DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 82

1 jun 1871 Lavagnac BAILLY_VINCENT de Paul aa

Paris – Martyrs ou victimes ? – Les libéraux catholiques – Mère Séraphine – Les orphelins – Le remords de n’être pas fusillé – Le P. Halluin – Notre université.

Informations générales
  • DR09_082
  • 4312
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 82
  • Orig.ms. ACR, AG 288; D'A., T.D.27, n.283, pp.237-239.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ASSOMPTIONNISTES
    1 CATHOLIQUE
    1 HABITUDES
    1 JOIE
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 LUTTE CONTRE LE MAL
    1 MARTYRS
    1 MIRACLE
    1 ORPHELINS
    1 PEUR
    1 PURIFICATION
    1 REPOS
    1 SANTE
    1 UNIVERSITE SAINT AUGUSTIN
    1 VERTU DE FORCE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BAILLY, BERNARD
    2 DEROUDHILE, MARIE-SERAPHINE
    2 GOURAUD, HENRI
    2 HALLUIN, HENRI
    2 MAUBON, JOSEPH
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ARRAS
    3 LAVAGNAC
    3 MIDI
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, RUE DES SAINTS-PERES
    3 PARIS, RUE FRANCOIS Ier
    3 PARIS, RUE TARANE
    3 VIGAN, LE
  • AU PERE VINCENT DE PAUL BAILLY
  • BAILLY_VINCENT de Paul aa
  • Lavagnac, 1er Juin [18]71.
  • 1 jun 1871
  • Lavagnac
La lettre

Mon bien cher ami,

Je pense que, puisque vous m’écrivez de Paris, c’est que vous y êtes définitivement fixé. Si pourtant vous avez envie de revenir à Nîmes, c’est à bras ouverts que vous seriez reçu. Que devient votre frère(1)? N’a-t-il pas besoin de repos? Si le Midi lui était agréable, le Vigan lui tend ses ombrages; mais le Midi dans l’été a peu d’agréments. Enfin, dites-lui bien que je serais très heureux de le voir et que je l’ai pris en très vive affection.

Je compte sur votre amabilité pour me donner des nouvelles. Si vous alliez voir un jour M. Gouraud(2) de ma part, vous seriez bien aimable. Vous lui diriez que j’ai eu une peur très grande pour lui, à cause de ce que l’on m’a dit de quelques maisons de la rue des Saints Pères, à la hauteur de la rue Tarane. J’apprends avec joie que la maison Veuillot a été épargnée.

Il me semble que la situation de Paris doit changer, excepté que la force de l’habitude ne ramène les provinciaux à Paris. Que de positions détruites! Que de fortunes ruinées! et, qui sait? Paris va peut-être se relever plus laborieux, plus intrigant, plus agioteur, plus enrichi, plus élégant, plus impie. Mais les catholiques ne verront-ils pas la position qui leur est faite? Et comment tous ces religieux, ces prêtres fusillés, que l’on appelle martyrs, ne sont peut-être que des victimes, à qui était fort nécessaire la purification par leur propre sang, à cause de leurs idées, bien entendu. Je vous conjure de suivre très attentivement le mouvement des libéraux catholiques. Ils doivent pourtant être terriblement mâtés. Si j’avais de l’argent, je me réabonnerais au Correspondant, qui doit avoir mis de l’eau dans son vin. Enfin, tout cela m’intéresse au suprême degré.

Je vous prie de faire mes compliments très particuliers à la Mère Séraphine, elle a fait preuve d’un admirable courage et d’un prodigieux sang-froid. Que deviennent les orphelins? Le P. Hippolyte a des idées si arrêtées sur cette question que je préfère les lui abandonner. Cela me permettra de m’occuper un peu plus de l’université. J’espère avoir quelques hommes pour commencer. J’ai prolongé mon séjour à Lavagnac jusqu’à lundi prochain(3), répondez- moi à Nîmes.

Et le P. Picard n’a-t-il pas un remords de n’être pas fusillé? Ca lui manque. Et ne lui dites pas que je suis ravi qu’il ne le soit pas, il pourrait en souffrir. S’il pouvait faire un tour à Arras, je pense qu’il rendrait grand service au P. Halluin, qui me fait l’effet d’être peu content du monde qu’il a. Mais je me demande si jamais le P. Halluin saura ce que c’est que ménager les bons sujets. Je le vois par l’exemple de Frère Joseph, qu’il m’a mis dans un état déplorable de santé.

Quoique je ne sache pas bien quand notre embryon d’université catholique commencera, je le recommande à vos prières. Maintenant une chose qu’il ne faut pas négliger, c’est votre position de religieux de l’Assomption à Paris. Il me paraît que vous avez tout ce qu’il faut pour faire des miracles, soit au point de vue de la charité, soit au point de vue de l’apostolat. Voyez, méditez, priez, consultez beaucoup Notre-Seigneur, et dites-moi ce que vous pensez à cet égard.

Adieu, cher ami. Je compte sur vos nombreuses lettres, quoiqu’à Nîmes je sois exposé à ne pas vous écrire si souvent. Totus tibi in Christo.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Bernard avait pu quitter Paris au début de mai.
2. Le Dr Henri Gouraud, un de ses compagnons d'études à Paris.
3. Soit le 5 juin.