DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 30

1 apr 1871 Nîmes GALABERT Victorin aa

Le drapeau rouge flotte à Paris – Réponse en dix points à ses lettres – Intentions de messes – Nouvelles diverses – Une école monastique en Savoie.

Informations générales
  • DR09_030
  • 4260
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 30
  • Orig.ms. ACR, AJ 231; D'A., T.D.32, n.231, pp.207-209.
Informations détaillées
  • 1 ALUMNATS
    1 AMBULANCE
    1 ANARCHISTES
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 CARACTERE
    1 CHEMIN DE FER
    1 CRAINTE
    1 CREANCES A PAYER
    1 DEPENSES
    1 DIPLOMATIE
    1 DISTINCTION
    1 ECOLES ASSOMPTIONNISTES D'ORIENT
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 EMPLOIS
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT D'INITIATIVE
    1 GUERRE CIVILE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 HONORAIRES DE MESSES
    1 LACHETE
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 LIVRES
    1 MAITRESSE DES NOVICES
    1 MALADES
    1 MEDECIN
    1 MENSONGE
    1 MORT
    1 NOTRE-DAME DES CHATEAUX
    1 OBLATES
    1 PAQUES
    1 PATRONAGES
    1 PELERINAGES DEVOTIONS
    1 POLONAIS
    1 POSTULANT
    1 PRETRE
    1 PRIERES POUR LES DEFUNTS
    1 PRISE DE VOILE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REGULARITE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 REVENUS DE PROPRIETES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 RUSSES
    1 SEVERITE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SOUTANE
    1 SUBVENTIONS
    1 VACANCES
    1 VIN
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOYAGES
    2 BADETTI, MARIE-CHRISTINE
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BALMELLE, COLOMBE
    2 BONNEFOY, FRANCOIS DE SALES
    2 BROUSSE, VICTORINE
    2 CAMPREDON, MATHILDE
    2 CHILIER, ALEXANDRE
    2 COMPAND, ALEXANDRINE
    2 COURTOIS, ALBERT DE
    2 DEHON, LEON
    2 DESAIRE, CHARLES
    2 DESCAMPS, PIERRE
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 GALABERT, JEAN-PIERRE
    2 MARIE DU SAINT-SACREMENT, OBLATE
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PLUYM, ANTOINE-JOSEPH
    2 POPOV, RAPHAEL
    2 SALZE, THERESE
    2 SARRAN, VALERIE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    3 ANDRINOPLE
    3 BEAUFORT-SUR-DORON
    3 FABREGUES
    3 FRANCE
    3 MONTPELLIER, DIOCESE
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PHILIPPOPOLI
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SAVOIE
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE VICTORIN GALABERT
  • GALABERT Victorin aa
  • Nîmes, 1er avril [18]71.
  • 1 apr 1871
  • Nîmes
La lettre

Cher ami,

Je suis horriblement en retard avec vous, mais avant de vous répondre, laissez-moi vous dire toutes les craintes que j’ai pour nos Pères de Paris. Ils sont au milieu de la révolution. Le drapeau rouge flotte partout, à Paris bien entendu, -ailleurs l’émeute est comprimée-, mais les prêtres ne peuvent plus sortir en soutane, et le P. Picard m’écrit que son nom est sur la première liste de proscription et que les guillotines sont prêtes. Ici je ne crois pas que nous ayons rien. Passons à vos lettres auxquelles je répondrai article par article.

1° Le consul russe. Ce peut être un homme très bien élevé, mais les Russes sont de bien grands menteurs. Du reste, s’il vous parle avec bonté et intérêt, tenez-moi au courant, mais ne vous y fiez pas trop(1).

2° Rite oriental. Ne faites rien sans consulter Mgr Pluym. Je vois à cela du pour et du contre. Les Pères Polonais ont-ils gagné quelque chose à changer de rite? D’autre part, si Mgr Raphaël doit passer un jour à Andrinople à quoi bon se presser(2)?

3° Dépenses polonaises. Il est fort heureux que vous puissiez [mieux] faire vos affaires que les Polonais. Ici nul n’a le sou, c’est affreux, et le peu qu’on a on le donne pour les victimes de la guerre. Je vous conjure de ne pas nous envoyer encore de notes de livres. Souvenez-vous que nous sommes ruinés, mais dès que nous aurons quelque chose, nous ne vous oublions pas.

4° Chemin de fer. C’est à vous à voir si, sur le parcours du chemin de fer, vous avez la chance de trouver quelque chose bon marché(4).

5° Les Oblates. Hélas! ni ici l’esprit d’initiative n’est bien brillant chez les Oblates; c’est quelquefois à désespérer(5). Mais il faut espérer contre toute espérance. Multipliez les fonctions, afin que vous puissiez découvrir les aptitudes. Exigez des Soeurs qu’elles se soumettent sous ce rapport à une certaine exactitude, et ne vous gênez pas pour passer par dessus la tête de Soeur Thérèse.

6° Puisque vous avez si fort besoin d’argent, écrivez à Paris pour voir ce que peut donner l’oeuvre des Ecoles d’Orient(6). Je n’ai pas vendu mon vin; j’ai à toucher une somme sur l’année précédente, mais partout des dettes, ici comme ailleurs. Le P. Alexis n’a pas encore, que je sache, trouvé vos 500 francs; il me semble bien que vous les avez touchés à Rome. Vous avez beau dire, on vous les a donnés.

7° La postulante. Il est heureux que vous ayez une postulante de vos côtés. Gardez-la jusqu’à ce que nous puissions la faire venir. Vous lui donnerez le costume, et elle pourra voyager plus économiquement(7).

8° Vous faites très sagement de remplacer Soeur Thérèse; c’était ma pensée depuis longtemps, vous le savez. Si Soeur Valérie est trop rude, je crois que vous pourrez plus aisément frapper sur elle. Nous avons envoyé au Vigan Soeur Alexandrine, Soeur Victorine et Soeur Mathilde. Soeur Marie du Saint-Sacrement a été rendue à sa famille. Ce qui reste ici, 14 Soeurs, font un petit noyau excellent. Il vaut mieux ne pas trouver d’obstacle dans les manies ou le caractère des premières admises. Le Vigan forme un corps respectable d’invalides qui n’ont pas combattu, mais qui ont eu le courage de commencer. Gardez Soeur Valérie, je crois que nous nous en tirerons sans elle.

9° Si le P. Alexandre obtient une subvention, il sera bien heureux, mais je n’ose l’espérer(8).

10° J’approuverais très fort que l’on prît l’ambulance des chemins de fer. Si le médecin est de vos amis, vous pourriez lui donner Soeur Thérèse, et, au besoin, je vous enverrais Soeur Mathilde, qui a été pendant cinq mois à l’ambulance établie au patronnage pour les blessés(9).

Pour les messes, je n’ai encore obtenu que 500 francs, mais je pense en avoir 500 autres sous peu. Je ne savais pas la mort de votre oncle, le curé de Fabrègues(10), je prierai pour lui du fond du coeur. L’abbé Dehon est venu ici, a mis le P. Alexis dans sa poche et est parti avec lui. Le P. Alexis est dans le ravissement d’être à Rome, c’est tout simple. On nous offre un pélerinage en Savoie. Les Pères Picard, Hippolyte, Emmanuel poussent à l’accepter. La supérieure de l’Assomption promet des ressources pour y fonder une école monastique, à l’aide de laquelle on trouverait des vocations dans un pays qui en fournit tant(11). Si j’avais besoin du Fr. François de Sales, on l’échangerait avec un des religieux d’ici; le voudriez- vous?

Adieu, cher ami. Sanctifions-nous; voilà l’essentiel. Totus tibi et toto corde.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le P. Galabert avait écrit le 20 janvier : "J'ai profité du premier de l'an julien pour aller faire une première visite au consul russe que j'avais rencontré plusieurs fois chez Mr de Courtois, et il est venu me rendre sa visite six jours après, le jour de l'Epiphanie à la grecque. Je me propose d'aller le voir de temps en temps, et de placer un jour la conversation sur la question religieuse au point de vue de la liberté de conscience en Russie.C'est un homme bien élevé et bien courtois et avec lequel on peut causer."
2. Mgr Popov souhaitait que le P. Galabert passe au rite oriental. Le P. Galabert avait répondu qu'il était "absolument indifférent à cette affaire" et que s'il en obtenait la permission de Rome, lui-même ne ferait aucune difficulté pour passer au rite oriental bulgare (lettre du 20 janvier). Après avoir reçu la lettre du P. d'Alzon, il dira: "Pour le rite oriental, je ne suis guère pressé de l'embrasser. Mgr ne m'en parle pas, et je ne lui en parle pas, je préfère le faire adopter par l'un des nôtres que l'adopter moi-même" (28 avril).
3. Nous devons faire face à des besoins plus grands avec des ressources moindres, a écrit Galabert le 27 janvier. Tant mieux, si vous y parvenez, répond le P. d'Alzon.
4. Des ingénieurs français arrivent pour commencer la construction de deux tronçons de lignes de chemin de fer (lettre de Galabert du 10 février).
5. "Ce sont de saintes filles mais il n'y a pas une seule qui montre de l'initiative et du savoir-faire" (10 février). Le P. d'Alzon propose des remèdes.
6. En pleine Commune... Le P. d'Alzon, malgré ce qu'il écrit au début de cette lettre, ne se serait-il pas vraiment rendu compte de la gravité de ce qui se passe à Paris ? Cela rejoint une réflexion de V. de P. Bailly dans une lettre au P. d'Alzon, le 30 mars : "Nous sommes bien un peu étonnés des lettres que nous recevons, où il est question uniquement d'orphelins et d'orphelines, de démarches à faire, comme si nous étions dans les temps les plus ordinaires."
7. Madeleine Badetti. Sr Marie-Christine reçut le bonnet de postulante le 24 mars, "je lui ai donné Sr Colombe comme maîtresse des novices" (Galabert, 30 mars). Elle prendra l'habit en août avant de partir pour la France.
8. Le P. Alexandre Chilier espérait obtenir pour son école une subvention annuelle de la communauté bulgare catholique latine de Philippopoli. Comme le P. d'Alzon, le P. Galabert avait bien peur qu'il ne se fasse illusion (lettre du 11 mars).
9. Les constructeurs du chemin de fer organisaient une ambulance et le P. Galabert avait des raisons de croire qu'ils allaient offrir aux Oblates de s'en charger (11 mars).
10. "C'était un bien saint prêtre *qui transiit benefaciendo*; il est resté curé dans la même paroisse trente-cinq ans; au diocèse de Montpellier, c'est assez extraordinaire", a écrit de son oncle le P. Galabert (11 mars).
11. Nous avons ici la première allusion dans la correspondance du P. d'Alzon à la fondation de l'oeuvre des alumnats. Voir *Documentation biograph.*, pp. 837-845, où l'on trouvera un historique succinct et les références utiles. Ajoutons seulement qu'à notre avis, la neuvaine pour les vocations au terme de laquelle, selon le récit fait en 1875 par le P. Descamps, le P. Désaire vint offrir au P. d'Alzon la maison qui allait devenir l'alumnat de N.-D. des Châteaux, dut avoir lieu dans la première quinzaine de mars, alors que le P. d'Alzon avait réuni autour de lui quelques religieux pour discuter avec eux des orientations apostoliques de la congrégation (v. *Lettre* 4253 n.). Comment expliquer en effet l'absence de document écrit concernant cette offre et l'accueil favorable que, selon notre lettre, lui réservèrent les religieux, sinon par le fait que tout se fit oralement, tous se trouvant réunis... La bienheureuse Marie-Eugénie de Jésus, qui se trouvait à Nîmes elle aussi, applaudit également à ce projet.
Le P. d'Alzon ne tarda pas à envoyer le P. Emmanuel sur les lieux pour juger de la viabilité du projet. Il s'y rendit pendant les vacances de Pâques avec le P. Désaire et, le 12 avril, il écrivit de Beaufort au P. d'Alzon : "Je me prononce pour une affirmative aussi complète que possible".