DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 189

9 feb 1870 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Que Dieu bénisse notre oeuvre! – Les deux Louise – Une vocation possible – Notre évêque – Mes dix dernières années de vie – Mère Marie de Saint-Jean – Que nos âmes ne soient qu’une pour faire notre oeuvre et devenir deux saints – Mettez-vous à un exercice constant de certaines pratiques de vertu.

Informations générales
  • DR08_189
  • 3885
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 189
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 413; D'A., T.D.30, n.257, pp.49-50; QUENARD, pp.158-160.
Informations détaillées
  • 1 CARACTERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DEFAUTS
    1 DETACHEMENT
    1 ENERGIE
    1 FATIGUE
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 FRANCAIS
    1 FUNERAILLES
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 JOIE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 OBLATES
    1 ORPHELINS
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
    1 SAINTS
    1 SANTE
    1 TRAVAIL
    1 UNION DES COEURS
    1 VERTUS
    1 VIE DE FAMILLE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BRAVARD, JEAN-PIERRE
    2 CHABERT, LOUISE
    2 COULOMB, LOUISE
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 VITTE, PIERRE-FERDINAND
    3 COUTANCES
    3 NIMES
    3 ROME
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 9 février [18]70.
  • 9 feb 1870
  • Rome
La lettre

Ma bien chère enfant,

J’ai une occasion et j’en profite pour vous dire combien je prie Dieu pour qu’il bénisse notre oeuvre. J’en suis préoccupé à un point que je ne puis vous dire. Si Louise Coulomb arrive, si Louise Chabert la suit, il sera possible de faire quelque chose de plus fort, de plus étendu et de plus instruit. L’important sera de trouver les moyens de s’étendre. Il y aura là une très importante modification. Le P. Vitte dit très bien: « Quand, dans une communauté naissante, on n’est qu’une cinquantaine, on vit de la vie de famille; plus tard, commence la vie de communauté: ce sont de tout autres rapports entre les membres ».

Peut-être pourrais-je vous amener de Rome une Française de 20 ans(1), qui a perdu son père et sa mère, d’une famille que je connais, qui a reçu de l’éducation et qui m’est tombée entre les mains, parce que le supérieur du séminaire français n’a pas pu s’en charger.

Notre évêque va de mieux en mieux, mais quel squelette! Enfin! j’espère qu’avec du repos, il s’en tirera, mais il sera revenu de bien loin.

Le Pape semble pressé qu’on en finisse, et il est résolu, disait-il à quelqu’un, de pousser vigoureusement. Que Dieu le maintienne dans ces dispositions!

Quant à moi, je suis abasourdi de l’ensemble de ma santé. J’ai bien quelques petites misères, effet de l’âge, mais je me sens dix fois plus capable de travail qu’à Nîmes. Je me figure parfois que Dieu va me donner mes dix dernières années de vie, de 60 à 70 ans, et que, de même que Notre-Seigneur a fait son oeuvre extérieure pendant trois ans et trois mois, il m’accordera trois fois plus de temps pour faire notre oeuvre. Mais comme je puis n’avoir même pas dix ans, il faut nous dépêcher, afin de n’avoir pas les mains vides devant son tribunal.

Que devient la Mère Marie de Saint-Jean? A-t-elle l’air de vous venir bientôt? Lanterne-t-elle? Vu sa nature un peu lente, elle peut marcher à pas plus comptés. Si vous eussiez été dans sa position, je vous aurais dit le lendemain de l’enterrement: « Voyons, dépêchez-vous. Comment, vous n’êtes pas encore sous l’habit religieux pour toujours? » Cette espèce de nature me va bien mieux, mais on n’en trouve pas toujours!

Je suspens cette lettre avec le pressentiment que peut-être, à midi, je recevrai quelque chose de ma fille. Midi passé, je ne reçois rien. Décidément Dieu veut me faire pratiquer le détachement. Eh! bien, nous le pratiquerons. Mais si vous saviez, Marie, quel bonheur j’ai à vous lire, vous ne me laisseriez pas si longtemps sans nouvelles. Vous allez me répondre: « Mais je crains de vous fatiguer ». Non, mon enfant quand on sent que l’on doit faire une oeuvre en commun, il semble qu’il soit indispensable que les âmes ne soient qu’un. Que le travail pour atteindre le but soit quelquefois pénible, c’est possible; mais aussi quelle récompense commune, si nous devenons deux saints!

Adieu, ma fille. Soyez une sainte; mettez-vous à un exercice constant de certaines pratiques de vertu. Que, lorsque je reviendrai, je vous trouve tout autre par la possession de vous-même, par l’esprit surnaturel, par la destruction de tous les défauts qui font que vous-même vous vous trouvez une coquine, par l’acquisition des vertus d’une sainte.

Mettez une autre enveloppe à ma lettre à Louise Chabert, et veuillez la lui envoyer. Adieu, mon enfant. Votre père un peu attrapé de n’avoir pas une lettre de vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Dites au P. Emmanuel que l'évêque de Coutances se fait, après son discours, appeler le prince "Palatin" = *Pas-latin*.1. Les T.D. ont lu *20 ans* mais on peut lire aussi *29 ans* et cette lecture est même plus plausible : v.*Lettre* 3893, n.3.