DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 41

29 apr 1871 Nîmes BARAGNON_NUMA

Votre discours – Le comité Dupanloup – L’Université c’est la négation des principes – Paris montre où cela conduit – Le droit d’enseigner des catholiques – La lutte pour l’Eglise.

Informations générales
  • DR09_041
  • 4269
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 41
  • Orig.ms. ACR, AL 21; D'A., T.D.34, n.20, pp.152-154.
Informations détaillées
  • 1 ASSOCIATION
    1 ATHEISME
    1 AUMONIERS SCOLAIRES
    1 CATHOLIQUE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DIPLOMES
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ETAT
    1 GUERRE CIVILE
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 JUIFS
    1 LAICISME
    1 LEGISLATION
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MAHOMETANISME
    1 MAITRES
    1 MAUX PRESENTS
    1 PARLEMENT
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PRESSE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BAUDRILLART, ALFRED
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 HULST, MAURICE D'
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 FRANCE
    3 ORLEANS
    3 PARIS
  • A MONSIEUR NUMA BARAGNON
  • BARAGNON_NUMA
  • Nîmes, le 29 avril 1871.
  • 29 apr 1871
  • Nîmes
  • Evêché|de Nîmes
La lettre

Mon cher ami,

J’ai lu avec bonheur vos paroles dans l’Officiel. Je vous conjure de me les envoyer in extenso, comme vous l’avez déjà fait.

Vous avez très bien fait d’entrer dans le comité Dupanloup(1). C’est le Correspondant pur; mais laissez reparaître le Correspondant, nous l’attaquerons, s’il le faut, et d’importance. Seulement veuillez vous souvenir de ceci:

1° Il faut très souvent demander le plus pour avoir le moins.

2° La cause de nos maux est que la France n’a plus de principes. Demander la continuation de l’Université, c’est demander la négation officielle des principes. Quels principes a une institution avec des aumôniers catholiques, protestants, juifs, mahométans, et des professeurs athées? On va chasser d’ici quatre professeurs, rédacteurs du Gard républicain; mais c’est une criante injustice. Au nom de quoi les chassez-vous, s’ils ont subi avec satisfaction leur concours d’agrégation? Est-ce que dans ce concours on a parlé, on a pu parler de croyances quelconques? Ce ne sont pas les professeurs qu’il faut changer, c’est l’institution. L’Etat n’a aucune croyance, ne peut en avoir aucune, ne peut exclure de l’Université les hommes qui n’en ont pas. L’Etat ne peut enseigner ni faire enseigner, sous peine de la plus effroyable hypocrisie, les croyances qu’il n’a pas.

3° Je suis convaincu que le spectacle donné par Paris apprendra où mène l’absence de croyances, alors on reprendra une foi quelconque. Mais quand? Quand les principes de 89 seront expulsés, et les hommes dont vous me parlez en sont tout gonflés.

4° Je crois que nous devons par dessus tout, comme catholiques, demander le droit d’enseigner, parce que c’est notre droit. La société n’étant plus chrétienne, les autres s’arrangeront comme ils pourront. Pratiquement, il faut prendre tout ce qui est prenable et crier, comme des aigles, tant qu’on ne nous aura pas donné ce à quoi nous avons droit.

Permettez-moi une observation. Vous êtes jeune, vous êtes fait pour être à l’avant-garde du combat, ou, si vous aimez mieux, de la guerre qui, après les affaires de Paris, va recommencer dans des conditions peut-être différentes des conditions passées. La lutte pour l’Eglise aura ses chassepots et ses canons à longue portée. A votre place, je ferais partie de la réunion Dupanloup pour l’étudier, sans me compromettre. Il y a mieux à offrir aujourd’hui que les rengaines du Correspondant.

J’attribue votre dernier succès à votre talent sans doute, mais aussi à ce que vous avez défendu un principe, en face d’une impossibilité. Or cette situation particulière, c’est après tout la situation générale; les principes en face d’impossibilités.

Mille fois tout vôtre.

Notes et post-scriptum
1. Dans la "Chronique" de son numéro de juin 1871, la *R.E.C.* (I, p.135), exprimera sa méfiance vis-à-vis de cette commission extra-parlementaire créée par l'évêque d'Orléans pour étudier la question de la liberté de l'enseignement. Les catholiques universitaires qui y figurent, écrit-elle, "sont loin de nous offrir les garanties nécessaires, et nous sommes tentés de leur dire, en un langage dont l'autorité ne saurait être méconnue par des professeurs et des lettrés comme eux :
"Non tali auxilio, nec defensoribus istis
Tempus eget."
Dans sa biographie de Mgr d'Hulst, le futur cardinal Baudrillart reproduit de larges extraits de l'*Avant-propos* du P. d'Alzon dans le premier numéro de la *R.E.C.*, il évoque ensuite le programme de la ligue catholique du P. Picard et les articles dans lesquels Louis Allemand faisait le procès de l'Université, puis il conclut : "Autant de telles initiatives étaient bonnes, autant il était déplacé et imprudent de témoigner une injurieuse défiance à un évêque tel que Mgr Dupanloup et à des universitaires dévoués à la cause de la religion et de la liberté, dont le concours était indispensable pour assurer la victoire" (o.c., pp.295-296).