DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 358

9 may 1870 Rome CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Profiter de mes dernières années pour me convertir – Ce que je dois faire pour l’Eglise, les âmes, l’Assomption – L’appui que je dois trouver en vous – Le sacrifice et la croix, chemin de l’amour de Notre-Seigneur – La possession de soi – La constitution de l’infaillibilité.

Informations générales
  • DR08_358
  • 4025
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 358
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 415; D'A., T.D.30, n.300, pp.119-120.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 AMITIE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 ANGES
    1 ANGOISSE
    1 APOSTOLAT
    1 ASSOMPTION
    1 AUGUSTIN
    1 CO-FONDATRICE DES OBLATES
    1 CONSTITUTION CONCILIAIRE DE VATICAN I
    1 CONTRARIETES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 ELECTION
    1 ERREUR
    1 ETERNITE
    1 GENEROSITE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 MAITRISE DE SOI
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PATIENCE
    1 PERFECTION
    1 SAINTS DESIRS
    1 SALUT DES AMES
    1 SANTE
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SEVERITE
    1 SOUFFRANCE APOSTOLIQUE
    1 UNION DES COEURS
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOLONTE DE DIEU
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 PIE, LOUIS
    2 PIEYRE, ADOLPHE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 NIMES
    3 POITIERS
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Rome, 9 mai [18]70.
  • 9 may 1870
  • Rome
La lettre

Je viens de prier pour vous à la messe, ma fille. Trois pensées me passaient et me repassaient dans l’esprit. La première, c’est l’obligation pour moi de profiter de mes dernières années. J’avance tous les jours vers mon éternité, et qui sait quand elle s’ouvrira pour moi? Il me semble pourtant que Dieu veut bien me donner encore une certaine prolongation de vie pour me convertir, et je me sens plus que jamais pressé d’en profiter. Ce matin, il me semblait avoir de bons désirs. La seconde pensée était celle de ce que je dois faire pour l’Eglise, pour les âmes, pour l’oeuvre de l’Assomption. La troisième enfin, l’appui que je dois trouver en vous, ma fille, malgré cette santé qui ne veut pas se remettre et pour laquelle je prie tant. Il me semblait que nous devions donner à nos âmes un rendez-vous si haut, si haut dans le sein de Dieu que nous serions de vrais séraphins. Ah! ma fille, quand nous dévouerons-nous ainsi à la cause de notre bon Maître que faisant abstraction de nous, de nos joies, de nos consolations, nos âmes ne s’unissent que pour contempler leur force dans un travail dont la récompense est là-haut?

Que de travaux à entreprendre! Que de sueurs à endurer? Que de souffrances à féconder par un très grand amour du sacrifice et de la croix! Vous voulez aimer Notre-Seigneur, voilà le chemin vrai, sûr. Allons, ma fille, entrons-y généreusement et donnez au divin Maître tout ce qu’il veut de vous. Mais quand je vous parle de vous, je veux aussi vous parler de moi, tant il me semble que dans ce travail nous ne devons faire qu’un. Aussi tout à l’heure en allant chez l’évêque de Poitiers, en songeant à certains jugements sévères que j’avais portés, je me disais que j’avais tort, que je devais envisager le but dans une très grande patience, prendre comme un mérite ce qui me ferait souffrir, et aller à toute la perfection qui peut résulter de mon dévouement à l’Eglise et de mes ennuis, fruits des obstacles que je rencontre sur mes pas. Encore si, a soixante ans, j’en pouvais arriver là et obtenir cette possession de moi-même, sans laquelle rien ne se fait dans l’ordre surnaturel!

Je reçois un télégramme à propos du résultat du plébiscite à Nîmes(1); il est signé: Augustin. Figurez-vous que cette signature m’a fait battre le coeur, à la pensée que c’était peut-être une attention de quelqu’un qui a saint Augustin pour Patron et qui, ne m’écrivant pas par la poste, veut au moins correspondre avec moi par le télégraphe.

Nous sommes en ce moment dans la fièvre de l’attente. La commission chargée de préparer la constitution de l’infaillibilité a donné hier le bon à tirer; ce sera distribué aujourd’hui, nous attendons avec angoisse. Je sais une foule de choses, mais je ne sais pas tout. L’évêque de Poitiers est content avec plusieurs; il n’osait pas l’être ce matin avec moi, parce que l’on n’a pas tout fait comme nos amis l’eussent voulu. Mais vous pouvez lire cette quatrième page au P. Emmanuel et ajouter que le système de l’unanimité morale est renversé de fond en comble par la majorité.

Adieu, mon enfant. Je ne puis vous dire quelle tendresse de père j’ai pour vous au coeur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. A Nîmes : 7600 non, 2300 oui, plus de 6300 abstentions. Pour l'ensemble du Gard : 63 900 oui, 38 900 non, 30 400 abstentions (d'après PIEYRE, *Histoire de la ville de Nîmes, t.3 , p. 40).