DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 314

11 apr 1870 Rome AA_NIMES

Les études – Des semeurs d’idées vraies pour régénérer la société – L’armée du pape.

Informations générales
  • DR08_314
  • 3985
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 314
  • Orig.ms. ACR, AI 117; D'A., T.D.31, n.117, pp.118-120.
Informations détaillées
  • 1 ARMEE PONTIFICALE
    1 BUT DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EGLISE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EVECHES
    1 EXEMPTION
    1 FIDELES
    1 GALLICANISME
    1 IDEES DU MONDE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 JURIDICTION ECCLESIASTIQUE
    1 MATIERES DE L'ENSEIGNEMENT ECCLESIASTIQUE
    1 PAPE
    1 PAQUES
    1 PRETRE
    1 REGNE
    1 REPOS DU RELIGIEUX
    1 REVOLTE
    1 ROUTINE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 THEOLOGIE
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 LAURENT, CHARLES
    2 REISACH, CHARLES-AUGUSTE
  • AUX RELIGIEUX DE L'ASSOMPTION, A NIMES
  • AA_NIMES
  • Rome, 11 avril [18]70.
  • 11 apr 1870
  • Rome
La lettre

Mes très chers Frères,

Vous allez jouir d’un certain repos pendant le temps pascal; il me paraît utile de vous faire plusieurs recommandations.

1° Souvenez-vous que le but spécial de notre Institut est l’enseignement à tous les degrés. Or le cardinal Reisach disait à un de mes amis que le plus puissant résultat du concile serait de remonter les études ecclésiastiques. Oui, mais pour cette restauration il faut deux choses: des hommes et du temps. Pour le temps, voyez tout d’abord si vous n’en perdez pas. Voyez en second lieu ce que vous avez fait pour travailler de façon à vous préparer d’utiles études. Il ne faut pas faire illusion, les études sont partout d’une médiocrité désespérante, et cela par le fait du discrédit où est tombée la grande théologie, basée sur la grande philosophie. La théologie, reine des sciences, ayant baissé à un déplorable degré, les sciences, sauf les sciences matérielles, ont baissé d’autant, et les sciences elles-mêmes qui n’ont d’autre but que la matière ont perdu le sens divin de leur origine.

Que faut-il? Que vous vous mettiez à rétablir par l’étude forte, sérieuse, des diverses branches de sciences que l’on vous fait parcourir, la vraie sagesse dans vos intelligences et que vous éclairiez la science, qui est le but de la raison inférieure et qui a pour objet [les choses] créées, par la raison supérieure qui a pour but la sagesse, c’est-à-dire la connaissance des choses divines. Or vous arriverez là de deux façons différentes, soit par le travail intellectuel, soit par la prière. Et c’est là une très grande preuve que nous prions mal, c’est qu’après avoir prié nous obtenons si peu de résultats. La conclusion évidente, c’est que nos prières et nos études sont quelque chose de routinier et de machinal. Si nous mettions aux unes et aux autres l’effort de notre intelligence et de notre coeur, très certainement nous arriverions beaucoup plus haut à tous les points de vue.

Il importe de bien vous convaincre de cette vérité, parce qu’alors vous ferez marcher de front, comme des religieux doivent le faire, votre développement mystique et votre développement intellectuel(1).

2° Il faut bien vous pénétrer de cette vérité que le monde, même en décadence, est gouverné par les idées. Après le concile les religieux qui se feront semeurs d’idées, mais d’idées vraies, fécondes, seront les vrais régénérateurs de la société. Il importe encore par ce point de vous appliquer à vous pénétrer d’idées vraies et des grands principes. Or ces idées, ces principes, où sont-ils, sinon dans les trésors de la science divine, dont l’Eglise possède le dépôt et qu’elle est chargée de distribuer au monde? Je souffre de vous dire si mal ces choses, car j’y vois en partie le salut des hommes égarés par toutes les fausses idées, dont l’obscurcissement se répand tous les jours d’une façon plus navrante pour ceux qui aiment un peu véritablement le règne de Dieu et le triomphe de N.-S. dans les âmes.

3° Il ne faut pas se dissimuler que l’Eglise, après la définition de l’infaillibilité, va se trouver dans une situation très extraordinaire. Le Pape sera comme un général d’une grande armée, dont les régiments sont conduits par un certain nombre de colonels révoltés. Il faut que le général passe par dessus leur tête pour s’appuyer sur les capitaines et sur les soldats. Les colonels révoltés sont les évêques gallicans. Il faut que le Pape s’appuie, d’une part, sur les prêtres et les simples fidèles, -et voilà le commencement de sa juridiction ordinaire et immédiate sur les diocèses-; d’autre part, il faut qu’il ait ses troupes à lui et qu’il les mette en cantonnement, au milieu des régiments dont les colonels lui font l’effet de chercher à pousser les hommes dans la révolte. Ces troupes plus personnelles du Pape, ce sont les Corporations religieuses, et telle est la raison profonde pour laquelle on sentira la raison d’augmenter leurs privilèges et leurs exemptions, au lieu de les diminuer.

Tout ceci sera peut-être développé par moi dans une lettre ou un travail plus détaillé. Pour le moment, je me contente de vous faire expliquer ce que vous ne comprendrez pas par le P. Laurent ou par le P. Emmanuel. Ces idées me semblent un des points de vue les plus importants, sous lesquels on peut envisager le concile.

Adieu, mes bien chers Frères. Croyez-moi tout vôtre en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
On nous promet toujours le schéma sur l'infaillibilité aussitôt après la session du dimanche de Quasimodo.1. Sur le redoublement d'attention porté aux études par le P. d'Alzon pendant le concile : *Un maître spirituel*, pp. 127-128.