DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 212

21 feb 1870 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

M. Chartier – Les signataires contre l’opportunité – Gratry et les fausses décrétales – L’indult pour les confesseurs – Mgr Darboy – Dîner chez Veuillot – Les responsabilités d’Orléans – Varia.

Informations générales
  • DR08_212
  • 3903
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 212
  • Orig.ms. ACR, AD 1545; D'A., T.D.24, n.1052, pp.95-97.
Informations détaillées
  • 1 CARDINAL
    1 COLERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONFESSEUR
    1 CONGREGATION DES EVEQUES ET REGULIERS
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 DIPLOMATIE
    1 ELECTION
    1 EVEQUE
    1 GALLICANISME
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 NOMINATIONS
    1 PAPE
    1 PARLEMENT
    1 PUBLICATIONS
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REPAS
    1 REVOLTE
    1 SCHISME
    1 VISITE DES MALADES
    1 ZOUAVES PONTIFICAUX
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 BONALD, DE
    2 BRIDE, ANDRE
    2 CECCONI, EUGENIO
    2 CHARTIER, ETIENNE-ARSENE
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DE LUCA, PIETRO
    2 DOELLINGER, IGNAZ VON
    2 DOURS, JEAN
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GINOULHIAC, JACQUES-MARIE-ACHILLE
    2 GRANDERATH, THEODORE
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 KELLER, EMILE
    2 LA BOUILLERIE, FRANCOIS DE
    2 LANDRIOT, JEAN-BAPTISTE
    2 NICOLAS DE CUES
    2 PALLU DU PARC, LOUIS
    2 PIE IX
    2 PLUYM, ANTOINE-JOSEPH
    2 VEUILLOT, LOUIS
    2 VITTE, PIERRE-FERDINAND
    3 ARMENIE
    3 BLOIS
    3 CARCASSONNE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 CUES
    3 FLORENCE
    3 GRENOBLE
    3 LYON
    3 MONTPELLIER
    3 ORLEANS
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE D'ASSAS
    3 REIMS
    3 ROCHELLE, LA
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SOISSONS
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 21 février [18]70.
  • 21 feb 1870
  • Rome
La lettre

Ma chère fille,

L’évêque de Blois(1), qui a été à la Rochelle supérieur de M. Chartier, va le voir tous les jours. Après avoir été cinq jours entre la vie et la mort de telle façon que l’archevêque de Reims lui avait fait ses adieux, il paraît qu’une crise s’est opérée. Hier soir, on avait quelque espoir. L’évêque de Blois m’a promis de lui parler de vous et de lui dire que, dès qu’il pourrait recevoir, j’irais savoir de ses nouvelles, de votre part.

Que vous dire du concile? Nous avions deviné juste, quand nous disions qu’Orléans avait publié la liste des signataires contre l’opportunité, à cause de la peur qu’il avait, quand il l’a envoyée, qu’on ne l’abandonnât. En effet, on nous assurait hier soir que quatre l’avaient abandonné, quand il a fait ce beau coup; depuis, dix autres auraient imité cette désertion. Ce que voyant, l’évêque d’Orléans serait allé trouver l’ambassadeur pour lui dire d’agir, de peur que la désertion ne devînt plus considérable. Je vous donne ces détails sous toute réserve, mais ils ne me surprennent pas. On sent trop que le Pape est parfaitement décidé à aller de l’avant, pour ne pas réfléchir à la position qu’on aura après la définition. L’idée fait son chemin.

Gratry y aide puissamment. Toutes ses abominations contre l’école d’erreur se retournent contre lui; comme si ce n’était pas un membre de la cour Romaine, le cardinal de Cusa, qui, le premier, avait soupçonné la non authenticité des fausses Décrétales(2), qui après tout ne sont fausses, pour la plupart, qu’en ce sens que l’on s’est trompé quelquefois sur le nom du Pape qui les avait publiées. Mais on y répondra, comme on a répondu, en l’écrasant sous la masse des manuscrits, au docteur Döllinger, par rapport à un texte du concile de Florence(3). Le résultat de tout ceci sera une critique plus sévère, mais aussi des découvertes plus abondantes.

Le projet d’indult pour vos confesseurs me semblerait en ce moment d’une extrême imprudence. Paris ne fera rien, ce n’est pas probable, et à Rome on ne voudrait rien faire qui pût l’exaspérer. Le chapeau serait différé pour lui jusqu’en janvier prochain. Ceci ressemble aux calendes grecques. On trouverait que c’est assez, et la demande ne serait pas accueillie. J’ai parlé, nous avons les encouragements de Rome pour cette manière d’agir. Cela vaut bien mieux pour le moment. Quant au principe, c’est à l’unanimité qu’il est repoussé(4).

Hier, j’ai dîné chez Veuillot avec Mgr Hassoun, que je l’avais prié d’inviter. Le mal qu’Orléans a fait à l’Eglise catholique, le [bien] qu’il a fait au schisme et à la Russie ne se peut dire. Une révolte éclate en ce moment en Arménie, et pour l’apaiser il faut que Mgr Pluym, l’administrateur de Constantinople, parte samedi prochain(5). Mgr d’Orléans peut se vanter d’en avoir été, avec ses Observations, sinon le principe, au moins l’auxiliaire le plus puissant. Voilà la triste vérité.

Il paraît bien que des évêques ont écrit d’ici à Paris pour demander qu’on intimide le Pape. Il y a trois jours, deux zouaves venant prendre sa bénédiction pour partir, il leur dit: « Vous me quittez, mes enfants, et dans deux mois j’aurai besoin de vous ». L’esprit sectaire va à toutes les extrémités, et pourtant je suis convaincu que le parti se sent en déconfiture.

Adieu, ma fille. Priez et faites prier, nous touchons au grand moment.

E.D’ALZON.

Le Pape désire La Bouillerie(6) à Lyon; faites tout en ce sens. Faire passer au plus tôt à Keller, au Corps législatif, la note ci- jointe, ou rue d’Assas, 5. Si elle doit être remise, faites copier et envoyez à Keller, de façon qu’il ait cette pièce jeudi soir, au plus tard. Dites que c’est de ma part.

Bonjour du P. Vitte, qui est là.

Encore un mot. L’insurrection contre Orléans viendrait du mécontentement de 14 évêques, qui protestent contre l’indiscrétion qu’il a commise en livrant leurs noms. D’où il aurait compris la nécessité de revenir en arrière, mais personne ne s’y fie. Comment trouvez-vous le bon évêque de Soissons(7) qui a signé sur les deux listes?

Quant à ce que je vous proposais pour la Congrégation des Réguliers, je pensais seulement à vous dire que si vous aviez quelque chose à demander, c’était le moment. Mais quant au compte-rendu de votre Congrégation, je n’en vois pas l’urgence. Encore une fois adieu.

E.D'ALZON
Notes et post-scriptum
1. Louis Pallu du Parc, depuis 1851.
2. Collection canonique apocryphe datant du milieu du IXe s. On y retrouve la pseudo-donation de Constantin, des lettres de papes interpolées ou entièrement apocryphes, des canons de conciles douteux. Suspectée dès le XIIe s., la fraude fut découverte au XVe par l'érudit Nicolas de Cues (1401-1464) qui devint cardinal en 1450. Ces décrétales "sont moins la cause que le produit du courant centralisateur qui existait avant elles" (A. BRIDE, dans *Catholicisme*).
3. Sur l'argumentation tirée par Doellinger d'une définition du concile de Florence et la réfutation du chanoine Eugenio Cecconi, futur archevêque de Florence, voir GRANDERATH, II-2, pp.302-306.
4. Dans sa lettre du 16 février, Mère M.-Eugénie demandait au P. d'Alzon si on ne pouvait demander par Mgr De Luca "l'Indult pour que dans les commencements de notre oeuvre ou pour tant d'années ou toujours, nous fussions dirigées par les Pères de l'Assomption".
5. La cause de la révolte arménienne était le mécontentement causé par la bulle *Reversurus* modifiant les règles relatives à l'élection des évêques orientaux (v. *Lettre* 3860 n.). La mission de Mgr Pluym fut vaine. Les rebelles finirent par prononcer la déchéance de Mgr Hassoun et élirent un nouveau patriarche. Sur ce nouveau schisme voir les articles *Arménie* dans DTC et DHGE. Plusieurs lettres écrites au P. Galabert par Mgr Pluym après son départ de Rome sont conservées aux ACR et certaines contiennent des allusions à cette affaire.
6. Ce n'est pas l'évêque de Carcassonne mais celui de Grenoble, Mgr Ginoulhiac qui remplacera à Lyon le cardinal de Bonald, qui n'a plus que quelques jours à vivre. L'abbé Ginoulhiac avait été le professeur du P. d'Alzon au séminaire de Montpellier.
7. Jean Dours, depuis 1863.