DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 503

15 sep 1870 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Vos Soeurs – Ici la situation est bonne – Tout cela doit servir à la résurrection de l’esprit chrétien – Vous avoir sous peu et causer: nous avons beaucoup à faire.

Informations générales
  • DR08_503
  • 4178
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 503
  • Orig.ms. ACR, AD 1572; D'A., T.D.24, n.1079, pp.126-128.
Informations détaillées
  • 1 ALLEMANDS
    1 ASSOMPTION
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 AUSTERITE
    1 CACHET DE L'ASSOMPTION
    1 CATHOLIQUE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 CONTRARIETES
    1 CONVERSATIONS
    1 DECADENCE
    1 EGLISE
    1 EPREUVES
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 FONCTIONNAIRES
    1 FRANCAIS
    1 GRACE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MAUX PRESENTS
    1 PERSEVERANCE
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 POLITIQUE
    1 POSTULANT
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENONCEMENT
    1 TRAVAIL
    1 VOCATION
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BARAGNON, MADAME AMEDEE
    2 BARAGNON, PIERRE
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 PAUL, SAINT
    3 FRANCE
    3 NICE
    3 NIMES
    3 POITIERS
    3 PRUSSE
    3 REIMS
    3 SAINT-DIZIER
    3 SEDAN
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 15 septembre 1870.
  • 15 sep 1870
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Vous aurez vu le P. Emmanuel Bailly, qui s’est arrêté exprès à Poitiers pour vous parler de vos Soeurs de Sedan. A Saint-Dizier vous avez eu des visites prussiennes. J’espère qu’à Reims on aura respecté votre communauté, mais je me rends compte de vos préoccupations. A Nice vous avez pour préfet Pierre Baragnon(1), dont la mère a dû vous parler quand elle était postulante chez vous. Je n’ai pas voulu qu’on lui écrivit, comme le désirait l’abbé de Cabrières. C’eût été se mettre dans une position très embarrassante, avec un homme d’expédients comme lui.

Ici, je pense, la situation est aussi bonne que possible. Le dernier endroit où nous serons troublés, c’est Nîmes, parce que nous sommes organisés. Que deviendrons-nous après ces profondes humiliations? Je pense qu’il faut appliquer à la France ce que je m’applique à moi-même, toutes les fois que j’éprouve un ennui. A quoi cela peut-il servir? C’est la traduction libre du mot de saint Paul: Diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum. Quel profit les catholiques et les Français doivent-ils tirer de cette catastrophe, qui n’est pas terminée? Je ne trouve d’autre réponse que celle-ci: la résurrection de l’esprit chrétien au sens où nous l’avons, vous et moi, entendu en donnant à l’Assomption son cachet, et, si nous avons cédé un moment au torrent, l’obligation de le remonter toujours avec une énergique persévérance jusqu’à notre dernier soupir.

Si Dieu, comme je l’espère, veut bénir l’Assomption, nous touchons à l’un des moments les plus solennels de son premier développement. Telle est ma conviction la plus profonde. Je considère comme une grâce immense que plusieurs de mes fils aient assisté à ces douloureuses épreuves et que quelques-unes de vos filles aient pu contempler le désastre de Sedan. Un jeune ingénieur me disait hier: « Nous venons d’assister à la lutte de vingt ans de paresse, de plaisirs et de débauches, contre vingt ans d’études et de travail(2). » Ce me semble profondément vrai. Il faut laisser le plaisir pour le travail et prêcher cette doctrine à nos enfants, à tout le monde. A ce prix je crois que la France peut se relever et conserver sa mission dans l’Eglise de Dieu par l’austérité, le sacrifice, la lutte acharnée contre les idées du jour. On voit enfin où elles ont conduit. Je crois que deux sociétés vont se former et nous travaillons à faire la société chrétienne.

J’espère vous voir sous peu et nous causerons. Je voudrais savoir quand. Je n’ai pas bougé de Nîmes, malgré bien des projets. Si pourtant j’étais obligé de faire une absence de quelques jours, je ne voudrais pas avoir la maladresse de vous manquer et de ne pas être à vos ordres tout le temps que vous passerez ici. Je ne sais pourquoi, au milieu de tous les malheurs qui nous submergent, je conserve l’immense espérance que nous avons beaucoup à faire et que le petit arbre de l’Assomption doit se développer et donner ses meilleurs fruits, au milieu des plus terribles orages.

Adieu, ma fille. Mille fois vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. L'ancien directeur du *Journal de Constantinople*.
2. En 1940, après un autre Sedan, on parlera de même.