DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 75

27 may 1871 Lavagnac, SAINT_GERMAIN Antoinette-Marie ra

« Celui qui n’est pas tenté, que sait-il ? » – Partez dès qu’on vous fera signe – L’énergie des religieuses d’Auteuil – Les expiations nécessaires – « Allez ».

Informations générales
  • DR09_075
  • 4303
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 75
  • Orig.ms. ACR, AL 267; D'A., T.D.36, n.2, p.2.
Informations détaillées
  • 1 COMMUNE
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 FLEURS
    1 GUERRE CIVILE
    1 NOTRE-SEIGNEUR
    1 POLONAIS
    1 PRISONNIER
    1 PURIFICATION
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RUSSES
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TENTATION
    1 THEOLOGIE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 DEROUDHILE, MARIE-SERAPHINE
    2 DOMBROWSKI, JAROSLAV
    2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PUSTOJTOW, HENRIETTE
    3 PARIS
  • A MADEMOISELLE MADELEINE DE SAINT-GERMAIN
  • SAINT_GERMAIN Antoinette-Marie ra
  • 27 mai 1871.
  • 27 may 1871
  • Lavagnac,
La lettre

Ma bien chère enfant,

Le Saint-Esprit a dit: « Celui qui n’a pas été tenté, que sait-il? » Eh! bien, Notre-Seigneur permet que vous soyez tentée, afin que vous puissiez acquérir la science des saints. C’est très douloureux, mais vous n’avez pas à vous en inquiéter le moins du monde. Rappelez-vous que je prends tout sur moi, que je réponds de vous devant le bon Dieu. Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de partir dès que l’on écrira que l’on vous attend. Figurez-vous que les quelques heures qui ont précédé l’assaut ont été terribles pour les religieuses restées à Auteuil. On les a retenues prisonnières pendant assez longtemps(1). Grâce à Dieu, elles ont montré une grande énergie, mais d’ici à longtemps le péril est conjuré.

Quant à moi, je suis bien convaincu que nous avons besoin d’offrir à Dieu de grandes expiations, et que le bonheur de s’offrir comme une victime doit toucher le coeur d’une petite vierge comme vous. Car, que pouvez-vous offrir de plus beau à Notre-Seigneur que votre lys? Quoique l’on puisse dire, vous savez bien que ce n’est pas moi qui vous ai poussée. Je vous ai écoutée, je vous ai engagée à devenir meilleure. Mais quel mal y a-t-il là? Vouliez-vous que je vous dise: « Ma fille, vous êtes très bien comme vous êtes, ne changez pas? » Vous comprenez bien que vous vous seriez demandée si j’avais le sens commun. Maintenant, que de nos conversations soit résultée pour vous la pensée de vous donner à Notre-Seigneur, ce n’est pas à moi, c’est à Notre-Seigneur lui-même qu’il faut aller s’en plaindre.

Croyez-moi, mon enfant, allez avec courage, marchez bonnement et simplement. Mais, de même que je vous disais, il y a quelque temps: « Attendez », aujourd’hui, je vous dis sans aucune crainte: « Allez ». Je réponds de vous, pourvu que vous ne gaspillez pas votre vocation en inutiles délais.

Adieu, ma chère enfant, et mille fois à vous en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Les R.A. d'Auteuil passèrent en effet par des moments tragiques. Elles n'eurent cependant à déplorer aucune perte en vies humaines mais bien des dégats matériels importants. Elles durent leur salut à la détermination de Mère M.-Séraphine leur supérieure, à l'aide de personnes amies, dont le P. Picard, et à leurs liens d'ancienne date avec les milieux polonais de Paris. C'est ainsi que la protection de Mlle Henriette P. les sauva du pire. Mlle Henriette avait jadis, dans la résistance aux Russes, rendu des services signalés à Dombrovski. Or Dombrovski était devenu commandant des troupes du front ouest puis général en chef de la Commune. Alors que les Soeurs et Henriette avec elles étaient retenues prisonnières, cette dernière put faire passer un billet à Dombrovski qui se rendit le plus vite qu'il put au Comité de salut public et exigea leur libération. Comme on refusait de lui donner satisfaction, il menaça de donner sa démission. On céda en grommelant :
- On voit bien que ce n'est pas Dombrovski qui commande, c'est Mlle Henriette...
- Certainement, répliqua Dombrovski, et elle a des droits, car elle a commandé des soldats avant moi! (V. de P. Bailly à Mère M.-Eugénie, 19 mai).
Cela se passait le 16 mai. Le 23, Jaroslav Dombrovski fut mortellement blessé devant une barricade. Et tandis qu'on l'emportait on l'entendit murmurer : "Et ils disent que je les ai trahis!"
Mère Marie-Eugénie ignorait cette fin tragique quand, le 24 mai, répondant au P. Bailly, elle disait son désir de marquer la reconnaissance que les Soeurs portaient à Dombrovski, en intervenant pour lui quand il passerait en justice...