DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 171

4 feb 1870 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Le P. Gratry – Tactique du pape avec les gallicans – L’infaillibilité dans six semaines ou deux mois – Mgr De Luca très favorable à nos congrégations – Faites prier pour moi, pour le concile et pour le pape.

Informations générales
  • DR08_171
  • 3872
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 171
  • Orig.ms. ACR, AD 1542; D'A., T.D.24, n.1049, pp.90-92.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 ANIMAUX
    1 AUSTERITE
    1 BONTE MORALE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONGREGATION DES EVEQUES ET REGULIERS
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 EPISCOPAT
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RUSE
    1 SAINTETE
    1 TRAITRES
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 BRICHET, HENRI
    2 DE LUCA, PIETRO
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 JUDAS
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 PRIMAVERA, GIUSEPPE
    3 ORLEANS
    3 PERPIGNAN
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 4 février 1870.
  • 4 feb 1870
  • Rome
La lettre

J’ai reçu hier, ma chère fille, votre lettre du 31 janvier, et je vous remercie du joli détail que vous me donnez sur l’obéissance du P. Gratry(1). J’espère qu’à l’Assomption on l’entendra toujours autrement qu’à l’Oratoire. Quant à moi, j’ai des détails plus précieux à vous donner. Le Pape me fait l’effet de jouer avec les gallicans, comme le chat avec la souris. Il n’agit ainsi que parce que les gallicans l’ont bien voulu, mais puisqu’ils l’ont voulu, le Pape les laisse faire. Il les a laissés si sfoggare, ce qui veut dire: jeter leur fougue, mais il ne faut pas se dissimuler qu’il y a un parti parfaitement pris de mener rondement les affaires. Le temps, qui peut-être fait du mal au dehors du concile, fait un bien immense au-dedans, les dupanloupistes perdent tous les jours du terrain. Le Pape a donné des semonces particulières à quelques-uns qui s’en souviendront. Il paraît très positif qu’en parlant d’Orléans, après la dernière audience qu’il lui a donnée, le Pape aurait dit: « Je viens de recevoir le baiser de Judas ». Seulement il s’est plaint diplomatiquement qu’on ait trop répandu un pareil mot.

Le concile prononcera l’infaillibilité du Souverain Pontife, d’ici à six semaines ou deux mois. Seulement l’épiscopat français en sortira terriblement amoindri, croyez-le.

Mais j’ai à vous parler de quelque chose de plus important. J’étais allé à la Congrégation des réguliers pour une affaire de Carmélites, du diocèse de Perpignan. Je fus reçu sans m’en douter par Mgr de Luca, le sous-secrétaire de la Congrégation, qui m’avait très bien accueilli. j’eus l’occasion d’y retourner; il me reçut encore mieux et me mit en relation avec Mgr Primavera, employé supérieur du Saint-Office(2). Avant-hier il vint me voir, ne me trouva pas. Hier il revint encore, m’attendit (je n’étais pas rentré), me consulta confidentiellement sur quelques affaires très graves qui ne sont pas mon secret, et me mit à même de me parler de votre Congrégation et de la mienne. La conclusion fut que nous pouvions entièrement compter sur lui. « Quand vous aurez des affaires, me dit-il, faites-moi venir chez vous; je viendrai vous trouver et ce sera plus commode ». Surpris de cette surabondance de confiance, j’ai voulu savoir ce qu’est de Luca. Son ami intime le P. Brichet m’a répondu: « C’est un saint très rude et très raide, mais qui, lorsqu’on a gagné son estime, est d’une parfaite bonté et aplanit toutes les difficultés. Par lui j’ai fait approuver un certain nombre de Congrégations, qu’il a fait passer par dessus la tête de bien d’autres. S’il vous a promis de vous rendre service, il vous tiendra parole ».

Vous voyez que pour aller lentement je ne perds pas mon temps. Je crois qu’à partir de ce moment nous sommes sûrs de la Congrégation des Evêques et Réguliers, que personne ne nous y démolira et que nous y obtiendrons toute bonne chose que nous pourrons demander. Vous voudrez bien lire cette lettre au P. Picard, qui, de son côté, vous lira celle que je lui écris.

Adieu, ma fille. Faites bien prier pour moi, pour le concile et pour le Pape. Pour le Pape, afin qu’il ait la force de supporter les vilenies gallicanes qu’on lui fait subir; pour le concile, afin que les intrigues n’en ravissent pas les fruits divins; pour moi, afin que je voie clair dans tout ce qui s’offre devant moi.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Dans l'état où elle nous est parvenue la lettre de Mère M.-Eugénie ne donne aucun détail sur l'obéissance du P. Gratry.
2. Mgr Giuseppe Primavera, *avvocato fiscale* (*Annuario* 1870).