DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 191

9 feb 1870 Rome CHABERT Louise

Pas de découragement! – Dieu vous demande : voulez-vous être une sainte? voulez-vous la croix de Jésus-Christ? – Le moment de la décision est venu.

Informations générales
  • DR08_191
  • 3886
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 191
  • Orig.ms. ACR, AM 317; D'A., T.D.30, n.13, pp.24-25.
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DOULEUR
    1 ENERGIE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 FATIGUE
    1 FRUITS
    1 ILLUSIONS
    1 LACHETE
    1 ORPHELINS
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTION
    1 PROVIDENCE
    1 PURIFICATION
    1 ROUTINE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SAINTETE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE
    3 FRANCE
    3 NIMES
  • A MADEMOISELLE LOUISE CHABERT
  • CHABERT Louise
  • Rome, 9 février [18]70.
  • 9 feb 1870
  • Rome
La lettre

Ma chère enfant,

J’ai une occasion pour la France, j’en profite avec joie pour vous dire un petit bonjour. Si jusqu’à présent mes lettres ont été providentielles, espérons que celle-ci le sera encore. Voici pourquoi, c’est que vous allez, d’ici à peu, vous trouver sous le poids d’un certain affaissement. Vous avez été surexcitée par la douleur; peut-être maintenant la réaction produira-t-elle la fatigue, l’affaissement, je ne veux pas dire le désespoir, mais le découragement, à cause d’un sentiment plus profond de votre impuissance. Cette situation de l’âme est très périlleuse. Si vous vous y laissez aller, comme une foule de personnes qui manquent de ressort s’enfoncent dans le médiocre et dans le vulgaire, vous deviendrez très commune. Vous êtes faite pour mieux que cela, Louise, et je ne permettrai pas que vous restiez dans l’ornière et dans cette somnolente routine, dans laquelle on croit faire quelque chose, parce que, pour se faire une illusion dangereuse, on rêve une perfection à laquelle on ne met jamais la main. Le temps de commencer est venu. Voulez-vous ou ne voulez-vous pas être une sainte? Ne croyez-vous pas que Dieu vous demande en toute sincérité? Voulez-vous de la croix de Jésus-Christ? Voulez-vous ses fouets, sa couronne et ses clous?

Vous le voyez, je ne vous présente pas la perfection par le côté du bonheur, mais par le côté fort pénible, douloureux, par le côté de l’immolation et du sacrifice, c’est-à-dire par le côté vrai. Que recevez-vous, quand vous communiez, qu’un Dieu fait victime par amour pour vous? Et si vous voulez être son épouse, comme il vous y invite, que devez-vous être autre chose qu’une victime? C’est dans les flammes du sacrifice qu’il veut prendre son coeur et le vôtre, pour n’en faire qu’un, s’il est possible, comme deux blocs d’airain fondus dans la fournaise ne forment plus qu’un seul bloc.

Il faut donc arriver à la conclusion. Quelle route allez-vous embrasser? Ou allez-vous tendre? Graves questions qui veulent désormais une solution prompte. Le temps de réfléchir est passé. N’est-ce pas affreux? Oui et non. Oui, jusqu’à ce que votre parti soit pris; non parce que, quand il sera pris, vous aurez besoin d’aller vite. Je compte donc que, sous peu, vous m’écrirez, ou bien: « Mon Père, j’ai trop présumé de mes forces, ne comptez pas sur votre fille » ou bien: « Mon Père, j’appartiens à Jésus-Christ. Tranchez et décidez, comme vous l’entendrez et quand vous le voudrez ». Remarquez qu’il y aura toujours d’excellentes raisons pour retarder. Ce matin, j’ai causé avec une demoiselle de vingt-huit ans, qui n’a plus ni père ni mère et qui depuis trois ans hésite. J’ai pensé à vous et je me suis dit: « Je ne puis permettre que ma fille subisse un pareil supplice. Il faut qu’elle se décide pour oui ou pour non, mais il importe qu’elle sache ce qu’elle veut faire ».

Adieu, mon enfant. Vous recevrez cette lettre probablement lundi matin. Vous aurez la bonté de m’écrire par le courrier de mardi. Je ne veux pas rentrer à Nîmes, sans que vous soyez figue ou raisin.

Votre père.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum