DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 177

6 feb 1870 Rome PICARD François aa

Je pourrais fournir des renseignements à la *Correspondance* de Keller – L’évêque – Une note pour Saint-François de Sales.

Informations générales
  • DR08_177
  • 3876
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 177
  • Orig.ms. ACR, AE 340; D'A., T.D.25, n.340, pp.284-286.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 CARDINAL
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DEPENSES
    1 ELECTION
    1 ESPAGNOLS
    1 EVEQUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 MORT
    1 NEGLIGENCE
    1 PAPE
    1 PAQUES
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 SANTE
    1 SCANDALE
    1 ULTRAMONTANISME
    1 VOYAGES
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 BILIO, LUIGI
    2 CHAILLOT, LUDOVIC
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
    2 FALLOUX, ALFRED DE
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 HAVAS, CHARLES
    2 JACOBINI, LODOVICO
    2 KELLER, EMILE
    2 MENCACCI, PAOLO
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 PIE, LOUIS
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 RICHECOURT, DE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 HEBRON
    3 MALINES
    3 MOULINS
    3 NAPLES
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 POITIERS
    3 PORTUGAL
    3 ROME
  • AU PERE FRANCOIS PICARD
  • PICARD François aa
  • Rome, 6 février [18]70.
  • 6 feb 1870
  • Rome
La lettre

Mon cher ami,

Si vous ne pouvez faire vous-même de suite la commission que je vais vous donner, faites-la faire par le P. V[incent] de Paul. Je vous avais parlé de proposer à Keller de lui envoyer une correspondance de Rome. Vous ne m’avez pas plus répondu là-dessus que sur quelques autres choses, mon cachet par exemple que j’attendrai encore longtemps; mais cette fois c’est trop grave, et je vous mets votre négligence, si vous y en apportez, sur la conscience. Voici ce dont il s’agit.

Les infâmies de quelques journaux catholiques, entre autres ceux qui reçoivent les confidences de Richecourt, sont telles qu’on a cherché les moyens d’y parer. Plusieurs personnes s’en sont occupées, et, après avoir pris le conseil de Jacobini, le sous-secrétaire du concile, je me suis décidé à aller trouver Bilio avant-hier soir. Je lui portais un extrait d’un journal français qui passait toute idée. Notez que c’est un bon journal. « Vous venez à propos, me dit Bilio. Demain, les présidents du concile se réunissent, et la question sera agitée. Revenez demain soir; vous aurez une réponse ». Je suis re tourné hier. Bilio, en me recevant, me dit: « Les présidents se sont réunis, ils approuvent votre idée. Entendez-vous avec l’évêque de Poitiers ». – « Eminence, repris-je, une réunion d’évêques a eu lieu: Malines, Moulins, Hébron et Poitiers(1). Moulins a été d’avis qu’il n’y avait rien à faire sinon faire donner des démentis officiels par le Journal de Rome(2). Poitiers est de cet avis. Je suis chargé de dire à Votre Eminence qu’Hébron et Malines sont d’un avis tout opposé ». « Eh! bien, reprit Bilio, entendez-vous avec Malines ».

J’ajoutai: « Mgr Mermillod avait pensé un moment à faire ici un journal. Il me semble que ce serait un malheur: 1° Il y en a un, quoique mauvais, la Correspondance de Rome(3); 2° Il aurait, commençant à présent, peu d’abonnés; 3° Il compromettrait encore d’une certaine façon le Souverain Pontife ou les évêques, ce qu’il faut éviter ». -« Vous avez parfaitement raison, fit observer Bilio. Puisque vous pouvez vous entendre avec M. Keller, vous n’avez qu’à vous adresser à lui. Si par sa Correspondance il peut rectifier bien des erreurs, les présidents du concile lui en seront reconnaissants. Quant aux renseignements et à ce qu’il faut dire, adressez-vous à Mgr Dechamps et à Mgr Mermillod ».

Il importe donc de savoir au plus tôt si M. Keller accepterait notre correspondance. Veuillez le lui demander dans le plus bref délai. Supposé qu’il l’accepte, qu’il en garde le secret autant que possible. Quant aux frais, qu’il ne s’en occupe pas. Il recevra les renseignements, sans qu’il ait un centime à débourser, excepté quand par mégarde on aura passé le poids légal des lettres. Quels sont les jours où il faut que nos lettres arrivent à Paris?

Quant aux renseignements, il est évident que l’exactitude ne sera jamais entière sur certains faits. Deux exemples. Un jour, la liste des opposants a été de 123; mais peu de jours après, elle a été de 137; mais peu de jours après, 4 ont retiré leur signature; mais depuis, les Portugais ont avoué qu’ils avaient envie de se retirer. Se sont-ils retirés? On le saura plus tard. Quant à notre liste, on avait il y a quinze jours 377 adhésions, puis 390, puis 425: puis j’ai porté moi-même quelques nouvelles signatures; puis les Napolitains ont fait une demande plus explicite de leur côté, et les Espagnols du leur; puis, il faut ajouter 46 cardinaux, 32 chefs d’Ordres, 12 membres de la Commission générale; puis un certain nombre qui n’ont pas signé mais qui voteront pour l’opportunité; en sorte qu’on aura de 600 à 630 voix pour l’opportunité. Voyez quelles fluctuations(4)!

Quant à la question de fond, je ne pense pas que 50 votent dans le sens contraire à l’infaillibilité. Il faut tenir pour certain que l’on ne se séparera pas à Pâques, supposé que l’on se sépare, sans que l’infaillibilité ait été votée. Enfin, causez avec M. Keller, offrez-lui mes services; supposé qu’il les accepte, ajoutez que je regrette infiniment qu’il ne fasse pas un voyage à Rome. En ce moment, et d’ici à Pâques, se traiteront les grosses affaires, et il serait bien à désirer qu’il pût nous arriver pour traiter des conséquences pratiques à faire tirer du concile par les catholiques sous l’impulsion romaine(5).

Mon évêque va beaucoup mieux, quoique Havas(6) l’ait tué en télégramme. J’ai bien d’autres détails, mais pour aujourd’hui c’est assez. Ci-joint une note pour Saint-François de Sales, recommandée tout spécialement par Monseigneur de Nîmes.

Notes et post-scriptum
1. Dechamps, Dreux-Brézé, Mermillod, Pie.
2. Le *Giornale di Roma*, qui publiait les actes officiels du gouvernement pontifical.
3. Quel est aux yeux du P. d'Alzon le tort de la *Correspondance de Rome*? Nous ne pouvons le dire. On pourrait difficilement lui reprocher de ne pas refléter suffisamment les positions du Vatican sur le concile, puisque depuis janvier 1869 elle publie chaque semaine en encart une "traduction revue et approuvée de la *Civiltà cattolica*" constituant une chronique du "prochain concile" d'abord, puis du concile. D'autre part nous la voyons s'en prendre aux organes des catholiques libéraux, le *Correspondant* ou le *Français*, et à ses ténors, Montalembert, Falloux.
La *Correspondance de Rome* avait été fondée par l'abbé Chaillot en 1848 et avait connu des fortunes diverses. Dans quelle mesure Mgr Chaillot s'en occupait-il encore? Nous l'ignorons. Etait-il même à Rome à l'époque du concile? Le 31 janvier 1870, Mère M.-Eugénie demande au P. d'Alzon: "Et Chaillot, est-il là-bas?" mais la question n'eut pas de réponse. D'autre part il n'y a pas une seule mention de Chaillot dans les lettres du P. d'Alzon pendant la période du concile. Notons que dans l'*Annuario* de 1869 Mgr Chaillot figure toujours parmi les consulteurs des Evêques et Réguliers, ce qui n'est plus le cas en 1870.
A la date du 29 novembre 1869, dans le journal de Galabert nous trouvons ce jugement sur Mgr Chaillot: "...autrefois vaillant défenseur des idées romaines, est aujourd'hui passé au camp libéral, vers lequel il a toujours eu une certaine tendance, même au moment où il se posait comme le défenseur acharné de l'ultramontanisme le plus outré."
4. Sur ce bureau international de presse : VAILHE, *Vie* II, pp.532-536. On y trouvera notamment les témoignages de Mgr Mermillod (ACR, DL 67) et de Paolo Mencacci (pas retrouvé aux ACR).
5.C'est là une préoccupation majeure du P. d'Alzon. Il faut que le concile porte des fruits, qu'il donne une vie nouvelle à l'Eglise, que pour leur vie et leur apostolat ses religieux et les Oblates en tirent toutes les conséquences. Avant même l'ouverture du concile, le P. d'Alzon rédigeait à l'intention des Oblates une note en ce sens (*Lettre* 3767).
6. Fondée à Paris par Charles Havas, l'agence existe depuis 1835.