DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 451

dec 1872 Nîmes CARLE Abbé

La centralisation des bonnes oeuvres dans Paris.

Informations générales
  • DR09_451
  • 4715
  • DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 451
  • Minute ACR, CV 16-17; D'A., T.D.48, pp.438-439; publiée par la *Semaine religieuse de Nîmes*, 8e année, n° 42 (8 décembre 1872), pp. 497-498.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 ARMEE
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CERCLES CATHOLIQUES
    1 CERCLES OUVRIERS
    1 CONGRES DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE
    1 CRITIQUES
    1 DESPOTISME
    1 INDUSTRIELS
    1 LIBERTE
    1 NIHILISME
    1 PARESSE
    1 PUBLICATIONS
    1 RESPECT
    1 UNION DES COEURS
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 VERITE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 AVRIL, ADOLPHE D'
    2 LEVILLAIN, PHILIPPE
    2 MUN, ALBERT DE
    3 FRANCE
    3 PARIS
    3 POITIERS
  • A MONSIEUR L'ABBE CARLE
  • CARLE Abbé
  • [Nîmes, le 8 décembre 1872](1).
  • dec 1872
  • Nîmes
La lettre

A M. le Directeur de la Semaine religieuse de Nîmes

Mon cher Directeur,

Permettez-moi de venir réclamer contre la charge à fond que vous faites à propos de la centralisation des bonnes oeuvres dans Paris.

Entendons-nous.

Qu’il y ait des industriels de bonnes oeuvres comme il y a des chevaliers d’industrie pour bien d’autres choses, je suis de votre avis; il faut les surveiller, les traquer, les fustiger.

Mais qu’il soit possible de faire quoi que ce soit d’un peu durable, de général, sans entente commune, je vous en porte bien le défi. La fédération est-elle la centralisation? Pas le moins du monde. Dès lors, il faut un lien commun. Eh bien! il est fort difficile que, pour une foule d’entreprises excellentes, le centre ne soit pas Paris. Courberons-nous la tête sous le joug parisien? On n’y songe pas. Et je vous avouerai même que, toutes les fois que j’ai aperçu la tendance exclusive à la domination, je me suis permis de l’attaquer de toutes mes forces. Ainsi, rien d’admirable comme le zèle déployé par de jeunes officiers pleins de talent pour former des cercles catholiques à Paris. Mais ils voulurent, au congrès de Poitiers, établir une sorte de régence universelle sur tous les cercles de France(2). Je luttai contre eux avec cette devise: Unité dans les principes, liberté dans les applications; et si, le premier jour du débat, une faible majorité pencha dans leur sens, il fut très facile de voir que, à la fin du congrès, les esprits revenaient à la liberté telle que je la proclamais. Ainsi, que nous ne nous laissions pas dominer par la prépotence parisienne, rien de mieux. Cependant est-il possible, non pas de secouer tout joug, mais de rompre tout lien? Je ne le pense pas.

Vos lignes, qui m’avaient surpris, me semblent encore plus paradoxales à la lecture d’un excellent rapport présenté au Congrès de l’Enseignement chrétien, par M. le baron d’Avril(3). Il s’agit, pour employer son expression, de dépaganiser l’art dans toute la France. Si quelques hommes de talent ne se livrent pas à ce labeur et ne groupent pas leurs forces, pensez-vous que des efforts isolés donnent des résultats féconds? On a commencé à Paris, on pouvait commencer ailleurs; seulement, pourriez-vous me dire pourquoi ailleurs on n’a pas commencé?

Je me charge bien de vous le dire, mais je serais accusé de manquer de respect à la province, que j’estime pourtant du fond de l’âme et à qui je veux porter le plus inaltérable respect.

Voyez-vous, à côté de ceux qui veulent tout dominer au nom de la centralisation, il y a des hommes qui, au nom de la liberté, ne veulent ni faire, ni laisser faire, et dont toutes les réclamations aboutissent à la liberté de la paresse et de la nullité.

Faites-y attention: le premier courant a ses dangers, le second vous entraîne dans je ne sais quel marais d’eaux mortes où l’on a la paix comme l’ont ceux qui ont perdu la faculté du mouvement.

En résumé, il y a du vrai dans vos observations, mais elles renferment, ce me semble, une grande exagération. S’il vous était agréable d’approfondir cette question, peut-être ce que j’appelle vos paradoxes auraient-ils l’avantage de nous aider à fixer plus nettement ce que, selon moi, les catholiques doivent demander à Paris et ce qu’ils doivent refuser à une action centrale trop despotique.

Recevez, mon cher directeur(4), etc.,

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Date de parution dans la *Semaine religieuse de Nîmes*. Cette lettre a été inspirée par un article de l'abbé Carle intitulé "De quelques fautes économiques" et paru dans le n° précédent de la *Semaine religieuse* (1er décembre 1872).
2. Ph. Levillain a intitulé un de ses chapitres *L'impérialisme de l'oeuvre des cercles* (*Albert de Mun*, p.319).
3. *R.E.C.*, t.4, pp. 67-72 (novembre 1872).
4. Il nous semble déceler un certain agacement dans la présentation que l'abbé Carle fait de cette lettre. "Ou bien nos expressions ont pris aux yeux du T.R.P. d'Alzon une portée que nous n'avons pas voulu leur donner [...] ou bien, ce que nous préférons croire, nos expressions ont singulièrement trahi notre pensée, ainsi que le fera voir, nous l'espérons, la suite de notre travail..." Il y eut encore en effet deux articles sur le sujet (22 décembre et 19 janvier). Ils sont essentiellement une défense des Semaines religieuses de province contre la concurrence, à fin purement commerciale, qui leur est faite par des publications parisiennes.