DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 203

16 feb 1870 Rome BAILLY_EMMANUEL aa

Monseigneur – La lutte contre la révolution et la franc-maçonnerie – Scandales Gratry – La sainteté fécondant la science – Philosophie – Opposition et majorité.

Informations générales
  • DR08_203
  • 3897
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 203
  • Orig.ms. ACR, AI 103; D'A., T.D.31, n.103, pp.97-98.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 ARMEE PONTIFICALE
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 EFFORT
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 EVEQUE
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 GALLICANISME
    1 INTEMPERIES
    1 LANGUE
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SAINTETE
    1 SANTE
    1 SCANDALE
    1 THOMAS D'AQUIN
    2 CHABERT, LOUISE
    2 CHESNEL, FRANCOIS
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 DESCARTES, RENE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 BABEL
    3 NIMES
    3 ORLEANS
  • AU PERE EMMANUEL BAILLY
  • BAILLY_EMMANUEL aa
  • Rome, 16 février [18]70.
  • 16 feb 1870
  • Rome
La lettre

Mon cher ami,

Monseigneur va de mieux en mieux, quoique pourtant il soit encore très faible. Quant à ce dont je vous ai parlé au sujet de la lutte contre la révolution, évidemment il faut s’y mettre. Ce ne sera pas l’affaire d’un jour, mais Dieu aidant nous en viendrons à bout. C’est dans l’air. Pensez-y, de votre côté. Il me semble que peu à peu on réalisera sur ce point de très belles choses. Examinez, voyez de votre côté, faites-moi part de vos idées. Il faut faire une foule de choses. Il faut de l’argent et des soldats pour le Pape, il faut de nouvelles études philosophiques, il faut des efforts de toutes les espèces, la liberté de l’Eglise par exemple. Il faut, par conséquent, lutter contre la révolution et la franc- maçonnerie. Quant aux études philosophiques, un monde s’ouvre pour nous.

Nous allons aussi avoir les scandales Gratry qui probablement remonteront plus haut. Contre tout cela il est besoin d’une forte lutte d’études, de sciences, de sainteté. La sainteté fécondant la science, voilà à quoi il faut tendre. Prions pour devenir des hommes forts et capables de lutter contre tout ce que nous aurons à combattre. A ce point de vue, votre sainteté peut se développer par l’impulsion surnaturelle, que vous pouvez donner à vos études et à celles de vos religieux. Ne perdez pas un seul instant ce point de vue et appliquez-vous à vous sanctifier par l’enseignement(1).

En ce moment, je me sature de philosophie et j’arrive à certaines conséquences. C’est: 1° qu’il faut revenir à saint Thomas; 2° que la philosophie s’est égarée pleinement sous l’action de la Réforme; 3° que la philosophie est une science beaucoup plus positive qu’on ne le suppose, et que ce qui a fait beaucoup trop oublier cette vérité, c’est la confusion de Babel que Descartes, à la suite du protestantisme, a apporté dans les idées des catholiques eux- mêmes. Il y a toute une philosophie à refaire sur la trace de la vieille scolastique, et je suis à me demander si cette reprise des études n’est pas un des travaux les plus importants auxquels nous puissions nous livrer. Ah! mon cher ami, que de choses à faire et à refaire! Dirigez votre désir de sainteté vers ces sortes de travaux(2).

Je n’ai pas grand’chose à vous apprendre, sinon: 1° que des évêques opposants reviennent peu à peu; 2° que l’évêque d’Orléans a avoué (ceci est positif) que Veuillot l’avait coulé; 3° que ce matin cinq évêques étaient résolus de porter une sentence de condamnation contre la brochure Gratry. Le mot d’ordre des gallicans, pour le quart d’heure, est de dire que le concile manque de direction. Il faut les laisser dire. Cette absence de direction me semble calculée pour que l’on voie bien de quoi quelques-uns sont capables. . .

Adieu, cher ami. Mille fois à vous et à nos Frères de Nîmes.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
J'ajoute que la coterie a une certaine disposition à trouver tout mal, qui commence à *insupporter* l'immense majorité, pour employer l'expression favorite de l'abbé Chesnel. Nous avons un temps d'une très désagréable aigreur, quelque chose comme le vinaigre d'Orléans.1. Continuellement durant le concile, le P. d'Alzon recommande l'étude à ses correspondants (Mère Emmanuel-M., E. Bailly, les élèves, L. Chabert...). "Sanctifiez-vous par l'enseignement" dit-il ici, idée que l'on retrouve souvent sous sa plume en des formules parfois très heureuses comme "mêler l'étude et la prière, science et charité" (*Lettre* 4010).
2. Avant même l'ouverture du concile, le P. d'Alzon parlait de la nécessité pour l'Eglise de renouveler et d'approfondir les études. Ses lettres sont pleines de cette idée et des conséquences qu'il en tire pour l'Assomption. Il y consacrera même une note importante (*Ecrits spirituels*, pp.1414-1419) et, dès sa rentrée à Nîmes, son discours des prix au collège de l'Assomption.