DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 260

26 dec 1871 Nîmes AA_ROME

L’expropriation – Je voudrais bâtir à la Valette – Clairons républicains – Rossel – Benoît d’Azy – Mort de Mme Baragnon – Pratique religieuse et politique à Nîmes – Varia.

Informations générales
  • DR09_260
  • 4504
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 260
  • Orig.ms. ACR, AK 246; D'A., T.D.33, n.26, pp.169-171.
Informations détaillées
  • 1 ARMEE
    1 CLERGE NIMOIS
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 ELECTION
    1 EXPROPRIATIONS
    1 FONCTIONNAIRES
    1 FRANCHISE
    1 FUNERAILLES
    1 IMMEUBLES
    1 INDEMNITES D'EXPROPRIATION
    1 LIVRES
    1 MESSE DE MINUIT
    1 NOEL
    1 PAPE
    1 PARLEMENT
    1 POLITIQUE
    1 RECONNAISSANCE
    1 REPUBLICAINS ADVERSAIRES
    1 REVENUS DE PROPRIETES
    1 SAINTE COMMUNION
    1 TOMBEAU
    1 VENTES DE TERRAINS
    2 BARAGNON, MADAME MARIE-NUMA
    2 BARAGNON, NUMA
    2 BENOIT D'AZY, MADAME PAUL
    2 BENOIT D'AZY, PAUL
    2 BLANCHARD, ADOLPHE
    2 BOBBIO, ABBE
    2 BOYER, LES
    2 BRICHET, HENRI
    2 COURT, GENERAL
    2 DAUDE DE LAVALETTE, HENRI
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FAVATIER, JEAN
    2 FAVATIER, MADAME JEAN
    2 FAVATIER, PAUL
    2 FERRE, CHARLES-THEOPHILE
    2 FERRET, JULES
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GREVY, JULES
    2 LAGET, JACQUES-LOUIS
    2 LHERISSON, CLAUDE
    2 MERIGNARGUES, JULES DE
    2 PETIT, COLONEL
    2 PIE IX
    2 PIEYRE, ADOLPHE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 ROSSEL, LOUIS-NATHANIEL
    2 ROUCH, AVOCAT
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 THIBON, LOUIS
    3 ALLEMAGNE
    3 ARRE, RIVIERE
    3 BAS-RHIN
    3 BOUCHES-DU-RHONE
    3 GARD, DEPARTEMENT
    3 JURA, DEPARTEMENT
    3 NIMES
    3 NIMES, EVECHE
    3 PARIS
    3 PRUSSE
    3 ROME
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
    3 SEINE, DEPARTEMENT
    3 VERSAILLES
    3 VIGAN, LE
    3 VIGAN, PROPRIETE LAVALETTE
  • AUX RELIGIEUX DE ROME
  • AA_ROME
  • Nîmes, 26 décembre [18]71.
  • 26 dec 1871
  • Nîmes
La lettre

Mes chers fils,

Je vous écris à tous les trois(1) et pour vous remercier de vos voeux, et, parce que n’ayant rien de particulier à dire à chacun de vous, une lettre collective me permettra de vous parler plus longuement.

1° Je suis exproprié et l’on m’a pris trois hectares paya[bles] 175.000 francs(2). J’espère vendre une hectare restante 100.000 à 150.000 francs, et me refaire de ce que je perds de revenus par la plus-value du reste des terres, de l’autre côté de la rivière. Votre haute intelligence a compris que je voulais parler du Vigan.

2° Je voudrais bâtir à la Valette, le P. Hippolyte s’y oppose. Que faire en face de son opposition? Mais enfin j’espère que Dieu permettra que nous puissions un jour donner plus de développement à la maison de Rome, quand les choses auront repris leur assiette.

3° Figurez-vous que le commandant de place de Nîmes s’est ému, que le général s’est troublé. Nous avons des clairons. Ces clairons sonnent. Quand ils sonnent, on ne les voit pas, le bruit n’étant pas fait pour être vu, mais on les entend, ce qui est bien différent et fort grave. Donc le commandant de place Petit et le général Court y ont écrit au maire pour faire cesser nos clairons. Or, il s’est trouvé que ces clairons n’étaient pas nos clairons; c’étaient d’autres clairons, des clairons qui troublaient les officiers allant au théâtre. Savez-vous ce qu’étaient ces clairons? Des clairons républicains, de la petite garde républicaine. Et à propos de République je vous dirai:

4° Que le corps de Rossel est arrivé, qu’on a voulu l’honorer, qu’on ne l’a pas pu, qu’on a porté des couronnes sur sa tombe, que le maire les a fait enlever, qu’on a annoncé qu’il y aurait du bruit, qu’il n’y en a point eu, que certaines gens en veulent, que d’autres n’en veulent pas de peur que cela nuise aux élections révolutionnaires. Aussi les bons espèrent-ils qu’il y en aura(3).

M. Benoist d’Azy, le mari de la matriarche, se porte député chez nous(4). Dans une réunion où j’étais, il demanda la permission de dire qu’il n’était [pas](5) l’homme de l’évêché. Je lui fis demander si, pour plus de franchise, il voulait que l’évêché déclarât qu’il n’était pas son homme. Il vint en toute hâte déclarer que ses paroles avaient un autre sens et que, si l’évêché ne le soutenait pas, il se retirerait aussitôt.

5° Numa Baragnon a perdu sa femme, ma cousine, soeur de Daudé. Il est venu communier à la messe de minuit, et je dois dire qu’il était sur un banc, en face de moi; sa tenue a été admirable. C’est bon à dire. Sa position est si belle à la Chambre que Grévy l’a, de lui-même, inscrit pour répliquer à Gambetta(6); quand celui-ci fera son premier discours, Numa a un discours prêt pour le Pape.

6° L’abbé Thibon a été enterré la veille de Noël, après une maladie de sept mois. Veuillez le dire aux Messieurs du séminaire français(7), à qui je souhaite la meilleure année possible. Veuillez dire au P. Brichet ou au P. Freyd que leur M. Bobbio est un fameux original, excellent prêtre, mais à mille lieues de ce qui sent l’esprit français.

7° Que vous dirai-je encore? Que [le] Fr. Claude sort de chez moi et qu’il se mord les doigts de nous avoir quittés. Ceci est un peu tant pis pour lui.

8° J’ai vu, il y a deux jours, les parents du P. Paul, ils vont bien.

9° Quant au mouvement général, à Nîmes, il a été bon. Les communions de Noël ont été plus nombreuses que depuis longtemps, et quant à la politique de Nîmes, les Boyer baissent pavillon devant Numa. Il n’a plus contre lui que l’inventeur de la poudre, Jules de Mérignargues. A ce point de vue plus général, il y a positivement réveil dans le département et réveil aussi dans la Chambre.

Adieu, chers amis. Je vous souhaite une bonne année. Je vous conjure de bien prier pour notre Congrégation. Quant au jeune homme dont parle le P. Alexis, il y a trop de prêtres à Nîmes; nous ne savons qu’en faire.

Mille fois à vous en N.-S.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Je voudrais bien que l'on m'envoyât la continuation des Actes de Pie IX, dont j'ai les premiers volumes et dont quelques livraisons ont dû arriver pour moi au séminaire français.1. Alexis Dumazer, Paul Favatier, Jules Ferret.
2. Le P. d'Alzon espérait plus... Sans doute a-t-il le droit de faire appel de la décision du jury mais Me Rouch, son avocat, et leurs amis sont d'avis de s'en tenir là. D'ailleurs les protestants de la ville disent qu'on lui a donné 50 000 francs de trop et les catholiques estiment qu'il a été largement payé et que de toute façon les propositions de la Cie ont été largement dépassées (lettres du P. Hippolyte du 15 et du 17 décembre). Evidemment la somme allouée ne reviendra pas entièrement au P. d'Alzon. Il y a les frais, l'avocat par exemple, et aussi de ces imprévus dont on se passerait volontiers comme "le rachat du droit de foire à la ville du Vigan", pour lequel M. d'Alzon devra débourser 6 000 francs. La ville possédait en effet un droit de stationnement, lors de la foire du 22 septembre, sur la pièce n°153 appartenant au P. d'Alzon. Une partie de cette pièce ayant été expropriée pour l'établissement du chemin de fer, la ville se trouve privée de ce droit et M. d'Alzon doit la dédommager. A ce débours il faudra encore ajouter celui de 396 francs pour l'enregistrement de l'acte... (ACR, EG 39).
3. Louis-Nathaniel Rossel était un jeune officier originaire de Nîmes. Il appartenait à une famille calviniste. Il crut servir la cause de la guerre à outrance contre la Prusse en prenant le parti de la Commune de Paris dont il devint le délégué à la guerre. Tombé aux mains des Versaillais, il fut jugé, condamné à mort le 8 septembre et fusillé le 28 novembre en même temps que Ferré. Le corps rendu à la famille arriva à Nîmes le 19 décembre et fut immédiatement inhumé. Il n'y eut pas de troubles sérieux. Quelques personnes qui s'étaient rassemblées au cimetière furent rapidemant dispersées par la police lorsqu'un orateur eut entrepris de les haranguer (PIEYRE, o.c., t.3, pp. 110-111).
4. Encore des élections! Décidément on n'en finissait pas de voter dans le Gard... Laget, candidat républicain élu le 27 juillet, avait vu son élection invalidée pour avoir exercé depuis moins de six mois la charge de préfet du Gard. On allait donc remettre ça le 7 janvier 1872. Laget était à nouveau le candidat républicain tandis que Paul Benoist d'Azy, écarté de la liste des conservateurs en juillet parce que suspect de libétalisme, était cette fois leur candidat (PIEYRE, o.c., t.3, pp. 137-138). - Paul Benoist d'Azy se trouvait à Rome à l'époque du concile (Dict. Biogr. Fr.). Appelée ici "matriarche" par le P. d'Alzon, Mme Benoist d'Azy devait être de ces dames qui soutenaient avec ferveur Mgr Dupanloup (v. *Lettre* 3355 et n.1).
5. Le ms. a *ni*.
6. Jules Grevy (1807-1891), député du Jura, était président de l'Assemblée nationale. - Léon Gambetta (1838-1882) avait été élu par neuf départements en février. Partisan de la guerre à outrance, il avait opté pour le Bas-Rhin mais ce dernier ayant été cédé à l'Allemagne, il avait perdu son siège. Le 2 juillet, il fut élu par les Bouches-du-Rhône et la Seine et opta pour cette dernière. Il venait de créer un groupe parlementaire d'extrême-gauche, l'*Union républicaine*.
7. L'abbé Thibon était bien connu des Pères du Séminaire français où il avait séjourné avec Mgr Plantier pendant le concile.