DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 58

16 may 1871 Lavagnac BARAGNON_NUMA

Solliciteurs – Je pense sur Thiers plus mal que vous – Travaillez avec Brignac – Abordez la question du pape à l’Assemblée – Nécessité d’une destruction radicale de l’Université.

Informations générales
  • DR09_058
  • 4284
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 58
  • Orig.ms. ACR, AL 22; D'A., T.D.34, n.21, pp.154-156.
Informations détaillées
  • 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
    1 AMBULANCE
    1 ANCIENS ELEVES
    1 BOURSE D'ETUDES
    1 CARDINAL
    1 CATHOLIQUE
    1 DESPOTISME
    1 EMPLOIS
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ETATS PONTIFICAUX
    1 FONCTIONNAIRES
    1 FRANCHISE
    1 GOUVERNEMENT
    1 HONNEURS
    1 MAITRES
    1 PARLEMENT
    1 PATRONAGES
    1 POUVOIR TEMPOREL DU PAPE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REPUBLIQUE
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 BRIGNAC, JULES DE
    2 BRIGNAC, RAYMOND DE
    2 CARAYON-LATOUR, JOSEPH DE
    2 CHAMBORD, COMTE DE
    2 CORRENSON, CHARLES-LOUIS
    2 FAVRE, JULES
    2 HANOTAUX, GABRIEL
    2 LARCY, ROGER DE
    2 MILLERET, LOUIS
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PANSIER, RAYMOND
    2 PIE IX
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 REMUSAT, CHARLES DE
    2 THIERS, ADOLPHE
    3 CENTRE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 HERAULT, DEPARTEMENT
    3 MENDE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 NORD
    3 ROME
  • A MONSIEUR NUMA BARAGNON
  • BARAGNON_NUMA
  • Lavagnac, le 16 mai 1871.
  • 16 may 1871
  • Lavagnac
La lettre

Mon cher ami,

Parlons d’abord solliciteurs.

1° M. de Brou, trésorier g[énér]al à Mende, demande une trésorerie générale ailleurs sans trop d’avancement. Il tient seulement à être placé dans le Centre ou dans le Nord. C’est le frère de la supérieure g[énéra]le de l’Assomption. Vous comprenez que j’y tiens énormément.

2° Le bon Pansier meurt d’envie d’être conseiller dans quelque cour. J’ai une troisième demande à vous faire, mais je l’oublie. La plus importante est celle de M. de Brou; parlez-en à Larcy avec instance, de ma part.

Me permettez-vous de vous dire que je n’ai pas apprécié votre ordre du jour pur et simple. Je pense sur Thiers plus mal que vous, mais votre démarche a été un de ces expédients auxquels je voudrais vous voir renoncer. Après cela, surveillez dans l’Union nationale une lettre de moi, si elle la met à propos de l’Université. Je vous l’enverrai. Voulez-vous que je vous parle avec franchise? Brignac(1), qui vous aimait peu jadis, vous prend en passion et je trouve que lui et vous devez réformer le Gard et l’Hérault, et, de là travailler à autre chose. Brignac a un bel avenir ou plutôt l’aurait-il s’il était ambitieux. Je le chauffe tant que je puis. Cultivez-le; c’est un puissant, sérieux et surtout loyal auxiliaire.

Autre chose des plus importantes. Un cardinal m’écrit de Rome que l’on voudrait bien voir la question du Pape agitée à l’Assemblée. Pourquoi n’aborderiez-vous pas cette question? Elle vous ferait une place bien belle. Après le manifeste du comte de Chambord(2), qu’a-t-on à craindre? Je pense qu’il y a quelque chose à faire de très bon là-dessus et que vous pouvez le faire. Pourquoi pas une interpellation bien préparée?

Quant à l’instruction publique, je maintiens qu’il y a en ce moment nécessité de la destruction radicale de l’Université. L’Université est le despotisme. Veut-on favoriser les enfants des fonctionnaires ou autres? Qu’on leur donne des bourses, leur laissant le soin de choisir les établissements où ils les dépenseront. L’Université, c’est le chaos. Quelle doctrine peut-elle avoir? Aussi on vient de changer les professeurs du lycée de Nîmes, rédacteurs du Gard républicain(3). En vertu de quel droit? Parce qu’ils sont républicains? Ne sommes-nous pas en République? Parce qu’ils ne sont pas catholiques? N’y a-t-il pas des protestants à Nîmes? Quel est le credo universitaire? L’institution n’a pas, ne peut pas avoir de symbole, et vous voulez, pour les agents de l’institution, en avoir un? Et sans symbole que pourrez-vous enseigner, sauf la musique et la danse? Et encore! Selon les symboles, la musique et la danse varieront à coup sûr.

N’oubliez pas que je vous ai demandé la légion d’honneur pour M. Correnson, pour les services gratuits qu’il a rendus à l’ambulance du patronage.

Adieu. Mille choses aux vôtres. Croyez-moi, appuyez-vous toujours sur les grands principes. Qui a fait la magnifique lettre du comte de Chambord?

Totus tibi et tuissimus.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Raymond de Brignac fut élève à l'Assomption de 1849 à 1852, son frère Jules de 1849 à 1858. Ce dernier est avocat. Tous deux habitent Montpellier. Baragnon lui-même a été élève à l'Assomption de 1844 à 1852.
2. Sa lettre à Carayon-Latour du 8 mai. Le comte de Chambord se déclarait prêt à intervenir pour obtenir d'efficaces garanties à l'indépendance de la papauté. La question romaine sera effectivement abordée à l'Assemblée mais, le 22 juillet, la pétition des évêques (celle qu'un certain nombre d'entre eux avaient signée), réclamant l'intervention du gouvernement pour le rétablissement du pouvoir temporel du pape, fut renvoyée au ministre des Affaires étrangères "pour un examen attentif et bienveillant" et l'on passa à l'ordre du jour. Cela mettait fin à la discussion et, avec un chef de gouvernement tel que Thiers et un ministre des Affaires étrangères tel que M. de Rémusat, qui succédait à Jules Favre, équivalait à enterrer la question (HANOTAUX, *Hist. de la France contemp.*, I, pp. 245-247).
3. *Le Gard républicain*, quotidien radical, parut à Nîmes du 22 novembre 1870 au 24 janvier 1874.