DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 362

12 may 1870 Rome COLLEGE de l'Assomption

L’amour vrai de l’Eglise exige des élans de dévouement et de sacrifice dont la société moderne est incapable – L’Eglise ou la barbarie – Avec les révolutionnaires, les gallicans ,les libéraux ou avec le concile et le *Syllabus*? – Promesses du concile.

Informations générales
  • DR08_362
  • 4029
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 362
  • Orig.ms. ACR, AK 421; D'A., T.D.33, n.11, pp.327-329.
Informations détaillées
  • 1 ACTES PONTIFICAUX
    1 ADOLESCENTS
    1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 ANIMAUX
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BETISE
    1 BOURGEOISIE ADVERSAIRE
    1 CALOMNIE
    1 CATECHISME
    1 CIEL
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 DOMINATION DE DIEU
    1 EDUCATION EN FAMILLE
    1 ELECTION
    1 ENFER
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 GALLICANISME
    1 GENEROSITE
    1 HERESIE
    1 IDEES DU MONDE
    1 INDIFFERENCE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INTELLIGENCE
    1 JUGEMENT DERNIER
    1 LIBERALISME
    1 MATERIALISME
    1 PAPE
    1 PARESSE
    1 PENSEE
    1 PIETE
    1 PRESSE
    1 REMEDES
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 REVOLUTIONNAIRES ADVERSAIRES
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 ZOUAVES PONTIFICAUX
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BERTEAUD, JEAN-BAPTISTE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MANSI, GIOVANNI-DOMENICO
    2 PIE, LOUIS
    3 POITIERS
    3 TULLE
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION, A NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • Rome, 12 mai [18]70.
  • 12 may 1870
  • Rome
La lettre

A faire remettre au plus tôt au Père Emmanuel. Rome, 12 mai [18]70. Mes bien chers enfants,

Quand cette lettre vous sera lue, les grandes discussions sur l’infaillibilité auront commencé. Demain, Mgr l’évêque de Poitiers fera son rapport; après-demain, samedi, la discussion générale s’ouvrira(1). Si vous aimez l’Eglise, c’est le moment de devenir plus fervents. Mais j’entends dire parfois qu’aujourd’hui l’Eglise n’est pas aimée, parce que la puissance d’aimer implique certaines dispositions généreuses, dont la société moderne est peu susceptible. L’idolâtrie des parents pour les enfants, les idées étroites des classes soit-disant éclairées, les appétits brutaux que l’on favorise sous le nom de bien-être matériel semblent des obstacles à ces élans de dévouement et de sacrifice que l’amour de l’Eglise exige pour être vrai.

Qu’est-ce que cela me fait? dit certain stupide bourgeois, qui, du haut de son ignorance vernissée de quelques articles de journal, se croit souverain du ciel et de la terre, parce qu’il a voté oui ou non, au dernier plébiscite. Ah! ce que cela vous fait! Mon ami, je vais vous le dire. Je ne vous parle ici ni du ciel, ni de l’enfer, auxquels vous n’êtes pas capable de comprendre grand’chose, mais je vous parle de vos écus, si vous en avez. Eh! bien, sachez que si la vérité ne vous fait rien, si l’Eglise chargée de prêcher la vérité au monde ne vous fait rien, il y a des gens dont le nombre croît tous les jours et qui demandent le bouleversement du monde, afin d’y être un peu plus à l’aise. Or, comme leur bien-être ne peut augmenter qu’à la condition que le vôtre diminue, c’est à vous à voir, mon illustre bourgeois, si vous tenez à faire ces sacrifices héroïques, dont, à ma connaissance, sont seuls capables les gens qui n’ont jamais eu rien à perdre ou les bourgeois ruinés. Prenez-y garde, si l’Eglise ne triomphe, au point où les choses sont arrivées, il faut que la barbarie triomphe.

Mais je ne sais pourquoi je m’arrête à parler pour des gens qui ne sont pas à l’Assomption, bien que les gens qui y sont puissent en arriver à cette honte, s’ils n’y prennent garde. Donc je suppose que vous avez deux onces d’intelligence et je vous dis, chers petits choux, l’homme le plus bête a envie d’avoir de l’esprit. Vous n’avez pas inventé la poudre, mais vous tenez au moins à avoir le sens commun. Eh! bien, l’esprit, (j’entends le bon), le sens commun et même l’intérêt bien entendu vous disent qu’il faut profiter du concile, pour vous élever aux plus grandes choses. Tout concile étant un jugement divin tient par quelque bout au jugement dernier. Il faut, de toute nécessité, que les uns soient à droite et les autres à gauche. De quel côté voulez-vous être, chers garçons? Avec les révolutionnaires, les gallicans, les libéraux? A gauche, mes amis. Souvenez-vous que le concile se tient contre la révolution, se tient contre les ennemis du Syllabus, (le Syllabus a déjà été approuvé en gros par le concile, en attendant qu’il le soit en détail), le concile se tient contre les gallicans. Le succès n’est pas douteux. Dans un mois, s’ils n’abjurent pas le gallicanisme, ce seront des hérétiques; c’est incontestable.

Le plaisir que l’on peut avoir à soutenir ce que l’on sait devoir être déclaré sous peu une hérésie, c’est ce que je ne comprends pas bien. Enfin, ils veulent se donner cette volupté, laissons-les faire. Mais vous, qu’en dites-vous? A quel point cela vous préoccupe-t-il? Quelques mauvaises plumes me disent que cela vous touche autant que les bornes fontaines, où viennent boire les chevaux et les ânes. Eh! bien, je ne puis le croire. Bonnement vous seriez à ce point devenus canaille chrétienne que toutes ces magnifiques questions vous feraient l’effet d’un cautère sur une jambe de bois? Quoi! Il faudrait dire de vous ce que l’évêque de Tulle disait aux zouaves qu’au dix-neuvième siècle il n’y avait plus de sirènes, il ne reste que des grenouilles? Eh! bien, j’augure mieux de jeunes êtres, formés par le P. Emmanuel et préparés au baccalauréat par le P. Laurent, et, restant fortement convaincu que ceux qui disent que vous n’y comprenez rien vous calomnient, voici ce que je viens vous dire. Ecoutez bien.

Le Pape va être déclaré infaillible. Mais quand il aura reçu la constatation de ce privilège, qu’en fera-t-il? Ah! ce qu’il en fera? Il enseignera avec un peu plus d’autorité et il s’occupera, ne pouvant pas enseigner partout, de faire enseigner. Et voyez-vous la grosse question des études qui se lève toute grande, et toute forte, et toute féconde aussi? Or, voici ce qui arrivera. Le monde se partagera en deux: les imbéciles, les paresseux, ceux qui n’y comprennent rien, ceux qui ne veulent rien faire, le vulgum pecus, les sots bourgeois, en un mot; et les gens qui croient que l’âme passe avant le corps, l’éternité avant le temps, Dieu avant le plaisir. Ceux-là travailleront, étudieront; ceux-là ont un avenir magnifique. En deux mots, le concile ne tirera pas des ténèbres les hiboux qui ne veulent que la nuit et ses sottises; mais le concile donnera à ceux qui veulent accroître les lumières de leur intelligence de magnifiques splendeurs. Mais pour cela il faut, d’une part, étudier; de l’autre, réformer, transformer les études, et ce sera probablement le sujet de mon discours, à la distribution des prix, si le P. Emmanuel veut bien le permettre.

Sur ce, adieu, mes chers enfants.

Notes et post-scriptum
1. Le 13 mai, une petite partie de la 50e congrégation générale fut encore consacrée au petit catéchisme et tout le reste de la séance fut réservé à Mgr Pie pour la présentation de son rapport sur le schéma *de Ecclesia Christi* (MANSI, 52, c. 334-338).