DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 98

5 jul 1871 Le Vigan MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La mort de Marie de Vauguyon – Le noviciat du Vigan – Humiliant besoin de sommeil – Le problème du recrutement – Sombres perspectives pour Rome – Monsieur votre frère.

Informations générales
  • DR09_098
  • 4328
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 98
  • Orig.ms. ACR, AD 1591; D'A., T.D.24, n.1098, pp.139-141.
Informations détaillées
  • 1 CARDINAL
    1 COMMUNARDS
    1 COUVENT D'AUTEUIL
    1 DEPENSES
    1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 ELECTION
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 GUERRE CIVILE
    1 MORT
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 PARLEMENT
    1 PECHE
    1 PENSIONS
    1 POLITIQUE
    1 POSTULANT
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURIFICATION
    1 REPAS
    1 REPOS
    1 RESSOURCES FINANCIERES
    1 SOINS AUX MALADES
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 CAZOT, JULES
    2 DOUMET, MADAME EMILE
    2 DOUMET, MARIE-CATHERINE
    2 DOUMET, PAUL-FRANCOIS
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 LAGET, JACQUES-LOUIS
    2 MILLERET, LOUIS
    2 PIE IX
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VAUGUYON, MADAME DE
    2 VAUGUYON, MARIE DE
    3 AUTEUIL
    3 FRANCE
    3 LYON
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
    3 SAVOIE
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Le Vigan, 5 [juillet] 1871(1).
  • 5 jul 1871
  • Le Vigan
La lettre

Je suis arrivé au Vigan, il y a quelques heures, ma chère fille, et je veux que ma première lettre soit pour vous. Je vous dois une réponse depuis quelques jours, et je tiens à ce que vous sachiez que c’est l’écrasement où je suis à Nîmes qui m’a empêché de vous écrire. Je n’aurais pu vous adresser un mot qu’en courant. Puis, je tenais à vous dire combien ma douleur se joint à la vôtre dans la mort de Marie de Vauguyon(2); non que je regrette une petite âme qui est probablement au ciel, mais je pense à sa pauvre mère, à qui je voudrais bien écrire. Je tâcherai même de lui adresser quelques mots à Lyon, où l’on connaîtra son adresse actuelle. Voilà une petite postulante morte par la permission [de Dieu] loin de vous. Profitez-en pour rendre vos visites moins fréquentes auprès des Soeurs en danger, sans quoi vos forces n’y suffiront pas.

Ici, je trouve un noviciat presque plus nombreux que je ne le voudrais; car, d’une part, je tiens tous les jours davantage à faire un choix, de l’autre, je vois de nombreuses vocations qui se préparent à nous arriver et je ne sais par quel moyen les nourrir. C’est là pour moi une assez grosse préoccupation, et, bien que le P. Hippolyte ait des ressources qu’il ne veut pas me dire, je dois m’inquiéter de ce qui arrivera d’ici à quelque temps.

[Le 6 juillet].

J’ai été, hier, interrompu par le sommeil. Il est humiliant de voir combien j’ai besoin de dormir. Notez qu’il m’a pris à 6 h 1/2 et que j’ai préféré me mettre au lit que de souper.

Je reviens à ce que je voulais vous dire: Voilà quelques prêtres qui s’annoncent comme novices; mais ce qui m’épouvante c’est la médiocrité des jeunes gens que nous avons ici, aussi bien que les dépenses inutiles qu’ils font. Je crois que quand les gens n’apportent pas une pension pour leur noviciat, il faut être extrêmement sévère pour leur capacité. C’est ce qui malheureusement n’a pas assez lieu. En attendant, on dépense sans résultat. Le bon P. Hippolyte est très loin d’être convaincu de cette vérité. J’espère pourtant la lui faire comprendre, mais ce que je voudrais surtout, c’est que quelques hommes un peu capables nous vinssent de Paris. Est-ce que les épouvantables choses qui viennent de se passer ne feront pas comprendre à quelques chrétiens la nécessité de se sanctifier et de s’offrir comme victimes? Ce m’est une très grande humiliation de trouver cette disposition bien plus grande chez les femmes que chez les hommes.

La Savoie commence à payer ce que nous faisons pour elle. Un jeune homme qui a terminé ses études et un jeune prêtre vont nous arriver; il importe de voir comment nous pourrons les nourrir. D’autre part le P. Alexis m’écrit qu’à Rome les plus sombres pressentiments se répandent dans l’âme des bons. On s’attend même à des massacres et le séminaire français semble disposé à plier boutique. Les élèves vont arriver en France, à ce qu’il paraît, au moins pour quelque temps, de façon que, les prophéties aidant, on s’attend à ce que le Pape et les cardinaux seront égorgés. Quant à la France, ce qui m’effraye le plus, c’est de voir la masse des communards élus, après ce qui s’était passé dans Paris(3).

Si j’ai besoin de soins, vous en avez besoin aussi. Nous avions été bien inquiets, sachant que vous étiez souffrante et ne recevant plus ni pour ma part ni au prieuré, des nouvelles d’Auteuil.

Engagez donc M. votre frère à ne pas répéter tout ce que vous lui confiez. Un exemple, entre cinq ou six. Il est allé voir Mme Doumet, et, ne l’ayant pas trouvée, il s’est adressé à Emile pour lui parler de la vocation de sa soeur, comme sachant qu’on en parlait à Auteuil. Cela a mis Amélie dans une fausse position. Il a affiché à Nîmes un napoléonisme qui ne peut pas lui être avantageux. Il n’y attache aucune importance, mais cela se sait et lui nuira dans l’état actuel des choses.

Adieu, bien chère fille. Mille fois vôtre. Je vais faire mon discours de la distribution des prix.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte *5 juin* mais c'est au début de juillet que le P. d'Alzon arriva au Vigan.
2. Marie de Vauguyon, entrée au postulat il y avait à peine un an, venait de mourir novice à Lyon, sous le nom de Sr Marie-Véronique.
3. Sur les 118 sièges à pourvoir à l'Assemblée nationale, plus de 100 étaient allés à des républicains. Les deux sièges de Nîmes notamment avaient été remportés par les républicains Laget et Cazot.