DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 71

26 may 1871 Lavagnac MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Auteuil après la Commune – Nous marchons vers la barbarie antichrétienne, fille de la libre-pensée bourgeoise – Conséquences de la situation actuelle pour vos Soeurs et leur action – Gravité du moment.

Informations générales
  • DR09_071
  • 4299
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 71
  • Orig.ms. ACR, AD 1588; D'A., T.D.24, n.1095, pp.136-137.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 ANTICLERICALISME
    1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 ATHEISME
    1 BOURGEOISIE ADVERSAIRE
    1 COMMUNARDS
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 FRANCAIS
    1 GUERRE CIVILE
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMMEUBLES
    1 LIBRE PENSEE
    1 MAL MORAL
    1 MORALISATION DU PAUVRE
    1 OEUVRES OUVRIERES
    1 PASSIONS
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SALUT DES AMES
    1 SOCIETE
    1 VERTU DE FORCE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 PICARD, FRANCOIS
    3 FRANCE
    3 LAVAGNAC
    3 LYON
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Lavagnac, le 26 mai 1871.
  • 26 may 1871
  • Lavagnac
La lettre

Ma chère fille,

Je suis encore à Lavagnac pour quatre ou cinq jours. A moins de m’y répondre sur le champ, vous pouvez désormais m’écrire à Nîmes.

J’ai été épouvanté hier, en voyant qu’Auteuil était dans le plus effroyable état, mais une lettre du P. Picard, de la veille de l’assaut, m’a un peu rassuré, quoique je craigne bien que les communeux ne vous aient causé bien des destructions. Quoiqu’il en soit, il me semble que ces épouvantables désordres doivent être étudiés, moins à cause du mal matériel qu’ils ont produit que du mal moral qu’ils dénotent. Nous marchons vers la barbarie antichrétienne, mais ce qu’il y a de plus affreux, c’est que les misérables qui ont commis toutes ces horreurs sont précisément des logiciens rigoureux qui tirent impitoyablement les conséquences des principes posés par la libre-pensée bourgeoise. Nous voyons des gens qui prennent la morale, comme on la leur a enseignée, plus ce qu’elle avait d’utile à leurs passions.

Eh! bien, je me demande si nous n’avons pas à faire quelque chose et même beaucoup pour le moment. Par exemple, dans les entretiens avec les jeunes personnes, ne pourrait-on pas leur faire voir que la conduite des insurgés est la conséquence des idées répandues dans le monde sur le plaisir, le bien-être, les aspirations vers le monde supérieur, puis de leurs devoirs envers les classes inférieures, de la nécessité de s’en occuper partout, dans les villes, et aux champs? Il me semble que vous devez donner à vos Soeurs une impulsion toute nouvelle à ce point de vue là. D’autre part, il serait bien possible que vos relations avec les Soeurs de Saint-André et d’autres qui s’occupent davantage du peuple fussent voulues de Dieu, afin que par elles vous pussiez faire ce qui est moins le but de votre Association religieuse.

Je vous conjure de réfléchir là-dessus. Il faut moraliser les classes supérieures, mais si nous ne favorisons pas directement ou indirectement, et autant que nous le pourrons, la conversion des classes populaires, la société est perdue. Les Français, à Paris, ont fait autant et plus que les barbares pillant Rome. Encore une ou deux invasions de cette espèce, et c’en est fait de la France, et, avec la France, d’une partie du monde. Nos devoirs sont, à mes yeux, extrêmement graves, et je vous avoue qu’à mon avis il n’y a pas de temps à perdre.

Restez-vous à Lyon, retournez-vous bientôt à Paris? Vous me l’écrirez, n’est-ce pas? Que Notre-Seigneur vous donne la force de supporter la vue des ruines qui peut-être vous attendent, et, mille fois vôtre du fond du coeur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum