quand le bout de son oreille perce même sous une mitre! Au fond, on se convainc que certains ne pourront rentrer dans leurs diocèses, s’ils n’ont pas voté pour l’infaillibilité.

Adieu, encore une fois. Monseigneur de Nîmes me donne les plus graves inquiétudes; pourtant, il va mieux. Pour combien de temps?

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Le P. Picard estimait que la fondation bretonne ne pouvait se faire sans compromettre l'avenir de la maison de Paris et tremblait de perdre le P. Bailly: "Le P. Vincent de Paul paraît dans son élément [...] il rendra d'immenses services, je désirerais beaucoup le conserver et je croirais utile que vous ajoutiez à lui un membre ou deux, mais je sais votre embarras et je me tais. Seulement vous savez l'opinion de M. Chesnel sur la congrégation, il avait chargé le P. V. de Paul de vous dire que vous aviez tort de disséminer vos forces, que vous aviez déjà trop de maisons, que pour être pris au sérieux, il faut avoir des maisons sérieuses; si vous demandez du temps, plusieurs annéées par exemple, parce que vous voulez fortifier les maisons déjà existantes, n'obtiendrez-vous pas plus complètement ses sympathies et celles de l'évêque de Quimper?" (21 janvier).
2. C'est le 29 janvier que les cinq adresses, dont la française, émanant des adversaires de la définition de l'infaillibilité furent envoyées à la congrégation des *postulata* par le cardinal Schwartzenberg (GRANDERATH, II-1, p.190). Les signatures de l'adresse française, datée du 12 janvier, sont au nombre de 40 dont celles de 32 évêques français (MANSI, 51, c. 680-681). - Mgr Bartolomeo Pacca est le majordome de Sa Sainteté.
3. Joachim Limberti, depuis 1857.
4. Le sous-secrétaire est Mgr Lodovico Jacobini, secrétaire de la Propagande pour les affaires orientales. - La lettre d'envoi à la *congrégation des postulata* de la principale pétition en faveur de la définition est datée du 28 janvier (MANSI, 51, c. 659-660).
5. AUBERT, *Pie IX*, pp.279-280.
6. Mgr Maret était originaire d'Alès. Sa récente controverse avec l'évêque de Nîmes (v. *Lettre* 3716, n.2) ne l'a pas empêché de se montrer courtois comme le fut aussi Mgr Dupanloup (*Lettre* 3861). Mgr Plantier fut très touché de ce geste (CLASTRON, *Plantier*, II, p.384).
7. Costantino Patrizi, président de la congrégation des postulata.