DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 133

Mon cher ami,

J’ai envoyé hier un nouvel abonnement, celui de M. Barret de Brest. Merci d’être allé trouver Monseigneur. Dites au P. Emmanuel que je refuse absolument M. Soulié pour professeur: c’est un prêtre dont lui a parlé M. Imberton(1). A aucun prix je ne l’accepterai.

Quant au programme, faites-le et signez-le Le conseil de rédaction de la Revue(2). Je suis peu capable de le faire. J’en comprends l’utilité, mais je ne vois pas d’autre solution que celle que je vous propose. Croyez que je souffre très durement de me sentir aussi incapable pour le moment. Il faut s’y résigner, cela passera.

Qu’est-ce que cet appel du Comité catholique fait dans l’Univers? Nos Pères y sont-ils pour quelque chose? Ou d’autres sentant l’utilité de la Ligue s’en sont-ils emparés? Je suis prêt à céder devant un Comité capable; mais s’il faiblit, je continuerai ma marche doucement, puisque je ne puis pas grand’chose, mais dans une ligne que je crois la bonne(3).

Mille fois à vous.

E.D'ALZON.

1. Curé de Saint-Baudile à Nîmes.
2. Par un article paru en tête de son numéro d'octobre, la rédaction de la *R.E.C.* proposa un congrès de l'enseignement libre et fit appel au concours de ses lecteurs pour l'établissement du programme et l'organisation pratique de ce congrès (t.1, p.329-330).
3. A ce moment ligues et projets de ligues catholiques de toutes sortes foisonnaient. La *Ligue pour la défense de l'Eglise catholique* rêva de jouer le rôle d'agent fédérateur de toutes ces associations (*Documentation biograph.*, p.875).
Dans ce foisonnement de ligues nous ne pouvons omettre de mentionner la "Confrérie de saint Pierre", née dans les milieux ultramontains belges à la même époque que la "Ligue pour la défense de l'Eglise" du P. d'Alzon. Leur but et les moyens qu'elles préconisaient pour l'atteindre étaient identiques. Le fondateur de la confrérie belge était le comte Joseph de Hemptinne. Elle comptait parmi ses membres Henri et Joseph Desclée, les futurs fondateurs de l'abbaye de Maredsous ainsi que Victor Mousty, ardennais de Saint-Hubert, ancien zouave, régisseur des Desclée, qui, en 1873, eut l'idée de fonder un journal qui serait l'organe des "Croisés de saint Pierre". Le premier numéro de *La Croix*, parut le 6 février 1874; sa dernière livraison porte la date du 4 janvier 1878. Elle était alors dirigée par Henri Derély, Victor Mousty étant mort le 26 décembre 1876. Elle avait préféré se saborder plutôt que de publier un droit de réponse qu'elle estimait injurieux pour la foi chrétienne. Deux ans plus tard, son titre sera repris par le P. d'Alzon. Sur ce sujet voir: [A. COLETTE], *Les origines et les grandes étapes du journal "La Croix"*, pp.477-488, dans *Pages d'Archives*, 3e série, n°7 (octobre 1965); D. MISONNE, *Préhistoire du journal "La Croix". A l'occasion d'un centenaire* dans *Lettre de Maredsous*, 12e année (1983), pp.18-33 et A. SIMON, *L'hypothèse libérale en Belgique*, pp.138-139, Wetteren, 1956.