DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 359

9 may 1870 Rome GIRY_MADAME

Vos douloureuses émotions – Maurice – Le concile – Priez le Saint-Esprit.

Informations générales
  • DR08_359
  • 4026
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 359
  • Orig.ms. ACR, AM 209; D'A., T.D.37, n.10, pp.187-188.
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 CARDINAL
    1 COLERE
    1 CONSTITUTION CONCILIAIRE DE VATICAN I
    1 CONTRARIETES
    1 DISTRACTION
    1 EMOTIONS
    1 EPREUVES
    1 ETERNITE
    1 EVEQUE
    1 FATIGUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LACHETE
    1 PRIERE AU SAINT-ESPRIT
    1 SOINS AUX MALADES
    1 VIE DE PRIERE
    2 ELISABETH
    2 GIRY, MAURICE DE
    2 PIE IX
    2 PUYSEGUR, JEAN DE
    2 ROUSSY, EMMANUEL DE
    3 ROME
  • A MADAME LOUIS DE GIRY
  • GIRY_MADAME
  • Rome, le 9 mai 1870.
  • 9 may 1870
  • Rome
La lettre

Il y a, en effet, bien longtemps, ma chère cousine, que je ne vous ai écrit. On est emporté ici par tant de préoccupations, de visites, de distractions, que l’on ne sait plus où donner de la tête, et la pauvre mienne se fatigue bien vite. Je comprends toutes les douloureuses émotions que vous avez dû traverser, et j’ai bien prié pour cette pauvre Elisabeth. Hélas! hélas! à chaque instant, c’est un coup nouveau qui vient avertir notre coeur de regarder en haut. Je pense que l’on ne pense pas assez à l’éternité. Que de choses nous tourmenteraient moins, si nous pensions à ce grand et infini repos, qui n’aura pas de fin, dans le sein de Dieu!

Vous êtes bien heureuse de la si bonne direction que prend Maurice, et je suis de votre avis, sa crise morale est passée. Il devra se soigner quelque temps encore, et puis il faudra le fixer. Vraiment, on ne sait que dire. Quitter le pays où l’on a le plus vécu, c’est dur; y rester, avec tous les ennuis qu’il présente, ce ne l’est pas moins. Mais je pense que Maurice penchera(1), pour son futur séjour, du côté où le fera pencher son coeur, et c’est pour cela que peut-être le mieux est de ne rien prévoir. Vous me parlez d’une entrevue qu’a eue Emmanuel, mais vous ne me dites pas avec qui. Je vais tout de même bien prier pour qu’enfin il trouve son nid.

Que vous dirai-je de Rome? Nous sommes tous les jours plus ravis du Pape, mais pour les cardinaux présidant le concile, c’est une autre paire de manches. Il y a contre eux la plus parfaite irritation, à cause de leur inintelligence, de leur mollesse et de leur lâcheté. Les meilleurs évêques sont exaspérés. Jugez le jeu qu’ils font aux opposants. Enfin, hier, le projet de constitution pour l’infaillibilité a été arrêté. On l’imprime; dans quelques heures, nous l’aurons. On va se mettre à le discuter. Combien de temps cela prendra-t-il? On ne le sait pas. Peut-être moins de temps qu’on ne le redoute. L’opposition se sent battue de telle façon que, peu à peu, elle se débande. Mais pourtant que fera-t-elle? Au dernier moment, ne se dressera-t- elle pas avec toute sa fureur? C’est où la prière peut énormément. Le point essentiel est que l’on s’entende dans la majorité. Or il faut joliment travailler pour arriver à ce résultat. La conclusion est qu’il faut prier et reprier le Saint-Esprit.

Je ne sais plus rien de Jean(2), depuis des siècles. Adieu, chère cousine. Mes souvenirs aux vôtres. Croyez-moi bien tendrement à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le fils de Mme de Giry.
2. Jean de Puysegur.