DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 214

23 feb 1870 Rome BAILLY_EMMANUEL aa

L’opposition se décompose – Une conspiration contre le Grand Turc – L’audience de Banneville – Varia.

Informations générales
  • DR08_214
  • 3904
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 214
  • Orig.ms. ACR, AI 104; D'A., T.D.31, n.104, pp.98-100.
Informations détaillées
  • 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 ADVERSAIRES
    1 AMITIE
    1 COLERE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONSPIRATION
    1 CRAINTE
    1 CRITIQUES
    1 DIPLOMATIE
    1 EVEQUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 PAPE
    1 PRETRE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REVOLTE
    1 SAINT-SIEGE
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 TURCS
    2 ABDUL-AZIZ
    2 AGRAMANT
    2 AUBERT, ROGER
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 CAPALTI, ANNIBALE
    2 DARU, NAPOLEON
    2 DOELLINGER, IGNAZ VON
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FOERSTER, HEINRICH
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 GRANDERATH, THEODORE
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 HAYNALD, LUDWIG
    2 ISMAIL PACHA
    2 LAGRANGE, FRANCOIS
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 MAZZINI, GIUSEPPE
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 OLLIVIER, EMILE
    2 PIE IX
    2 TORQUATO TASSO
    2 WENGER, ANTOINE
    3 BRESLAU
    3 CONSTANTINOPLE
    3 EGYPTE
    3 FRANCE
    3 HONGRIE
    3 KALOCSA
    3 RUSSIE
    3 TURQUIE
  • AU PERE EMMANUEL BAILLY
  • BAILLY_EMMANUEL aa
  • Rome, 23 février [18]70.
  • 23 feb 1870
  • Rome
La lettre

Cher ami,

J’ai tant de choses à vous dire que je ne sais par où commencer. Toutefois il est bon de vous prévenir que le Pape n’est pas fâché que les choses se sachent. Vous pourrez donc extraire de mes lettres ce que bon vous semblera.

1° Le désordre est au camp d’Agramant(1). Manning me disait hier: « J’ai toujours pensé que dans le concile il y aurait cinq époques: 1° L’arrivée où les sectaires se croiraient sûrs du triomphe; 2° leur organisation; 3° leur désorganisation; 4° leur dissolution: ils en sont là. Espérons que la cinquième époque, la soumission, viendra à la fin. Ce que me dit Mgr Mermillod est confirmé par Mgr Manning, et vice-versa. L’essentiel est de profiter de la situation.

2° On m’interrompt pour me dire que l’on vient de découvrir une conspiration contre le Grand Turc. Mazzini, Garibaldi avaient envoyé 4.000 fusils, et la Russie 7.000. On devait écarter par des révoltes partielles les troupes de Constantinople, et, en même temps, brûler la flotte, assassiner le Sultan. Le vice-roi d’Egypte était de la partie, sa soumission n’était qu’une feinte.

3° Revenons à nos moutons. Tous les agents diplomatiques sont allés au Vatican faire des observations sur l’infaillibilité. Banneville est allé au Pape, qui l’aurait écouté et lui aurait répondu: « M. l’ambassadeur, si vous fussiez venu me trouver comme souverain temporel et me faire des observations sur mon administration politique, j’aurais pu vous écouter, à condition toutefois que vous ne m’auriez pas proposé de faire mes affaires, comme elles se font en France depuis quelque temps; mais venir donner ces conseils au Vicaire de Jésus-Christ, cela je ne puis l’admettre. Vous dites qu’il y aura des difficultés. Eh! bien, quand le moment sera venu, vous me direz quelles sont ces difficultés, et je me chargerai de les arranger(2) ».

4° Hier, pendant la Congrégation générale du concile, le Pape a envoyé un de ses camériers à l’évêque de Breslau(3), pour lui dire qu’il venait de recevoir un ordre des prêtres de deux cantons de son diocèse pour protester contre Döllinger. Le Pape ordonnait à l’archevêque d’écrire [tout] de suite à ces prêtres pour les remercier, de sa part, et leur donner avec le plus d’amour possible sa bénédiction apostolique.

5° Deux évêques m’ont assuré, ce matin, que le Pape avait vertement tancé les légats de leur pusillanimité. Voilà pourquoi, hier, Mgr Haynald, ayant parlé en dehors de la question, y a été ramené par Capalti, et comme il continua à parler en dehors de la discussion, Capalti lui ordonna de se taire, et il dut descendre de l’ambon, aux applaudissements de l’immense majorité(4).

Mettez la lettre ci-jointe sous enveloppe et envoyez[-la].

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Comme dans le camp d'Agramant assiégeant Paris (*Orlando furioso*) la Discorde envoyée par Dieu a semé la division dans le camp des inopportunistes.
2. Dans le gouvernement d'Emile Ollivier, le ministre des Affaires étrangères est le comte Daru. Napoléon Daru (1807-1890) appartenait au groupe du *Correspondant*. Il était ami de Montalembert et de Gratry, admirateur de Dupanloup et tout disposé à mettre au service de la minorité du concile le pouvoir que lui donnait sa charge. M. de Banneville a reçu de Daru une dépêche du 20 février protestant contre le schéma *de Ecclesia* qui, selon lui, subordonnait le pouvoir civil à la papauté infaillible. Texte de cette dépêche dans E. OLLIVIER, *L'Eglise et l'Etat au concile du Vatican*, II, p.551, Paris, s.d. Sur la question des rapports du gouvernement Ollivier avec le Saint-Siège, voir outre ce livre :
AUBERT, *Pie IX*, pp.348-349
GRANDERATH, II-2, pp.368-399
LAGRANGE, *Dupanloup*, III, pp.164-169
WENGER, *Le P. d'Alzon et le Pape*, pp.27-30.
3. Heinrich Förster, depuis 1853.
4. Mgr Ludwig Haynald est l'archevêque de Kalocsa (Hongrie). Sur l'incident qui l'opposa à Capalti, président de la 29e congrégation générale, le 22 février : GRANDERATH, II-1, pp.280-281. Le P. Galabert note dans son journal : "il avait fatigué le concile par la longueur de son improvisation, le ton acerbe et d'irritation contenue et de sarcasme qui a régné du commencement à la fin".