DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 328

22 apr 1870 Rome BAILLY_VINCENT de Paul aa

Chesnel devient tendre quand votre nom est prononcé – La maison des Pernettes – Venez à Rome où Dieu semble vous vouloir – Projets – Autour du concile.

Informations générales
  • DR08_328
  • 3999
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 328
  • Orig.ms. ACR, AG 266; D'A., T.D.27, n.262, pp.215-217.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 CARDINAL
    1 CELLULE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONSTITUTION CONCILIAIRE DE VATICAN I
    1 CONSTITUTIONS DES ASSOMPTIONNISTES
    1 CONTRAT DE LOCATION
    1 DIPLOMATIE
    1 ELECTION
    1 ENERGIE
    1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EVEQUE
    1 FUNERAILLES
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 PETITES SOEURS DE L'ASSOMPTION
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 REPOS
    1 RESIDENCES
    1 RUSE
    1 SAGESSE HUMAINE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SEVERITE
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 VANITE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 AGRAMANT
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 BILIO, LUIGI
    2 CHESNEL, FRANCOIS
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DEHON, LEON
    2 DENIS, MARCEL
    2 DORRESTEIJN, HENRI
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 FILLION, CHARLES-JEAN
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 GONELLA, MATTEO
    2 LA BOUILLERIE, FRANCOIS DE
    2 LA TOUR D'AUVERGNE, CHARLES-AMABLE DE
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 NATALE, A.
    2 PECOUL, AUGUSTE
    2 PERNET, ETIENNE
    2 PIE IX
    2 RAUSCHER, JOSEPH-OTHMAR
    2 SERGENT, NICOLAS
    2 SIMEONI, GIOVANNI
    3 BOURGES
    3 CARCASSONNE
    3 FRANCE
    3 HEBRON
    3 MANS, LE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE DE GRENELLE
    3 PARIS, RUE FRANCOIS Ier
    3 PARIS, RUE VIOLET
    3 QUIMPER
    3 ROME
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
    3 VITERBE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Rome, 22 avril [18]70.
  • 22 apr 1870
  • Rome
La lettre

Promettez-moi que vous ne tirerez pas trop vanité de ce que je vais vous dire, mais il est sûr, cher ami, que vos lettres font les délices de Chesnel. Ne pouvant vous voir, ses yeux se dédommagent en savourant votre écriture et ce qu’elle exprime. Chesnel, le celtique Chesnel, devient tendre, quand votre nom est prononcé. N’est-ce pas bien touchant? Enfin j’ai reçu le cachet. Il me paraît un peu énorme, mais c’est ma faute. Merci toujours. Je félicite Pernet d’avoir une maison pour ses Pernettes(1), puisqu’il n’est pas responsable du prix.

Mais parlons de vous. Eh bien. Eh bien. Dieu semble nous vouloir à Rome très sérieusement. Si vous pouviez y venir au mois de juin, ce serait une bien bonne chose. J’ai prié Pécoul de me donner des renseignements sur des maisons ou parties de maison à louer. Il me semble que si nous avions 8 à 10 cellules, elles seraient vite occupées. Il faut prier pour que cela se trouve. Il faut prier aussi pour que 5 ou 6 charmants jeunes gens nous viennent. Ce serait bien important, croyez-le. Or, ce soir, j’ai eu une conversation avec l’un d’eux que vous connaissez sans doute, l’abbé Dehon(2) ou de Hon -je ne sais pas bien l’écrire-. Si nous voulions mettre dans nos Constitutions que nous nous appliquerons à donner l’enseignement du Pape, tout s’arrangerait. Ils ont déjà déclaré au P. Freyd qu’ils ne voulaient pas entrer dans sa Congrégation. Voilà de quoi être fort à l’aise. Ce sont les élèves les plus forts du séminaire français et qui me sont venus, sans que j’aille les chercher. Peu à peu, j’espère que nous ferons quelque chose, si Dieu le permet. L’essentiel [est] que le récipient puisse recevoir la matière à recevoir: omne quod recipitur, recipitur per modum recipientis. D’où il résulte qu’il est très nécessaire d’agrandir le récipient.

J’aurais assez envie d’envoyer l’an prochain le P. Alexis à Rome, soit pour étudier, soit pour se mettre à la tête des jeunes gens que nous pourrons y envoyer. Par ce moyen nous aurions un religieux solide. Vous le piloteriez pendant deux ou trois mois, puis vous reviendriez à Paris. Voilà mon plan.

Maintenant parlons concile. La visite que les évêques de Quimper, Carcassonne, Le Mans, Hébron et l’archevêque de Bourges ont faite au Pape, a été couronnée d’un plein succès. Le Pape a promis qu’on allait mettre au plus tôt en discussion le schéma de l’infaillibilité. Cette nouvelle a mis le désordre au camp d’Agramant. Les réunions se succèdent, soit chez l’archevêque de Paris, soit chez le cardinal Rauscher, et le résultat est que l’on donnera à la session du 24 quelques non placet. On m’assure qu’il y en aura 42. Je pense qu’il pourra s’en trouver quelques-uns de plus(3). Or, à mon gré, ce sera fort heureux, car il ne faudrait pas que l’unanimité se faisant sur le schéma De fide, on ne l’eût pas sur le schéma De Summo Pontifice. La majorité devient de plus en plus sévère pour le cardinal Bilio, que l’on accuse d’être sous l’influence de la peur et peut-être de l’ambition. Quand on est cardinal à 43 ans, on peut entrevoir dans le lointain je ne sais quel avenir qui exige des ménagements.

Le Pape, lui, est d’un autre avis, et hier, après l’enterrement du cardinal Gonella(4) auquel il assistait, il a pris les cardinaux présidents à part, et il leur a parlé très énergiquement sur la nécessité de mettre plus de vigueur dans leur action et sur l’obligation de mener les choses plus vite, en coupant court à toutes les intrigues auxquelles ils se laissent prendre. L’ambassadeur lui-même, tout en recommandant la sagesse aux évêques dans leur manière de recevoir le Saint-Esprit, disait à l’un d’eux qu’après ce qu’avait fait l’opposition, il y avait quelque chose à lui répondre et que se taire serait donner gain de cause aux opposants. Aussi la majorité, en face des réunions incessantes de la minorité, s’est-elle décidée à se constituer et à s’organiser. Si elle l’eût fait plus tôt, peut-être eût-elle obtenu davantage des présidents; mais à présent j’estime que l’on agira avec plus d’énergie, précisément parce que l’on aura plus souffert pendant quelques mois.

Il est tard. Je vais me coucher, sauf à ajouter une page demain, s’il se produit quelque chose de nouveau. Ce soir, quelques archevêques vont chez le Pape porter un postulatum couvert de signatures et demandant que l’infaillibilité soit présentée au concile quam primum. Même il ne serait pas impossible que le Pape en dit un mot demain.

Adieu, très cher. Tout à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le 18 avril, Vincent de Paul a écrit : "Ce soir nous attachons la crémaillère chez les Turcs de Grenelle dont la maison appartient décidément aux révérendes Pernettes." Le Mercredi saint 13 avril (et non le 7 avril, comme divers auteurs l'ont répété), les Petites Soeurs de l'Assomption étaient entrées dans la maison sise au 57 de la rue Violet où se trouve encore leur maison-mère (v. *Lettre* 3977bis et note).
2. Léon Dehon (1843-1925), fondateur en 1878 des Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus. Sur ses rapports avec le P. d'Alzon : H. DORRESTEIJN S.C.J., *Vita e personalità di P. Dehon*, trad. du français par A. Natale, pp. 67-71, Bologna, 1978, et surtout Marcel DENIS S.C.J., *L'orientation de l'abbé Léon Dehon vers l'apostolat intellectuel (1861-1877)* dans *Dehoniana*, 1976, pp. 187-222 et 279-303. La moitié de cette très intéressante étude est consacrée au "Projet de Nîmes", ce projet d'enseignement supérieur auquel le P. d'Alzon crut un moment avoir gagné l'abbé Dehon et quelques autres jeunes prêtres français de Rome.
L'abbé Dehon s'était rendu compte depuis longtemps de la nécessité de relever le niveau intellectuel du clergé et de créer un enseignement supérieur catholique en France. Il a noté dans ses Mémoires : "La présence du P. d'Alzon pendant cette année (l'année du concile) réveilla toutes mes préoccupations relatives aux études ecclésiastiques. [...] Ces questions furent l'objet fréquent de mes entretiens avec le P. d'Alzon. J'allais avec lui en causer à Mgr Mermillod, au cardinal Simeoni. La lumière commençait à se faire [...] Deux moyens nous paraissaient propres à conduire au but : le rétablissement d'Universités catholiques en France et le relèvement des études dans les Ordres religieux" (cité par M. DENIS, *o.c.*, pp.190-191).
3. Aucun des 667 Pères présents n'émit un *non placet* à la 3e session solennelle, le 24 avril, lors du vote de la constitution *Dei Filius*.
4. Mateo-Eustachio Gonella, archevêque de Viterbe, créé cardinal en 1868, décédé le 15 avril.