DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 256

14 mar 1870 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Un travail secret s’opère au concile – L’immuable tactique des minorités – La prétendue unanimité nécessaire – Nicée – Les conciles sont-ils nécessaires? – Ambassadeurs conciliaires – Le Pape ou César?

Informations générales
  • DR08_256
  • 3940
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 256
  • Orig.ms. ACR, AD 1548; D'A., T.D.24, n.1055, pp.99-101.
Informations détaillées
  • 1 CONCILE DE TRENTE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CONCORDATS
    1 CRITIQUES
    1 DECRETS
    1 DIPLOMATIE
    1 DISCIPLINE ECCLESIASTIQUE
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ELECTION
    1 EVECHES
    1 EVEQUE
    1 FRANCAIS
    1 GOUVERNEMENT
    1 HERESIE
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 LIBERTE
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 PAPE
    1 POLEMIQUE
    1 PRESSE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 PUBLICATIONS
    1 SAINT-SIEGE
    1 SCEPTICISME
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 THEOLOGIENS
    1 TITRES DE MARIE
    1 TRAVAIL
    1 VICAIRE APOSTOLIQUE
    2 ARIUS
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 DARU, NAPOLEON
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 OLLIVIER, EMILE
    3 EPHESE
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 NICEE
    3 PARIS, PALAIS DES TUILERIES
    3 ROME
    3 TRENTE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 14 mars [18]70.
  • 14 mar 1870
  • Rome
La lettre

Depuis ma dernière lettre, le concile semble endormi. Pourtant un travail secret s’opère. Les évêques déposent leurs opinions écrites entre les mains des diverses Commissions. Tel qui se plaint de ce que la discussion n’est pas libre a envoyé à la Commission de vrais volumes. Dire que la liberté manque est une suprême injustice. Avez-vous vu l’article du Times, où l’on assure qu’il y en a plutôt trop que pas assez?

Le plan était parfaitement connu, on voulait gagner du temps. C’a toujours été le calcul des minorités, à Nicée, comme à Ephèse, comme toujours. A Trente, après dix-neuf ans, ne se trouva-t-il pas un ambassadeur d’Espagne pour se plaindre qu’on allait trop vite? Et les ambassadeurs français ne quittèrent-ils pas le concile pour cette même raison qu’il n’était pas libre?

Quant à l’unanimité prétendue nécessaire, établissez bien qu’à Ephèse 197 évêques étaient pour la maternité divine de la sainte Vierge et 43 contre; qu’à Nicée ils furent 18 contre la divinité de J.-C., mais Constantin ayant menacé de l’exil les évêques de la minorité, 12 firent leurs réflexions pendant la nuit et donnèrent leurs signatures, il est vrai, menteuses. Du reste, un travail se prépare sur cette question. Il vaut mieux attendre quelques jours pour vous en parler. On a parlé, dans une brochure récente, de la longueur des discussions au concile de Nicée. La vérité est que le concile s’ouvrit le 9 juin au matin, et que le 9 juin au soir Arius fut condamné. Il y eut, il est vrai, des discussions extraconciliaires que les évêques ariens, selon un système qui ne date pas d’aujourd’hui, firent ou plutôt voulurent faire traîner en longueur. Ces discussions durèrent au plus huit jours, car le concile avait été convoqué pour le mois de juin, et le 9 la grande question était close. Le reste du temps fut donné à l’affaire des quartodécimans et à la confection des canons de discipline. Ce ne fut pas long.

Et puisque les décrets des conciles sont si nécessaires, dire du P. Gratry, cet illustre dénicheur de textes prétendus faux pourrait-il m’indiquer le texte du Nouveau Testament, d’où il peut inférer l’institution des conciles, la nécessité des conciles, le droit divin des conciles? De très savants théologiens cherchent ici et ne trouvent pas. L’infaillibilité du concile résulte du droit de l’Eglise dispersée, et à plus forte raison réunie. Mais un texte de l’Ecriture sur l’institution des conciles, on serait fort embarrassé pour en donner un seul.

Il paraît que le gouvernement français a décidément renoncé à la ridicule pensée d’envoyer un ambassadeur conciliaire. Les choses ont trop changé depuis Trente pour qu’un pareil projet ne soit pas impossible à réaliser. Quel gouvernement est aujourd’hui chrétien? Quel gouvernement acceptera comme gouvernement les décrets du concile? On ne le demande pas. De quel droit alors viendrait-on poser des conditions, puisque, quand on en aurait tenu compte, les gouvernements n’en feraient ni plus ni moins et resteraient dans le même scepticisme religieux? Les pouvoirs actuels n’ayant pas le droit de promettre protection aux lois de l’Eglise, eu égard à la situation de la société, il faut arriver à cette conclusion que l’on n’a pas à tenir grand compte des notes diplomatiques. C’est, dit-on ici, ce qu’a compris M. Ollivier, à l’encontre de M. Daru, malgré les inspirations reçues de Rome par celui-ci, mais non pas du Vatican.

Quelques journaux ont parlé des évêques à grands diocèses, dont l’influence devait prévaloir sur les petits chefs des diocèses moins populeux. Un journal protestant fait remarquer que, tandis qu’une certaine école se plaint de la dépendance des vicaires apostoliques par rapport au Pape, avec le régime concordataire tel qu’il est appliqué, les évêques des grands diocèses font l’effet de dépendre terriblement de César; et à dépendre de quelqu’un, l’influence du Vatican est moins à redouter que celle des Tuileries, ne fût-ce qu’au point de vue de l’éloignement.

Notes et post-scriptum