DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 224

22 nov 1871 Le Vigan GALABERT Victorin aa

Soeur Augustine – Soeur Valérie – La séparation des comptes – Uniformité du costume pour les Oblates – Un peu plus de tenue ne vous irait pas mal – L’hôpital se fait-il ? – A propos de diverses religieuses.

Informations générales
  • DR09_224
  • 4461
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 224
  • Orig.ms. ACR, AJ 239; D'A., T.D.32, n.239, pp.219-221.
Informations détaillées
  • 1 CARACTERE
    1 CHEMIN DE FER
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 COMPTABILITE
    1 COURS PUBLICS
    1 DEFAUTS
    1 FINANCE
    1 HABIT RELIGIEUX
    1 HONORAIRES DE MESSES
    1 HOPITAUX
    1 INDEMNITES D'EXPROPRIATION
    1 NEUVAINES DE PRIERES ET DE PENITENCES
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 OBLATES
    1 POLITIQUE
    1 RELIGIEUSES
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SOINS AUX MALADES
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 VETEMENT
    1 VIE CONTEMPLATIVE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 BADETTI, MARIE-CHRISTINE
    2 BRESSON, JUSTINE
    2 BRUN, AUGUSTINE
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 COURTOIS, ALBERT DE
    2 COURTOIS, MADAME ALBERT DE
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    2 LAMPRE, BARTHELEMY
    2 MALASSIGNE, ATHANASE
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 RICHARD
    2 SARRAN, VALERIE
    2 THIERS, ADOLPHE
    3 ANDRINOPLE
    3 BULGARIE
    3 CONSTANTINOPLE
    3 PARIS
  • AU PERE VICTORIN GALABERT.
  • GALABERT Victorin aa
  • Le Vigan, 22 nov[embre 18]71.
  • 22 nov 1871
  • Le Vigan
La lettre

Bien cher ami,

Il y a des siècles que je ne vous ai écrit; c’est ma faute et non pas la vôtre. Vous êtes un peu plus illisible que moi, et je crois que vous êtes à peu près indéchiffrable pour mes pauvres yeux à la clarté des bougies. Or, je n’ai guère le temps d’écrire que le soir, voilà pourquoi… Tant pis pour Soeur Augustine! Qu’elle attende, jusqu’à ce qu’elle me demande par écrit de les faire, afin que j’aie une preuve qu’elle ne les a faits que sur sa demande positive(1). Malgré ce qui manque à Soeur Valérie, nous sommes enchantés de sa correspondance. Elle a l’esprit d’ordre, de règle, de tenue; quant à la raideur, cela lui passera par le frottement. Je vous félicite de la séparation des comptes; c’est une très excellente mesure. D’autant plus que, plus tard, elles se suffiront, et alors il sera facile de voir ce qu’il faut pour un établissement de religieux. Votre système financier me paraît bon, vous ne ferez pas mal d’en laisser le soin au P. Athanase. Le P. Barthélemy s’y noierait et vous serez plus libre, si vous allez à Constantinople. Vous n’aurez plus qu’à inspecter. On me dit que le chemin de fer va enfin m’exproprier; faites des neuvaines, car je vous donnerai ou je ne vous donnerai rien, selon que l’indemnité sera plus ou moins forte.

Je maintiens ce que j’ai dit des manteaux. Je vous préviens que la supérieure a fait causer Soeur M.-Christine, qui, sans s’en douter, nous a dissuadés de cette innovation par les détails très minutieux où elle est entrée. Ainsi uniformité de costume, voilà ce que j’exige. A propos de Soeur Christine, nous sommes tous les jours plus contents d’elle; ce sera un jour un sujet très précieux. Vous ai-je dit les petites confidences de M. et de Mme de Courtois; ils trouvent qu’un peu plus de tenue ne vous irait pas mal, et, sur ce rapport, ils préfèrent le P. Athanase. Vous savez ce que je pense pour le fond, mais je suis près d’être de leur avis pour la forme(2). L’hôpital se fait-il? Nous pouvons n’envoyer les Soeurs qu’au printemps; nous aurons à vous donner des filles qui auront un peu l’expérience des malades(3). Ainsi, priez encore Dieu pour cela. Il est inutile de pousser Soeur Augustine à quitter, mais il faut lui faire désirer de rester et il faut qu’elle me demande de faire ses voeux, à présent qu’elle a refusé de les faire avec les autres. Ne croyez-vous pas Soeur Justine bien jeune pour commander? Toutefois, vous êtes sur les lieux, mais je vous fais en passant cette observation. Je serai enchanté de voir votre mémoire; vous en garderez la minute et me la ferez copier par une main lisible. Vous êtes bien bon, si vous espérez changer l’esprit de certaines femmes. On se sert de ce qu’elles sont capables de donner, mais souvenez-vous que vous vous heurterez vainement à certains défauts. Cela se trouve de haut en bas. Les hommes ont de très grands défauts, mais pas ceux-là, et tous les mémoires du monde ne changeront pas ceux de vos filles(4). Le bon Courtois me demandait à quoi bon tant de religieuses à Andrinople, pour faire si peu. La supérieure générale le lui a expliqué, mais hélas quand aurons-[nous] des religieuses peu nombreuses faisant beaucoup? Je ne pense pas que la vocation des Oblates soit la contemplation. Il me semble utile de ne les y laisser qu’autant qu’il y a invasion du S. Esprit, et saint Jean de la Croix dit qu’alors le meilleur est, en formant aux vertus théologiques, de ne pas trop faire attention au reste(5).

Le P. Picard m’écrit qu’on annonce à Paris un massacre du 1er au 4 décembre. Je crois peu à ces massacres annoncés, mais il est possible que nous ayons du désordre. M. Thiers fait tout ce qu’il faut pour cela. Je vais m’occuper des honoraires de messes. Adieu, cher ami. Je crois vous avoir répondu à tout. Ici, je prêche deux fois par jour au noviciat; on prend des notes et cela restera comme direction.

Mille choses aux Frères et Soeurs.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Il est question des voeux de Soeur Augustine.
2. Ironie du sort, en ce 22 novembre, au moment où le P. d'Alzon rapporte au P. Galabert - sans aucune dureté, soulignons-le - les confidences de M. de Courtois, ce dernier est en train de faire des confidences dans l'autre sens : au P. Galabert sur le compte du P. d'Alzon. "Il est toujours, écrit de Courtois, le Don Quichotte du bien, de la charité et du catholicisme mais ne comptez jamais sur lui pour constituer un présent et fixer, limiter un avenir, une oeuvre. Il conçoit mais c'est à vous que la gestation et la parturition et surtout l'allaitement appartiennent. Il m'a fait, comme je vous l'ai dit, des *comptes* fantastiques de sa fortune. Mais où et quand la réalisation, la liquidation, l'épuration ? Dieu seul le sait..."
Un mois plus tôt, après avoir rencontré le P. d'Alzon au banquet des anciens du 17 octobre, de Courtois avait écrit au P. Galabert : "Le P. d'Alzon est toujours disposé à donner une *vive impulsion* à votre mission et il prétend que dans quelques mois il pourra disposer en votre faveur d'une somme assez importante. Il ne se préoccupe nullement de votre détresse et de l'incertitude dans laquelle vous êtes; il prétend que vous en retirez de grands profits, que c'est une excellente école; pour vous c'est possible, mais pour les enfants, c'est autre chose. *Le P. Galabert était beaucoup trop habitué à compter sur moi, il faut qu'il apprenne à compter sur lui et sur la Providence.* Il me semble que vous comptez déjà depuis longtemps sur cette dernière; du reste vos comptes sont généralement très simples" (vers le 20 octobre).
3. Expérience acquise au service de l'ambulance du patronage pendant la guerre franco-prussienne. Le P. Galabert (rappelons qu'il était médecin) espérait pouvoir réunir la somme nécessaire pour commencer un hôpital à Andrinople. "Je serais très heureux que notre première maison à nous en Bulgarie fût celle des pauvres" (au P. d'Alzon, 19 octobre). Un négociant français, M. Richard, excellent homme, très actif et disposant de nombreux capitaux, avait pris l'affaire à coeur et était disposé à aller de l'avant. Il est fâcheux, écrivait Galabert, "que cet homme au coeur honnête et loyal soit gâté par les mauvaises idées socialistes de nos jours" (2 novembre). "Heureusement, écrivait de son côté M. de Courtois, que les actions de notre commun ami, j'allais dire communeux, valent mieux que ses paroles et que son galimatias qu'il décore du nom de principes" (à Galabert, 20 novembre). Le 7 décembre, le P. Galabert écrira au P. d'Alzon que M. Richard s'occupait activement de trouver une maison "où l'on puisse d'abord installer l'hôpital et assez grande pour devenir peu à peu le centre de notre oeuvre". Une souscription était ouverte parmi le personnel de la compagnie française qui construisait le chemin de fer. M. Richard achèterait la maison, ferait toutes les avances nécessaires "et nous nous arrangerons toujours, dit-il, pour les paiements". Cependant les inondations d'une part, le ramadan de l'autre, retardaient la conclusion de l'affaire.
4. Echo, empreint d'une philosophie résignée, aux plaintes du P. Galabert dans sa lettre du 2 novembre (v. *Lettre* 4420, n.4). Dans cette même lettre, le P. Galabert disait qu'il se proposait d'écrire un jour un mémoire sur la question.
5. Voir *Lettre* 4416 et n.4.