DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 392

31 may 1870 Rome COLLEGE de l'Assomption

La science des gallicans.

Informations générales
  • DR08_392
  • 4060
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 392
  • Orig.ms. ACR, AK 423; D'A., T.D.33, n.13, pp.331-333.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 AMOUR DU PAPE
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BULGARES
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CREATEUR
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PATROLOGIE
    1 ERREUR
    1 ESPRIT FAUX
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 GALLICANISME
    1 GRECS
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 IGNORANCE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 MENSONGE
    1 PAPE
    1 PREDICATION
    1 THEOLOGIE
    1 THEOLOGIE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
    1 THOMAS D'AQUIN
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 CARREYRE, JEAN
    2 CYRILLE D'ALEXANDRIE, SAINT
    2 CYRILLE DE JERUSALEM, SAINT
    2 GRATRY, ALPHONSE
    2 HONORIUS I
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 LAUNOY, JEAN DE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MAXIME LE CONFESSEUR, SAINT
    2 UCCELLI, PIETRO-ANTONIO
    2 URBAIN IV
    2 VIRGILE
    3 BULGARIE
    3 MONTAUBAN
    3 NAPLES
  • AUX ELEVES DU COLLEGE DE L'ASSOMPTION, A NIMES
  • COLLEGE de l'Assomption
  • Rome, 31 mai [18]70.
  • 31 may 1870
  • Rome
La lettre

Mes chers enfants,

Permettez-moi de vous donner un léger détail sur la science des gallicans. Le plus flambant de tous, le P. Gratry, parle d’une école d’erreur et de mensonge qui aurait composé de fausses pièces pour élever au-dessus de tout le pouvoir du Pape. Les deux principales collections de ces pièces sont, au dire du P. Gratry: 1° les fausses décrétales; 2° la collection d’un Grec présentée à Urbain IV(1) et où, dit-on, on donne des textes faux pour exalter le pouvoir des papes.

Quant aux fausses décrétales, on y a si bien répondu que le P. Gratry n’y revient plus. Pour la collection du Grec, je voyais hier soir un abbé Uccelli(2), qui a pris les manuscrits de saint Thomas en passion, et il en coûte souvent les yeux à ceux qui ont cette passion-là, parce que saint Thomas écrivait, pour aller plus vite, en abréviations et que ces abréviations composent une véritable écriture de chat. Or, Urbain IV avait envoyé à saint Thomas la collection de textes grecs, et le saint découvrit tout de suite des textes faux, et, dans sa réponse au Pape dont Uccelli a découvert le manuscrit, il a bien soin de le déclarer. Mais vous croyez peut-être que cette collection de textes des saints Pères a été faite pour prouver l’autorité du Pape? Pas du tout, elle a été faite pour établir la divinité de J.-C. Mais, direz-vous, quel rapport y a-t-il entre la divinité de J.-C. et l’autorité du Pape? Ah! voici. L’écrivain grec dit: Si J.-C. n’est pas Dieu, il ne peut pas avoir établi la puissance des papes. Un homme n’en serait pas capable. De même qu’il faut un Dieu pour créer le monde, il faut un Dieu pour instituer la papauté. Le raisonnement du Grec prouve que, de son temps, on croyait, sans avoir besoin de ses textes, la puissance du Pape passablement étendue. Pourtant il cite des textes et l’on dit qu’ils sont faux. Voyons un peu. Ces textes avaient été reproduits par saint Thomas dans son livre Contre les erreurs des Grecs(3). Ce sont:

Un texte de saint Cyrille de Jérusalem. On ne trouve pas le texte mot pour mot. En effet, l’auteur a réduit en une phrase un très long développement de la pensée de saint Cyrille de Jérusalem C’est comme [si] on vous accusait de tromper, parce que vous auriez l’analyse très exacte d’un beau sermon du P. Emmanuel, où il aurait développé longuement ce que vous reproduiriez en résumé.

Un texte de saint Maxime. Launoy, l’inspirateur du P.[Gratry], dit qu’il est apocryphe; pourtant il se trouve parfaitement dans le tome II des oeuvres du saint. Launoy n’avait peut-être cherché que dans le premier.

Un texte de saint Jean-Chrysostome, tiré, dit le collecteur grec, de sa lettre aux Bulgares. Launoy triomphe. Du temps de saint Chrysostome, il n’y avait pas de Bulgares, au moins en Bulgarie. Mais ces paroles se trouvent dans un autre ouvrage de saint Jean-Chrysostome et sont parfaitement de lui, ainsi que d’autres de la même vigueur.

Enfin, un texte de saint Cyrille d’Alexandrie. Launoy(4) et le P. Gratry triomphent, on ne trouve pas le texte. Ecoutez. Si le P. Laurent vous citant un vers de Virgile vous disait: « Messieurs, ce vers est du 10e chant de l’Enéide », si vous lui répondiez: « Mon Père, ce n’est pas vrai, car nous ne l’avons pas trouvé dans le 1er chant », le P. Laurent, malgré sa patience, n’aurait-il pas raison de répliquer: « Messieurs, vous êtes des farceurs et …outez-moi la paix », comme disent les dames de Montauban. Le texte [de] saint Cyrille est du 3e livre de saint Cyrille, dont le premier seul subsiste aujourd’hui. Mais les autres existaient du temps de saint Thomas. Mais voici qui est mieux, c’est que dans les autres oeuvres du même saint on a des textes beaucoup plus forts sur cette matière. Que dites-vous de cela?

Eh! bien, c’est la même chose pour tout. Et cette affaire d’Honorius, sur laquelle on revient tant, ne prouve qu’une chose, c’est que les adversaires de l’infaillibilité sont d’une mauvaise foi ou d’une ignorance profonde. C’est ce que la discussion du concile révèle tous les jours.

Adieu, chers enfants. Ayez l’amour de l’Eglise et aimez le Pape.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Urbain IV, pape de 1261 à 1264.
2. Pietro-Ant. Uccelli publia à Naples en 1870 une brochure de 46 pages *Dei testi esaminati da s. Tommaso d'Aquino nell'opuscolo contro li errori dei Greci relativamente all'infallibilità pontificia*. - Le P. d'Alzon resta en relation avec l'abbé Uccelli. Ce dernier édita en 1878 la Somme de saint Thomas contre les Gentils et le P. d'Alzon y consacra un compte-rendu dans le *Pèlerin* du 22 mars 1879.
3. Ou *Somme contre les Gentils*.
4. Cyrille de Jérusalem (313-386), Maxime le Confesseur (580-662), Jean Chrysostome (344-398) et Cyrille d'Alexandrie (mort en 444).
Jean de Launoy (1603-1678), érudit, publia de nombreuses études de critique, histoire, discipline ecclésiastique. Il ne consacra aucun traité particulier à l'infaillibilité pontificale mais dans sa volumineuse correspondance, il en est souvent question et il lui y très hostile (J.CARREYRE, DTC).