DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 347

25 apr 1872 Nîmes DUMAZER Alexis aa

L’affaire Veuillot – La confrérie de la ceinture – Vous ne retounerez plus à Rome l’an prochain – Les miracles de l’Espérou – Une crise menace.

Informations générales
  • DR09_347
  • 4590
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 347
  • Orig.ms. ACR, AK 247; D'A., T.D.33, n.27, pp.171-173.
Informations détaillées
  • 1 ARMEE
    1 BATEAU
    1 CATHOLIQUE
    1 CHAPELET
    1 CHAPELLE
    1 COLERE
    1 CRITIQUES
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DIPLOMATIE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 GALLICANISME
    1 LIVRES
    1 MAUX PRESENTS
    1 MIRACLE
    1 NOTRE-DAME DES CHATEAUX
    1 OBLATES
    1 PAPE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REPAS
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SALUT DES AMES
    1 TRISTESSE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BENOIT D'AZY, MADAME PAUL
    2 BENOIT D'AZY, PAUL
    2 DAUM, JEAN-PIERRE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 PIE IX
    2 THIERS, ADOLPHE
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 ESPEROU, L'
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 ROME
    3 ROME, SEMINAIRE FRANCAIS
  • AU PERE ALEXIS DUMAZER
  • DUMAZER Alexis aa
  • Nîmes, le [25 avril 18]72(1).
  • 25 apr 1872
  • Nîmes
La lettre

Mon bien cher ami,

Vos lettres nous intéressent au plus haut degré et je vous conjure de nous écrire souvent. Comme vous, nous avons été très attristés du coup que le Saint-Père a cru devoir porter à l’Univers. Il faut qu’un général soit dans un bien grand péril pour se croire obligé de tirer sur ses propres troupes, et il faut que Pie IX compte bien sur ses vrais défenseurs pour les livrer lui-même aux insultes de l’ennemi. Voilà ce que disent les catholiques les plus calmes. Du reste, le coup était prévu dans le monde du Français(2). J’ai été forcé d’aller dîner chez Paul Benoist d’Azy, mari de la matriarche. Père Daum vous contera ses prouesses. Elle ne cessa pas de me combler des éloges de Pie IX. En homme bien élevé, je ne répondis pas; mais quand le soir les petites filles vinrent me tendre la main avant de se coucher: « Oh! mes enfants, leur dis-je, je suis trop gallican pour toucher la main aux demoiselles ». Je crois qu’elle comprit(3). L’essentiel est que Pie IX comprenne ou sont ses vrais amis. Le card[inal] Ant[onelli] me fait l’effet de [ne] s’en pas douter. Mais la diplomatie ne se doute de rien.

Enfin, voici quelques noms à porter à Saint-Augustin pour les faire inscrire dans les registres de la Confrérie de la ceinture(4). Les personnes ont été reçues avec les pouvoirs convenables. Pourrait-on ériger une Confrérie, à Nîmes, de la dite ceinture, chez les Oblates ou plutôt dans leur chapelle pro tempore? Pourrait-on me renouveler la permission de bénir les chapelets? A Paris, d’où j’arrive, je vois une vraie résurrection de la vie catholique. Cette résurrection ne sera-t-elle pas entravée par le triomphe de M. Dupanloup? Je le soupçonne fortement, mais le Pape sait ce qu’il fait.

D’après ce que m’ont dit les gens très bien informés, je crois [qu’il] serait imprudent de retourner l’an prochain à Rome. Vous n’y retournerez donc pas et vous ferez bien d’en rapporter les livres que nous y avons. Vous pouvez même faire expédier à l’avance ceux dont vous n’avez pas besoin. Je crois que la voie des paquebots est la moins chère.

Savez-vous qu’à l’Espérou il y a déjà trois miracles(5), dont un suivi de l’abjuration du mari et du fils, protestants, de la femme miraculée? Le P. Emmanuel est aux Châteaux, mais pour peu de jours. Je vous dispense du discours, restez tranquille. Que pense le P. Freyd de la situation? pour moi, je suis convaincu que nous allons à une épouvantable crise, si une prochaine catastrophe ne précipite les événements. Thiers est très ébranlé. Un médecin très habile a dit qu’il ne verrait pas la fin de l’été. A la Revue des Deux-mondes, on voit arriver lentement mais fatalement le rouge. A Paris, il y a un très bon mouvement, mais à côté il y en a un affreux.

Adieu et tout vôtre en N.-S.

E. D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le manuscrit porte *25 mars*, mais le P. d'Alzon n'est revenu de Paris à Nîmes que le 16 avril.
2. Les ACR possèdent un certain nombre de lettres ayant trait à l'affaire Veuillot. Celles d'Alexis Dumazer sont particulièrement dignes d'intérêt. Ce dernier vivait à Rome au Séminaire français. Il transmettait au P. d'Alzon ou au P. Picard, qui en faisaient part à Veuillot, de nombreuses informations, qu'il tenait en grande partie du P. Freyd, supérieur du séminaire, religieux spiritain bien introduit au Vatican. Ces informations concernaient l'état des esprits dans les milieux romains, les intrigues, les sentiments du pape etc... A côté des lettres du P. Alexis, mentionnons aussi deux lettres de Veuillot lui-même au P. Picard et citons ici quelques mots de celle qu'il lui adressa vers le 19 avril : "Voici une lettre que votre Père qui est à Nîmes vous fait passer par moi. Il me l'a envoyée pour que j'en eusse plus tôt connaissance. Ah l'aimable coeur! Je vous la transmets bien vite parce que la situation est palpitante. Pour moi, je ne palpite plus et je trouve qu'après tout il n'y a rien de changé, sinon que je dois finir par avoir une tache de moins, étant lavé à l'eau forte par une main qui fait ce que Dieu veut, même quand Dieu ne veut pas la façon dont elle le fait, car enfin il y a un *totalement* qui frotte, à mon avis, trop totalement. Dans le moment qu'on l'imbibe, la tache paraît davantage, mais il faudra voir au sec. - Pour ce *totalement* qui coûte tellement à Veuillot, voir *Lettre* 4582, n.1, où nous l'avons souligné.
3. Pendant le concile, dans les salons de la bonne société romaine et étrangère, des clans féminins s'étaient formés. On appelait ces dames les "mères de l'Eglise" ou les "matriarches". Celle dont il est question ici militait, on l'a compris, dans le camp de Mgr Dupanloup.
4.Confrérie augustinienne sous le patronage de N.-D. de Consolation. Voir *Lettre* 960, n.12.
5. Un de plus que le 12 avril. Voir *Lettre* 4580.