DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 211

19 feb 1870 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Conversation sur la Russie – Nous avons besoin de saintes et de vierges chrétiennes – Le concile – L’évêque – Louise Coulomb.

Informations générales
  • DR08_211
  • 3902
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 211
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 414; D'A., T.D.30, n.263, pp.59-60; QUENARD, pp.162-164.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 BULGARES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 IRLANDAIS
    1 LIBERTE
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 OBLATES
    1 POLITIQUE
    1 POLONAIS
    1 PREDICATION
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROVIDENCE
    1 REPOS DU RELIGIEUX
    1 RUSE
    1 RUSSES
    1 SAINTETE
    1 SANTE
    1 SLAVES
    2 BOUDOU, ADRIEN
    2 COULOMB, LOUISE
    2 DINSART, CELESTIN
    2 FELINSKI, SIGISMOND-FELIX
    2 GOLIAN, ABBE
    2 LEDOCHOWSKI, MIECISLAS
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 QUENARD, GERVAIS
    2 WENGER, ANTOINE
    3 ANDRINOPLE
    3 BULGARIE
    3 PHILIPPOPOLI
    3 POLOGNE
    3 POZNAN
    3 PRUSSE
    3 RUSSIE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 19 février 1870.
  • 19 feb 1870
  • Rome
La lettre

Je vous écrivais tout à l’heure, mon enfant, et je reprends la plume pour vous conjurer de redoubler d’ardeur et de prières, pour que nous nous portions généreusement à tout ce qui nous est demandé. Ce soir, je causais avec quelqu’un que les Russes ont chassé de Pologne et qui eut voulu m’intéresser à ce pauvre pays. Croiriez-vous que je ne me suis plus senti poussé à m’occuper des Polonais, non qu’ils ne soient de bien déplorables victimes de la tyrannie russe, mais parce qu’ils font de l’Eglise catholique une arme contre la russification? Si, comme les Irlandais, ils avaient tenu à être avant tout catholiques, oh! ce serait différent. Mais leur plan de bataille est de faire du catholicisme pour défendre le polonisme. Or si nous tendons en ce moment la main aux Polonais, nous acceptons le terrain faux où ils veulent pousser le Pape. Et savez-vous ce que j’ai découvert? C’est que l’archevêque de Posen (Pologne prussienne) et l’abbé Golian, l’un des prêtres les plus éminents de la Pologne russe, partagent mon idée(1). Il n’y a donc rien à faire du côté de la Pologne. Raison de plus de travailler du côté de la Bulgarie, et c’est pour cela qu’ayant Andrinople et Philippopoli, il faut absolument travailler à préparer de ce côté une invasion catholique aussitôt que la liberté des cultes le permettra; ce qui ne saurait tarder longtemps(2).

Vous voyez que je suis entêté dans mes idées. Mais il est dix heures et demie, je vais me coucher. Bonne nuit, ma fille.

20 février.

Je vous reviens, mon enfant, et je ne saurais trop vous conjurer de prier et de faire prier. Nous avons besoin de saintes et de vierges catholiques. C’est un privilège de l’Eglise de se fortifier par tous les éléments: la sainteté, la science, l’action, la prédication, [les] oeuvres, tout lui apporte son tribut. Vous, vous devez donner la sainteté dans la prière et dans les oeuvres, mais en même temps vous devez y joindre la connaissance intelligente de la religion, dans la mesure où Dieu vous le demande, pour former des filles apôtres.

Le concile marche, malgré les tristesses de mon pauvre évêque, qui, allant mieux, reprend sa tête, mais sa tête un peu surexcitée, et qui tous les matins éprouve le besoin de me dire d’une manière claire, nette et précise, ce que les présidents auraient dû faire et ce qu’ils n’ont pas fait. Le fait est que ces Romains sont plus roués que nous autres, pressés. Si vous voyez la réaction qui s’opère contre les inopportunistes et combien ils sont tous les jours plus moralement battus! Il est impossible que l’on ne voie pas le moment de leur future défaite conciliaire.

Puisque Louise Coulomb s’abstient de vous venir, je vous laisse reprendre toute votre liberté. Cessez les avances. Si elle vient, ayant cessé de l’attirer, vous aurez plus balle sur elle, et si elle ne vient pas, vous serez plus libre dans votre action. J’oublie un détail dont je voulais vous parler.

Adieu. Que Notre-Seigneur vous fasse comprendre ce que vous m’êtes!

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Mgr Miecislas Ledochovski était archevêque de Posen depuis 1866. - L'abbé Golian était le seul de six prêtres consultés par Mgr Felinski, archevêque de Varsovie, à avoir approuvé sans réserve, en décembre 1866, un projet de circulaire au clergé, où l'archevêque désapprouvait la participation des prêtres au mouvement révolutionnaire comme dommageable tant à la nation qu'à l'Eglise (BOUDOU, *o.c.*, II, pp. 193-195).
2. Avant même sa première conversation avec Dinsart, le P. d'Alzon apercevait derrière les Bulgares "la grande agglomération des Slaves" (*Lettre* 3742) et spécialement des Russes (*Lettre* 3752).
Sur l'obsession de la Russie qui s'empara du P. d'Alzon au moment du concile :
*Documentation biographique*, pp.851-854.
G.QUENARD, *L'Assomption en Russie* dans *Pages d'Archives*, II, pp.37-40 (décembre 1955).
A.WENGER, *Rome et Moscou*, pp.15-19., Paris, 1987.