DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 36

14 apr 1871 Lavagnac CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie

Une journée de sa vie de mollusque à Lavagnac – Comme un moineau solitaire sur un toit – Et vous ? – Et nos filles ?

Informations générales
  • DR09_036
  • 4264
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 36
  • Orig.ms. AC O.A.; Photoc. ACR, AH 418; D'A., T.D.30, n.345, pp.167-168; QUENARD, pp.200-201.
Informations détaillées
  • 1 ANIMAUX
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 MALADIES
    1 OBLATES
    1 PAQUES
    1 REMEDES
    1 SAGESSE HUMAINE
    1 SCRUPULE
    1 SOLITUDE
    1 VACANCES
    2 CORRENSON, AUGUSTINE
    2 PUYSEGUR, JEAN DE
  • A LA MERE EMMANUEL-MARIE CORRENSON
  • CORRENSON_MERE Emmanuel-Marie
  • Lavagnac, le 14 avril 1871.
  • 14 apr 1871
  • Lavagnac
La lettre

Je connais quelqu’un qui doit dire: je voudrais bien savoir ce que fait mon père. Voici ce que fait votre père: On entre dans sa chambre avant sept heures, il s’habille, prie le bon Dieu jusqu’à huit. Il dit la messe, fait son action de grâces, prend une très petite, très petite tasse de chocolat, va se promener, rentre, lit, flâne, travaille. A 11 heures déjeune, et, (horreur!) ne refuse pas un cigare offert par son neveu; se promène encore plus ou moins vite, reste peu dans sa chambre, dit son office, son rosaire, etc, etc., dîne à six heures et demie, prend du café et jase; vers 9 heures, moment solennel, on lui porte à boire une tasse de feuilles d’oranger pour calmer ses nerfs ébranlés par les émotions de la journée, fait sa prière et tâche de dormir du sommeil des justes.

Que dites-vous de cette vie de mollusque? Enfin, mes dents me font bien un peu souffrir, mais il m’apparaît qu’elles veulent devenir raisonnables, ce dont je les félicite. Pourtant aujourd’hui je veux faire des prodiges. Je veux être seul comme le moineau solitaire sur son toit. C’est intéressant qu’un moineau solitaire. Peut-être ferai-je quelque chose, peut-être ne ferai-je rien.

Et vous, que faites-vous? Les belles journées que nous avons eues vous ont-elles fait un bon effet? Le bon Dieu me gâte; il me met ici à un moment plus que ravissant, pourtant ce n’est pas le ciel. Que deviennent nos filles? Sont-elles sages et prennent-elles un peu leurs vacances de Pâques? Vraiment, c’est une bénédiction que d’avoir des filles Oblates. Je les fourre à chaque instant avec ma riche imagination dans quelque coin, afin d’avoir la douce surprise de les y découvrir. Et Titina(1)? Recommandez-lui bien de ne pas se tourmenter et de faire ce qu’on lui dit. Quant à moi, j’ai aussi des scrupules. Je suis ici pour me ravitailler, et si je me ravitaille trop je trouve que je deviens canaille. Que faire? Répondez.

Votre père

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Augustine, soeur de sa correspondante.