DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 197

14 feb 1870 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Votre silence – L’entrée possible de Louise ne vous trouble-t-elle pas? – La triple base de mon amitié – Nous dire que nous comptons l’un sur l’autre – Les deux Louise – Ne cherchons que Notre-Seigneur.

Informations générales
  • DR08_197
  • 3893
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 197
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 413; D'A., T.D.30, n.259, pp.52-55.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APOTRES
    1 BONHEUR
    1 BONTE MORALE
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE RELIGIEUX
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 CONVERSATIONS
    1 CRAINTE
    1 ENERGIE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRAVITE
    1 GUERISON
    1 IMAGINATION
    1 MAITRISE DE SOI
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 OBLATES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 REPOS
    1 SAINTETE
    1 SALLE DE COMMUNAUTE
    1 SANTE
    1 SENTIMENTS
    1 SIMPLICITE
    1 SOINS AUX MALADES
    1 SOUFFRANCE
    1 SUPERIEURE
    1 TRISTESSE
    1 VETEMENT
    1 VIE DE SILENCE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BARNOUIN, MARIE DE LA CROIX
    2 CHABERT
    2 CHABERT, LOUISE
    2 COULOMB, LOUISE
    2 FABRE, JOSEPHINE
    2 LA FARGE, ALINE DE
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 14 février [18]70.
  • 14 feb 1870
  • Rome
La lettre

Peut-être ai-je tort de tant tenir à vous, ma fille, mais enfin c’est comme cela, j’y tiens. Je ne puis vous dire la peine que me causait votre silence, un peu long à mes yeux. Evidemment il y a de la souffrance chez vous, ces jours-ci. J’aurais voulu que vous eussiez pu m’en parler. Vous êtes un peu dans la peine. J’aimerais qu’en bonne fille et en véritable amie vous eussiez eu la simplicité de m’en parler. Est-ce que je me trompe? Est-ce que l’entrée possible de Louise(1) ne vous trouble pas un peu, soit quant à votre situation par rapport à elle, par rapport à vos filles, par rapport à moi, soit à cause des préoccupations de votre imagination et même de votre coeur? Est-ce que vous n’avez pas eu la pensée de me dire: « Mon Père, Louise fera peut- être l’oeuvre mieux que moi, laissez-moi m’en aller ». Voyez comme je vais fouiller dans le coeur de ma fille! Savez-vous pourquoi? C’est que je n’ai aucune crainte que vous, de votre côté, vous fouilliez dans le mien. Je voudrais que le temps fût venu où vous dépouillant de tous vos doutes, de toutes vos craintes, vous puissiez compter, dans toute la plénitude de l’affection que vous avez dans le coeur et que vous avez besoin qu’on vous rende, sur une amitié qui a une triple base: sans doute l’attrait que j’ai toujours eu pour vous, mais aussi le sentiment que Dieu veut cette amitié, dans son sens chrétien, enfin qu’il la veut, parce qu’il doit en sortir une oeuvre pour sa gloire. Quand viendrez-vous me dire: « Mon Père, je me sens si irrévocablement vôtre et je vous sens si irrévocablement mien que je vous conjure de me traiter avec une vigueur et une énergie toutes nouvelles, parce que je veux avant tout être une parfaite épouse et une mère parfaite. Je veux que Notre-Seigneur soit heureux de mon amour, et que mes filles se sanctifient par mon action sur elles. Pour atteindre ce double but, j’ai un immense besoin de vous, mais aussi je compte sur vous immensément ».

Voyez-vous, ma fille, nous avons à faire quelquefois entre nous ce que nous devons faire à Dieu sans cesse, nous dire que nous comptons l’un sur l’autre et que nous avons besoin l’un de l’autre, chacun selon la place où Dieu nous a placés.

Vous avez parfaitement fait d’agir avec Louise Coulomb, comme vous l’avez fait. Je vous ordonne d’être pour elle très bonne et d’exiger avant tout qu’elle se soigne, qu’elle se repose, parce qu’il y aura nécessairement un moment très grave pour sa santé. Quant à Soeur Marie de la Croix, il me semble que c’est guérissable.

Je voulais demain dire la messe pour moi, je la dirai pour moi et pour vous aussi; je demanderai à Notre-Seigneur, au nom de la tristesse qu’il éprouva en voyant ses disciples l’abandonner, que vous ne m’abandonniez jamais à moins que ce ne soit pour le plus grand bien de tous les deux; ce qu’il m’est impossible de supposer. Pourquoi vous parler ainsi? Est-ce parce que dans un silence que je trouvais trop long, il y avait, de votre part, de l’appréhension à mon égard? Enfin, expliquez-moi un peu cela. Je relis votre lettre, laissez- moi faire une observation. Il n’y a pas plus de maturité et de sérieux chez le P. Emm[anuel] que chez vous, mais pourquoi semble-t-il quelquefois en montrer davantage? Uniquement parce qu’il est extérieurement plus maître de ses impressions. Peut-être avez-vous à faire quelques efforts par ce côté.

Croyez-moi, si Louise va chez vous, soyez très bonne pour elle, mettez la salle de communauté à sa disposition pour recevoir, mais soyez supérieure en tout et pour tout. Savez-vous que Joséphine va probablement prendre l’appartement de Louise, supposé que celle-ci aille aux Oblates? Croyez que je n’en sais encore absolument rien. Il me semble que si vous aviez eu un pareil malheur, vous auriez eu besoin de m’écrire un mot. Je n’ai encore rien reçu d’elle. Il me semble que je lui ai écrit quatre fois, au moins trois(2). Rien de son côté. Voilà peut-être pourquoi je vous en ai tant voulu de faire comme elle.

Adieu, ma fille. Prenez donc la résolution de devenir une sainte. Demain je demanderai pour vous et pour moi la sainteté dans la prière.

Réflexion faite, je vous envoie ma lettre pour Louise Coulomb, vous verrez que je suis aussi bon que possible. Si vous préférez dire que vous ne l’avez pas lue, cachetez-la; si vous aimez mieux la lire, (ce que je préfère) lisez-la avant de l’envoyer. Croyez-moi, ma fille, allons droit, ne cherchons que Notre-Seigneur, nous le trouverons tôt ou tard, pourvu que nous puissions nous rendre le témoignage que Dieu nous appelle et que nous le cherchons. Oh! que j’ai besoin de prières devant tout ce que je vois à faire. Dites bien à nos filles que je compte sur elles. Ecrivez aussi à nos filles du Vigan. Je viens encore d’avoir une longue conversation avec [Mlle](3) de la Farge. Aujourd’hui elle était un peu moins entrain, les filles ont des hauts et des bas. Je dis ceci, parce que je ne vous permets plus d’avoir des bas, excepté à vos jambes. Non, non, Marie, le temps est passé; il faut que vous ayez la virilité d’un homme de quarante ans; il faut que vous en ayez l’ardeur; il faut que vous ayez pour Notre-Seigneur la tendresse d’une mère et d’une épouse.

Adieu, mon enfant. Laissez-moi prendre dans mon coeur tout ce que j’ai de meilleur et de plus tendre pour vous bénir et demander à Notre-Seigneur que vous vous teniez à la hauteur de l’oeuvre qu’il vous a confiée et qui prendra des proportions merveilleuses, quand vous vous serez rendue digne de la développer. Mille et mille fois vôtre, ma chère enfant.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. L'entrée des deux Louise est possible. Celle que l'on attend d'abord est Louise Coulomb; Louise Chabert pourrait la suivre (*Lettre 3885).
2. Louise Chabert a perdu son père en décembre (*Lettre* 3785); quelques semaines plus tard Louise Coulomb perdait sa mère (*Lettre* 3875). Le P. d'Alzon parle ici de la seconde (v.*Lettre* 3882). D'autre part Louise Chabert lui a écrit depuis la mort de son père (v. *Lettres* 3834, 3847).
3. Les T.D. ont lu *Mme*. En effet cette lecture est la plus proche de ce qui figure dans le ms. Cependant dans la *Lettre* 3901, il est question de *Mlle* Aline de La Farge, dont, dans la *Lettre* 3899 (car il ne peut s'agir que de la même personne) il est dit qu'elle n'a pas de parents.